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Loi sur l’immigration : pour l’Unicef, “les droits des enfants ont été sacrifiés”
(…) Après une bataille parlementaire chaotique, la loi sur l’immigration a été définitivement votée ce mardi 19 décembre. Outre une séquence politique désastreuse, elle signe d’importants reculs sur le plan des droits humains. Les associations dénoncent notamment de nombreuses et graves atteintes aux droits des enfants. La réaction d’Adeline Hazan, ancienne députée européenne et maire de Reims (PS), et présidente de l’Unicef depuis 2022.
Comment avez-vous reçu ce vote ?
Nous sommes catastrophés. D’autant plus que nous avons beaucoup travaillé avec les parlementaires sur ce texte et que nous avions réussi à faire passer plusieurs dizaines d’amendements dans la première version de la loi. Ils venaient protéger notamment les mineurs isolés, les jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance, l’accès à l’hébergement d’urgence pour les enfants… Ils ont été complètement supprimés par le texte de la commission mixte paritaire (CMP). Les droits des enfants ont été sacrifiés sur l’autel d’une politique strictement politicienne. Désormais, le texte contient une série d’atteintes à la Convention internationale des droits de l’enfant. Cela me navre. Le gouvernement avance que des articles seront censurés par le Conseil constitutionnel, ce n’est pas sérieux : faire voter un texte dont on sait parfaitement l’inconstitutionnalité, on n’a jamais vu ça. Un sujet aussi important que l’immigration ne mérite pas un tel traitement. À l’Unicef, nous attendons donc beaucoup du Conseil constitutionnel.
(…)
Quelles sont les mesures qui portent atteinte aux droits des enfants ?
Une des plus problématiques est le conditionnement des allocations logement et des allocations familiales à cinq ans de résidence ou deux ans et demi pour les immigrés qui travaillent. C’est une vraie atteinte au droit à un logement décent, reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant. Cela veut dire qu’une famille démunie, en difficulté financière, bien qu’en situation régulière, ne pourra plus trouver de logement. Pour nous, c’est extrêmement choquant. L’absence de logement est, on le sait, un frein pour avoir un travail. Cet article est l’ouverture de la préférence nationale.
Les restrictions au regroupement familial sont également très choquantes. Le regroupement était déjà encadré par des conditions de ressources et de logement, et la durée du séjour nécessaire du demandeur est allongée de six mois, alors qu’elle était déjà de dix-huit mois. Ça veut dire, concrètement, qu’un parent installé en France depuis déjà un an et demi devra encore attendre six mois pour être rejoint par ses enfants mineurs. Il s’agit d’une véritable atteinte au droit de vivre en famille. Par ailleurs, la création d’un fichier de mineurs non accompagnés délinquants est scandaleuse. La justice a déjà beaucoup d’outils à sa disposition. Ça n’a aucun sens et cela stigmatise encore davantage des mineurs.
Les personnes sans-papiers seront désormais interdites d’accès aux hébergements d’urgence…
(…) Nous savons que cette mesure va se solder par une hausse du nombre de personnes sans-abri, dont des familles avec enfants. Et on ne cesse de le répéter : à l’heure actuelle, déjà trois mille enfants dorment à la rue. La situation ne peut qu’empirer. (…)