5 décembre 2025

Regards. Pablo Pillaud-Vivien. Mamdani : New York envoie un souffle d’es­poir à la gauche mondiale

Mamdani : New York envoie un souffle d’es­poir à la gauche mondiale

par Pablo Pillaud-Vivien

Dans un monde où l’ex­trême droite a le vent en poupe, la victoire du socia­liste dans la capi­tale écono­mique améri­caine résonne comme une défla­gra­tion d’es­poir.

Enfin une bouf­fée d’air, enfin une victoire qui donne envie d’y croire à nouveau. Dans ce monde où la droite radi­cale pros­père sur les ruines du déses­poir, où les fascistes se sentent pous­ser des ailes, la victoire de Zohran Mamdani à New York résonne comme un soula­ge­ment, presque comme une respi­ra­tion poli­tique. Pas une de ces semi-victoires à la Pyrrhus dont on ne sait si on les a vrai­ment gagnées : non, une victoire popu­laire, claire, incar­née — plus de 50 % des voix, une parti­ci­pa­tion record depuis 1969. Et quelle claque pour les puis­sants, quelle gifle pour Donald Trump, qui a immé­dia­te­ment compris le danger. Car Mamdani n’est pas simple­ment un élu de plus à gauche : il est le visage d’une Amérique que la droite veut faire dispa­raître — une Amérique métisse, popu­laire, queer, musul­mane, fière, comba­tive et de gauche.

Trump l’a dési­gné comme adver­saire, parce qu’il sent bien le souffle de l’his­toire. Mamdani parle le langage que la gauche a trop souvent oublié : celui du quoti­dien, du loge­ment inac­ces­sible, des trans­ports publics déla­brés, de l’école vidée de moyens. Et il en parle sans fard, sans jargon, sans excuses. Il dit ce que tout le monde sait et que trop de poli­tiques n’osent affir­mer : qu’une ville comme New York n’ap­par­tient pas aux milliar­daires mais à celles et ceux qui la font vivre, la nettoient, la conduisent, l’en­seignent, l’aiment. Car c’est bien l’aban­don de ce langage-là, celui des gens ordi­naires, qui a ouvert un boule­vard à l’ex­trême droite. Chaque fois que la gauche a renoncé à défendre la vie concrète, elle a préparé le terrain à ceux qui promettent de parler vrai pour mieux frap­per les plus faibles. Mamdani reprend ce terrain perdu et c’est pour cela qu’il inquiète tant.

Dans des Etats-Unis traver­sés par les haines raciales et reli­gieuses, Mamdani ose être ce qu’il est : musul­man et progres­siste, fier de sa culture, à l’aise dans les boîtes gay où il fait campagne comme dans les mosquées où il prie. En cela, il fait bien plus que gagner une élec­tion : il rend visible une géné­ra­tion entière d’en­fants de migrants, d’ex­ploité, de jeunes précaires qui refusent de choi­sir entre leur iden­tité et leur enga­ge­ment poli­tique.

Son New York n’est pas celui des roof­tops et des hedge funds, c’est celui des quar­tiers, des familles immi­grées, des travailleuses du métro et des jeunes sans assu­rance santé. Il s’ins­crit dans cette histoire longue des migra­tions qui fait la force et la beauté de la ville. Et c’est préci­sé­ment ce monde-là que Trump et consorts veulent éradiquer, au nom d’une Amérique blanche, virile et proprié­taire.

La victoire de Zohran Mamdani est un signal mondial. Elle nous dit que la gauche n’est pas morte : elle doit réap­prendre à parler vrai, à incar­ner la dignité, à refu­ser la honte. Elle nous dit que face aux droites iden­ti­taires, face aux fascismes rampants et triom­phants, ce ne sont pas les renon­ce­ments mais les affir­ma­tions qui gagnent : être plei­ne­ment soi, sans s’ex­cu­ser, sans se cacher. Elle nous dit, enfin, qu’on peut être musul­man, fémi­niste et de gauche, new-yorkais et déco­lo­nial… et que cette multi­pli­cité, loin d’être un fardeau, est la promesse d’un monde à venir. Zohran Mamdani n’est pas une excep­tion : il est un début. Le début d’une lutte qu’il va devoir mener en tant que maire. Le début de quelque chose qui dépasse sûre­ment les fron­tières de sa ville et de son pays aussi. Et ça, ça fait du bien.

Pablo Pillaud-Vivien

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