Tribune
« Les orientations économiques du Nouveau Front populaire répondent aux défis de notre époque »
Publié le 25 juin 2024 à 8h56
Environ 300 économistes, dont certains très réputés, signent ce texte en soutien du programme économique du NFP, le seul selon eux à proposer de dégager des recettes pour préparer l’avenir.
Le programme du Nouveau Front populaire indique une direction de politique économique claire : prendre le chemin d’une prospérité partagée et soutenable grâce au renforcement de la politique sociale et à l’investissement public et privé. Redonner à notre pays des perspectives à long terme implique de lever de nouvelles recettes pour rétablir les finances et reconstruire les services publics. La justice fiscale est ainsi au cœur de ce projet, comme levier indispensable pour garantir une éducation de qualité, un système de santé efficace et un développement productif respectueux des équilibres écologiques.
Depuis 2017, le gouvernement a fait le pari que la diminution des impôts et prélèvements sur les plus riches et les entreprises allait augmenter le taux d’emploi, ce qui rétablirait la croissance et financerait la dépense publique. Cette politique a échoué. Le déficit public est un des plus importants en Europe, la dette significative et la productivité horaire du travail en net recul. C’est le résultat d’une erreur stratégique consistant à miser sur la baisse des coûts et non sur la qualité de la production française.
Le Premier ministre, Gabriel Attal, propose pour ces législatives de poursuivre sur la même voie. C’est aussi vrai pour le Rassemblement national dont la rupture économique principale consiste à institutionnaliser la xénophobie en discriminant les personnes non françaises en matière de prestations sociales. Ceci est non seulement une abjection morale, mais une aberration budgétaire puisque les « économies » ainsi gagnées seraient bien loin de combler les effets économiques indirects considérables que cela engendrerait, notamment en matière de santé publique.
Le programme du Nouveau Front populaire prend le contrepied de ces projets. En annulant les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, il met un coup d’arrêt à une série de régressions sociales, ce qui est indispensable pour recréer la confiance. Au-delà, monter en gamme dans l’économie mondiale exige de développer les compétences, de renforcer les services publics, de moderniser les infrastructures, d’accompagner les entreprises les plus fragiles pour absorber les hausses de salaires, mais aussi de restaurer le dialogue social en redonnant toute leur place aux syndicats et de retrouver une politique ambitieuse en matière d’innovation et de recherche.
A la différence du Rassemblement national et du parti présidentiel, les financements envisagés sont détaillés et s’articulent de manière cohérente avec les grands enjeux du moment. Ils reposent principalement sur des mesures fiscales concentrées sur les très hauts revenus et les très hauts patrimoines, ce qui contribuera à réduire les inégalités, sur une conditionnalité progressive des exonérations à la trajectoire de bifurcation des entreprises ainsi que sur le protectionnisme écologique, fiscal et social. L’exit tax qui rend redevables les individus délocalisant leur résidence principale afin d’échapper à l’impôt permet de contrer les effets d’évitements. Parallèlement, la volonté de créer un pôle public bancaire autour de la Caisse des Dépôts et Consignations et de la Banque publique d’investissement permettrait de réduire la dépendance de la politique économique aux marchés financiers tout en dotant la planification écologique d’un puissant levier d’action.
Nous sommes des économistes représentant différentes sensibilités et écoles de pensée, dont les travaux reposent sur des méthodes et des présupposés variés. Notre soutien au projet économique porté par le Nouveau Front populaire ne vaut pas blanc-seing. En ce moment historique, nous nous retrouvons sur l’essentiel, à savoir le refus du Rassemblement national et de son projet autoritaire, raciste, xénophobe et insensé du point de vue écologique. Nous nous rejoignons aussi pour rejeter des programmes profondément injustes et qui mettent notre pays sur une trajectoire de long terme d’appauvrissement. Aux Etats-Unis ou en Espagne, le choix est fait de dégager des recettes pour préparer l’avenir, quand l’Italie ou l’Argentine ont pris la voie autoritaire d’un déclassement économique et social.
Nous pensons que les orientations proposées par le Nouveau Front populaire répondent le mieux aux enjeux du moment et aux défis de notre époque que nous venons d’évoquer. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui liront ce texte à faire valoir et enrichir ces arguments en lien avec les mouvements sociaux. De la crainte qui entoure les prochaines échéances électorales peut naître l’ambition d’une nouvelle ère de justice, de liberté et de prospérité.
A l’initiative de :
Eric Berr, université de Bordeaux
Julia Cagé, Sciences-Po Paris
Lucas Chancel, Sciences-Po Paris et Paris School of Economics
Anne-Laure Delatte, CNRS et université de Paris-Dauphine
Cédric Durand, université de Genève
Elvire Guillaud, université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
Elise Huillery, université de Paris-Dauphine
Pierre Khalfa, Fondation Copernic
Camille Landais, London School of Economics
Eloi Laurent, Sciences-Po Paris
Thomas Piketty, EHESS et Paris School of Economics
Emmanuel Saez, université de Californie à Berkeley
Michaël Zemmour, université Lumière Lyon-2
Gabriel Zucman, ENS et Paris School of Economics.
Ce texte a été signé par 300 économistes. La liste des signataires se trouve ici.