Voici un projet de pétition internationale issu de plusieurs voyages solidaires organisés ces derniers mois à Athènes à la rencontre des actrices et acteurs des Dispensaires solidaires. Ces voyages étaient organisés par Collectif France-Grèce solidarité santé puis par le Syndicat de la médecine générale et l’Union syndicale de la psychiatrie. Une réunion se tiendra à Paris samedi 12 décembre pour préciser ou valider cette pétition. Cette pétition est un résumé trop synthétique mais sans doute informatif de la situation en Grèce des institutions psychiatriques et de leurs alternatives.
Pascal Boissel, 2/12/2015
Appel à la création d’un Réseau Européen pour une Santé Mentale démocratique.
Face à la politique néolibérale impitoyable imposée par la Commission européenne, la BCE et le FMI, la lutte de résistance du peuple grec a ouvert la voie à l’émergence de radicalités politiques émancipatrices et à la mise en place de structures d’auto-organisation de la population et des travailleurs.
Parmi celles-ci, les dispensaires et les pharmacies sociaux autogérés en sont aujourd’hui la forme la mieux organisée, jouissant d’une visibilité et d’une reconnaissance importante au sein de la société grecque et au-delà.
Le service public de santé, les services psychiatriques, soumis en Grèce à des restrictions massives de moyens, sont mis dans l’impossibilité quasi-totale d’accueillir la souffrance psychique et d’accompagner les patients à travers des projets individuels, respectueux de leur subjectivité.
Or, aujourd’hui, une part nombreuse et croissante de la population grecque souffre psychiquement des conséquences d’un remaniement brutal des rapports sociaux, engendré par la crise et les remèdes néolibéraux toxiques.
Les symptômes d’effondrement psychiques se sont multipliés :
dépression, suicides et tendances suicidaires, crises de panique, pathologies à déterminants psychosociaux ou post-traumatiques, etc.
La Grèce avait mis en route des réformes en Santé Mentale ambitieuses, en rupture avec l’ancien modèle asilaire. Ces réformes ont été arrêtées par la tourmente de l’austérité, entraînant la fermeture brutale des hôpitaux psychiatriques, sans alternative soucieuse de la continuité des projets de soins, ni souci de la survie sociale voire physique des patients.
On peut reconnaître là des analogies avec ce qui est entrepris dans d’autres pays européens, notamment en France. En effet, dans le contexte d’offensive néolibérale, avec ses mesures d’austérité, la Santé Mentale risque de se transformer en outil de régulation a minima des effets de la violence économique et sociale, conséquence de ces politiques.
L’expérience du mouvement des dispensaires et pharmacies sociaux autogérés grecs démontre qu’un autre accueil pour les patients est possible dans des espaces publics indépendants à la fois des
administrations étatiques et de l’économie de marché.
Cette expérience, créatrice d’une hospitalité nouvelle, rejoint les pratiques alternatives de désinstitutionalisation et de désaliénation, et les combats des dernières décennies, pour la conquête de droits nouveaux humains et d’une émancipation élargie. Dans les dispensaires solidaires, c’est l’écoute des patients, l’écoute attentive des conséquences sur la personne de la crise comme de sa
subjectivité, qui est promue. C’est la réinvention de la participation de jeunes volontaires et aussi des groupes de rencontre, de soutien psychique et de parole qui se développent. Et des groupes de
coopération, de mobilisation et de solidarité de patients au chômage et de volontaires s’y créent.
Les mouvements grecs de réappropriation des biens communs nous montrent une voie originale dans la perspective d’un changement radical des rapports sociaux et de l’organisation du travail et du soin.
Partant de cette expérience grecque et d’autres expériences européennes, nous affirmons notre décision de participer à la création d’un un réseau européen d’échanges de pratiques et de contenus. Conjointement à un soutien concret à nos amis grecs, ce réseau élaborera d’un projet pour le développement et la diffusion de pratiques démocratiques en Santé Mentale, qu’elle soit publique, associative, privée ou étatique et nous appelons les personnes individuelles et représentant des associations, concernées par ce champ d’action de se joindre à notre initiative;
Initiative de Jean-Pierre Martin, Emmanuel Kosadinos, Philippe Gasser, Pascal Boissel.