Pour l’ar­rêt des opéra­tions mili­taires et des ingé­rences de la France au Niger et en Afrique

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Pour l’ar­rêt des opéra­tions mili­taires et des ingé­rences de la France au Niger et en Afrique

Face à l’es­ca­lade dange­reuse au Niger voulue par le président Macron, nous esti­mons que les orga­ni­sa­tions poli­tiques, syndi­cales, asso­cia­tives et les forces paci­fistes ou anti-impé­ria­listes peuvent et doivent employer tous les recours pour exiger de l’exé­cu­tif et de la repré­sen­ta­tion parle­men­taire des réponses claires, aver­tissent plusieurs person­na­li­tés du mouve­ment social.

L’heure est grave : le président Macron tente d’uti­li­ser les réseaux de la França­frique (certains pays de la CEDEAO [1]) pour fomen­ter une guerre au Niger suite au coup d’Etat mili­taire [2]. C’est l’un des pays les plus pauvres de la planète, dans une région, le Sahel, déjà trau­ma­ti­sée par deux décen­nies de guerre du fait du djiha­disme. Cela dans l’igno­rance voire l’in­dif­fé­rence de l’opi­nion publique natio­nale et au cœur de l’été, saison des congés parle­men­taires.

Face à cette esca­lade dange­reuse, nous esti­mons que les orga­ni­sa­tions poli­tiques, syndi­cales, asso­cia­tives et les forces paci­fistes ou anti-impé­ria­listes peuvent et doivent employer tous les recours pour exiger de l’exé­cu­tif et de la repré­sen­ta­tion parle­men­taire des réponses à ces ques­tions impé­rieuses :

– Quel est le bilan des opéra­tions mili­taires menées depuis 2013 (Serval au Mali, Barkhane au Sahel, Sanga­ris en Centra­frique) pour éradiquer le terro­risme isla­miste dans ces régions ? Comment expliquer le manque de résul­tats probants de ces opéra­tions ?

– Quelle rela­tion établir entre ces opéra­tions mili­taires et les putschs menés au Mali en 2020, au Burkina-Faso en 2021 et désor­mais au Niger ? N’y aurait-il pas là une rela­tion de cause à effet, dans le sens d’éta­blir un rapport de forces propor­tionné à l’égard d’une armée d’oc­cu­pa­tion de facto, armée dont le budget est le 7e ou le 8e du monde et le 2e de l’Union euro­péenne ? Les accords histo­riques de coopé­ra­tion mili­taire contrac­tés avec la France de même que la sujé­tion de la CEDEAO sont reje­tés dans la dernière période. Ceci dans un contexte où les annonces de proces­sus démo­cra­tiques maintes fois répé­tées par les diri­geants ne sont pas respec­tées – y compris par les mili­taires qui s’em­parent fréquem­ment du pouvoir – et qu’elles s’ef­facent devant les riva­li­tés géopo­li­tiques et la capture du pouvoir d’Etat par les élites, en viola­tion de la volonté de souve­rai­neté natio­nale expri­mée par les peuples.

Comment expliquer que l’exé­cu­tif invoque à la fois la souve­rai­neté de l’Ukraine et s’in­gère dans les affaires inté­rieures du Niger ? Comment expliquer qu’il condamne le coup d’Etat au Niger et qu’il soutienne des proces­sus élec­to­raux frau­du­leux, qui main­tiennent des dicta­tures au pouvoir, comme au Gabon et au Togo ? Ces “deux poids et deux mesures” en matière de rela­tions inter­na­tio­nales ne sont-ils pas révé­la­teurs d’une poli­tique néoco­lo­niale menée au nom d’in­té­rêts illé­gi­times en matière d’ex­ploi­ta­tion de richesses minières ? Il est avéré que, loin d’en­ri­chir le pays, l’ex­ploi­ta­tion de l’ura­nium par ORANO (ex AREVA) a et aura des consé­quences consi­dé­rables sur les popu­la­tions en matière de santé publique et de conta­mi­na­tion de l’en­vi­ron­ne­ment (consé­quences passées sous silence jusqu’à présent).

– Une inter­ven­tion mili­taire au Niger ne serait-elle pas insup­por­table pour un peuple déjà dure­ment impacté tant par les crises clima­tique qu’é­co­no­mique du fait des réper­cus­sions de la guerre en Ukraine ? Et ne serait-elle pas source de désta­bi­li­sa­tion d’une région dont les jeunes n’ont plus souvent déjà que le choix de l’émi­gra­tion ou du djiha­disme pour survivre ?  

– L’exé­cu­tif a dû accep­ter de reti­rer ses troupes du Mali et du Burkina-Faso. Pourquoi fomen­te­rait-il une guerre au Niger ? 

Les peuples du Sahel doivent-ils subir la concur­rence des pays impé­ria­listes comme la France, la Russie (dont le groupe Wagner est au Mali depuis la fin de l’opé­ra­tion Barkhane), les USA (qui ont des bases au Niger)…?   

– N’est-ce pas le rôle de la France, si elle ne veut pas une fois de plus tour­ner le dos à son héri­tage histo­rique comme « pays de la décla­ra­tion des droits de l’homme », de privi­lé­gier avec d’autres acteurs la diplo­ma­tie ? Cela dans un contexte inter­na­tio­nal marqué par la progres­sion para­site des conflits armés et des budgets mili­taires corres­pon­dants. Au profit du lobby mili­taro-indus­triel, pour lequel devraient s’en­det­ter les pays de la CEDAO.

A tous ces titres, face à ce diktat prési­den­tiel, il est urgent :

de sortir d’un certain silence rela­tif aux ques­tions Afrique-France comme à celles qui relèvent de la gestion du secteur mili­taire. Ainsi, la loi de program­ma­tion, qui prévoit le double­ment du budget des armées et l’ins­tau­ra­tion d’une « écono­mie de guerre », a été votée sans oppo­si­tion orga­ni­sée et avec l’ap­pui des droites.   

– D’exi­ger l’ou­ver­ture :

           ⋅ d’une commis­sion d’enquête parle­men­taire qui fasse le bilan des OPEX (opéra­tions exté­rieures) en Afrique et notam­ment au Sahel ;

           ⋅ d’une commis­sion d’enquête parle­men­taire qui fasse le bilan de la gestion d’Orano (ex-Areva) au Niger ;

           ⋅ d’une commis­sion d’enquête parle­men­taire sur le bilan de la gestion de la monnaie franc CFA, objet comme les opéra­tions mili­taires, d’une hosti­lité gran­dis­sante des peuples fran­co­phones.

De colla­bo­rer acti­ve­ment et de manière pérenne avec les orga­ni­sa­tions démo­cra­tiques nigé­riennes, sahé­liennes et afri­caines, dans l’objec­tif d’en finir avec cette gestion néoco­lo­niale et de respec­ter les souve­rai­ne­tés natio­nales et régio­nales.

– de média­ti­ser large­ment une péti­tion inter-orga­ni­sa­tion­nelle qui, dans une pers­pec­tive de mobi­li­sa­tion sous une forme ou une autre,  informe le peuple français de la poli­tique menée en son nom, poli­tique crimi­nelle et de ce fait nuisible à ses inté­rêts bien compris.

Une telle démarche d’élar­gis­se­ment de nos objec­tifs démo­cra­tiques ne peut que favo­ri­ser le renou­veau du débat citoyen et poli­tique, qui est large­ment dominé actuel­le­ment par les programmes auto­ri­taires et xéno­phobes des droites.

Premier·es signa­taires :

Abder­ra­him AFARKI, défen­seur des droits humains
Nils ANDERSSON, ancien éditeur, spécia­liste de géo-poli­tique, auteur de Le capi­ta­lisme c’est la guerre (2021)
Adda BEKKOUCHE maire-adjoint de Colombes, co-auteur de La Colère des peuples ou la mondia­li­sa­tion du ras-le-bol (2021)
Jean-Louis BERLAND, retraité fonc­tion publique, conseiller muni­ci­pal mili­tant
Gilles BOSCA, citoyen région Occi­ta­nie, Gérant SSII
Martine BOUDET didac­ti­cienne (univer­sité de Paris Dide­rot), direc­trice de Résis­tances afri­caines à la domi­na­tion néo-colo­niale (2021)
Michel CAHEN, direc­teur de recherche émérite du CNRS à Sciences Po Bordeaux, membre de la Gauche démo­cra­tique et sociale
Claude CALAME histo­rien anthro­po­logue, direc­teur d’études EHESS Paris, CS d’ATTAC, LDH, Ensemble! codi­rec­teur de Migra­tions forcées, discri­mi­na­tions et exclu­sions (2021)
Anne CAUWEL mili­tante alter­mon­dia­liste
Eliane CESARIN MAYOUSSIER citoyenne mili­tante, membre d’At­tac
Françoise CLEMENT écono­miste
Gérard COLLET ensei­gnant retraité, mili­tant asso­cia­tif
Patrice COULON membre du réseau « inter­na­tio­nal » du MAN, de la commis­sion Paix et désar­me­ment (EELV), de Aboli­tion des armes nucléaires, d’At­tac
Pierre COURS-SALIES socio­logue, profes­seur émérite Paris 8, CS d’ATTAC, LDH, Ensemble !
Alexis CUKIER philo­sophe
Chris­tian DELARUE membre du Conseil natio­nal du MRAP-Délé­gué à l’al­ter­mon­dia­lisme (ATTAC – CADTM – Forum)
Monique DEMARE membre de la commis­sion Démo­cra­tie Attac
Françoise DUTHU, ancienne dépu­tée au Parle­ment Euro­péen du groupe Verts/ALE, membre du bureau de la commis­sion Paix et Désar­me­ment EELV
Didier EPSZTAJN, anima­teur du blog « Entre les lignes entre les mots » 
Tosse EKUE anima­teur cultu­rel (Toulouse)
Jules FALQUET, philo­so­phie, Univer­sité Paris 9 St Denis
Patrick FARBIAZ PEPS Pour une Ecolo­gie Popu­laire et Sociale
Jacques FATH spécia­liste en rela­tions inter­na­tio­nales
Georges Yoram FEDERMANN psychiatre –Fon­da­tion Coper­nic (Stras­bourg) 
Gérard FILOCHE Gauche démo­cra­tique et sociale 
Sylviane FRANZETTI citoyenne occi­ta­niste
Michelle GARCIA, Rejoi­gnons-nous
Jean-Luc GAUTERO, maître de confé­rences en philo­so­phie des sciences, Univer­sité Côte d’Azur (Nice)
Char­lotte GEHIN,  ensei­gnante, syndiquée au Snes
Robert JOUMARD, direc­teur de recherche retraité
Frédé­ric LEBARON profes­seur en socio­lo­gie, univer­sité Paris-Saclay- Asso­cia­tion Savoir/Agir
Laurent LINTANF, membre du bureau de la commis­sion Paix et désar­me­ment d’EELV, mili­tant anti­nu­cléaire 
Michèle LECLERC-OLIVE cher­cheure CNRS-EHESS, prési­dente de CORENS (Collec­tif Régio­nal pour la Coopé­ra­tion Nord-Sud – Hauts de France) et de CIBELE (Collec­tif Régio­nal pour la Coopé­ra­tion Nord-Sud – Ile de France) ‌‌
Philippe LE CLERRE co-secré­taire de la commis­sion Paix et Désar­me­ment (EELV)
Olivier LONG artiste plas­ti­cien, univer­si­taire Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Pascal MAILLARD, univer­si­taire, mili­tant syndi­cal
Jean MALIFAUD mili­tant écoso­cia­liste
Fabien MARCOT, Rejoi­gnons-nous
Jean-Pierre MARTIN, psychiatre, mili­tant d’En­semble !
Gustave MASSIAH écono­miste
Chris­tophe MILESCHI profes­seur des univer­si­tés, Nanterre
Martine MONIER, retrai­tée d’un Grou­pe­ment d’In­té­rêt Public (forma­tion profes­sion­nelle) 
Luigi MOSCA, physi­cien, membre de l’as­so­cia­tion Aboli­tion des Armes Nucléaires – Maison de Vigi­lance, parte­naire d’ICAN
Alain MOUETAUX retraité, ancien syndi­ca­liste Sudptt et bureau d’At­tac Réunion.
Evelyne PERRIN prési­dente de Stop Préca­rité 
Jean-Luc PICARD-BACHELLERIE membre de la commis­sion Démo­cra­tie d’At­tac
Alain REFALO co-porte-parole du Mouve­ment pour une Alter­na­tive Non-violente (MAN), auteur de Démi­li­ta­ri­ser la France : un projet poli­tique au service de la paix (2022)
Patrick SAURIN, employé de banque retraité, Syndi­ca­liste Sud Soli­daires BPCEC­laude SERFATI, écono­miste, auteur de L’Etat radi­ca­lisé : La France à l’ère de la mondia­li­sa­tion armée (2022)
Nicole SMOLSKI méde­cin hospi­ta­lier en retrai­teGé­rard TAUTIL mili­tant et auteur occi­ta­niste (Le roman natio­nal français au défi de l’ex­trême-droite, 2016)
Jacques TESTART direc­teur de recherches hono­raire Inserm
Jean-Michel TOULOUSE, direc­teur d’hô­pi­tal hono­raire. Essayiste
Jean-Paul VANHOOVE mili­tant du commerce équi­table avec l’Afrique
Pedro VIANNA écono­miste, poète, homme de théâtre, ensei­gnant univer­si­taire
Chris­tiane VOLLAIRE philo­sophe (labo­ra­toire CRTD du CNAM et Insti­tut Conver­gences Migra­tions au Collège de France), auteure de Pour une philo­so­phie de terrain (2017)

Docu­ments ressources :

Aminata Dramane Traoré, figure de l’al­ter­mon­dia­lisme afri­cain 
CEDEAO, : faites taire les armes, pas les peuples  

Niger : la France doit cesser de jouer les incen­diaires et sortir du déni en évacuant ses mili­taires (Survie, 14 août 2023)

Au Niger, déve­lop­pons la démo­cra­tie, proté­geons les droits des travailleur·eu­se·s ! (CGT, 1er août)

La Confé­dé­ra­tion paysanne dénonce le risque d’in­ter­ven­tion mili­taire au Niger et affirme son soutien aux popu­la­tions et paysans du Sahel (17 août 2023)

La France ne doit pas s’in­gé­rer dans les affaires internes au Niger ! (MAN, Mouve­ment pour une alter­na­tive non-violente, 18 août) 


Beau­coup en France semblent ne pas mesu­rer ce qu’a été la colo­ni­sa­tion au Niger (Media­part, entre­tien avec Camille Lefebvre du CNRS)

Kako Nubukpo écono­miste (UEMOA), La Cedeao connaît une dérive 


Le projet de loi de program­ma­tion mili­taire: vers une « écono­mie de guerre » para­site et dange­reuse (tribune collec­tive, avril 2023)


Loi de program­ma­tion mili­taire 2024–2030 : la France se prépare à la guerre (Alain Refalo)

          

 Notes : 

(1) CEDEAO : Commu­nauté écono­mique des États de l’Afrique de l’Ouest. Des sanc­tions écono­miques très dures ont été mises en place, dont l’ONU demande l’ar­rêt. 

(2) L’ar­mée a desti­tué le 26 juillet dernier le président Moha­med Barzoum, qui avait été élu en 2021. Le Niger a connu cinq coups d’Etat depuis son indé­pen­dance et six des dix prési­dents ont été des mili­taires.

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