Nous publions de larges extraits de ce texte intéressant du député FI Ruffin.
Cependant, je précise que cette façon de se complaire à répéter le mot de « haine » m’est détestable. Le mot haine est dit et surligné, il est martelé, assumé, dans ce texte de Ruffin. Or, militants politiques, nous savons que la haine, lorsqu’elle devient politique et se déverse dans les rues sans frein, ne peut que faire le lit des fascistes.
Ce qui importe , ce ne sont pas les éclats de voix de l’un, les mots menaçants de l’autre, c’est de construire un front social et politique.
Une lutte de masse . Avec les gilets jaunes aujourd’hui autant que cela se peut.
Et il faut bien en passer par certains leaders d’opinion tels qu’ils sont.
Pascal Boissel, 27–11–2018
« Jusqu’à quand, Monsieur Macron, abuserez-vous de notre patience ? Avant même votre élection, à la veille du second tour, je vous adressais une « Lettre ouverte à un président déjà haï » : (…)
Avec douze fois « vous êtes haï » en une trentaine de lignes, je vous prévenais avec un rien d’insistance.(…)C’était en germe hier, on assiste désormais à la moisson. Le fossé s’est transformé en gouffre.
Ce rejet, dont vous êtes l’objet, les sondages ne font que l’effleurer. (…)
Et ça se comprend. Vous avez déchiré le contrat social. Vous déchirez la France.
Depuis votre entrée à l’Elysée, vous menez une politique injuste, si manifestement injuste : comment le corps social n’en serait pas heurté, violenté ? Car il fallait oser : supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, et en même temps, en même temps, relever la CSG pour les retraités, gratter cinq euros sur les APL des locataires, éliminer 200 000 contrats aidés ? C’est si excessif, tellement abusif : ça ne touche pas qu’au porte-monnaie, au « pouvoir d’achat », l’orgueil d’un peuple en est blessé, son honneur : on se moque de lui, son propre chef de l’Etat se moque de lui. Et à cette injustice, à cette évidence de l’injustice, comme on jette du sel sur une plaie, vous ajoutez l’arrogance de l’injustice, à grand renfort de « gens qui ne sont rien », de « feignants », de « Gaulois réfractaires », de « vous n’avez qu’à traverser la rue » et autres « pognon de dingue », comme des provocations renouvelées.
Vous êtes fou. Je vous écoute, et je me dis : « Il est fou. »
Vous êtes frappé d’hybris, de la « démesure » des héros antiques, qui se prenaient pour des dieux. Le sort s’acharne alors sur eux, le malheur crève la montgolfière de leurs égaux, bref, les ramène à leur humaine condition, les yeux percés d’Œdipe pour enfin voir. Et l’on pourrait parier – par quelle lumière ? – sur votre retour à la réalité et à l’humilité, pseudo-Jupiter qui remet les pieds sur Terre.
Il faut espérer, toujours. Croire en l’homme, soit.
Mais votre hybris, votre démesure, ne vous est pas propre. Elle vous dépasse. C’est celle d’une classe qui s’est coupée du monde commun, qui s’est détachée de la nation. C’est celle d’une caste qui a vu sa fortune multipliée par sept en vingt ans, et qui néanmoins défiscalise, optimise, paradise, panamise, caïmanise, qui relègue l’intérêt général derrière celui des multinationales, qui cumule rachats d’actions, dividendes, golden parachutes et aux autres stock-options, et qui, en même temps, en même temps, sans honte, s’en va prôner au peuple des salariés, des retraités, de se serrer la ceinture, de faire des sacrifices. Bref, c’est celle d’une élite qui se place au-dessus de l’humanité, de ses lois, sur un Olympe pour nantis et qui se croit tout permis.
Vous êtes fous, collectivement fous.
Je suis inquiet, vraiment. Pas pour vous, du tout, mais pour mon pays que vous menez à la folie. A bon entendeur.
https://www.liberation.fr/debats/2018/11/26/lettre-ouverte-a-un-president-hai-bis_1694415