Après la débâcle des élections départementales, la gauche est en vente à la découpe. Le gouvernement et le Parti socialiste ont été une nouvelle fois sanctionnés dans les urnes. L’abstention record, tout comme la course en tête du FN, expriment à la fois l’écœurement et le rejet du système politique dans son ensemble. Mais la colère populaire n’a débouché, pour le moment, que sur le ressentiment et le repli aussi réactionnaire qu’autoritaire. Comment pourrions-nous nous laisser enfermer dans deux logiques mortifères, se nourrissant l’une l’autre : d’un côté, l’austérité et la régression ; de l’autre, la réaction autoritaire et la xénophobie ? Nous devons prendre nos responsabilités et conjurer ce scénario de la désespérance. La reconstruction d’une force politique émancipatrice, en phase avec les urgences sociales et environnementales est un impératif urgent auquel il faut dès maintenant s’atteler.
La première étape est de faire émerger un pôle rassemblant toutes celles et ceux qui veulent donner une colonne vertébrale sociale et écologique à une nouvelle gauche. Car il n’y a pas d’écologie conséquente et populaire sans rupture avec la logique du profit et le dogme de l’austérité. Et il n’y a pas d’émancipation humaine sans préservation de l’écosystème, et donc sortie du modèle consumériste et productiviste. L’articulation entre le mouvement ouvrier et l’écologie politique permet de poser la question des finalités de l’économie. Elle nous ramène à des choix fondamentaux, qui consistent à tourner l’économie vers la satisfaction des besoins du grand nombre et la préservation de la planète. Nous refusons d’attendre Godot, ce retour de la croissance des années 60 ni possible ni souhaitable. Le cap doit être clair : ce n’est pas la compétitivité que nous recherchons, mais la construction d’une « société du bien vivre » à même d’assurer à chacune et à chacun une vie meilleure.
Quant à la méthode, une seule permet d’avancer : la démocratie véritable en lieu et place de la « gouvernance » qui donne aux élites le pouvoir de décider pour le peuple. Une nouvelle république, c’est-à-dire un changement radical de notre fonctionnement institutionnel et démocratique, doit être mise en œuvre à travers la fin du présidentialisme, la proportionnelle, le statut de l’élu : le chantier est immense et ne s’arrêtera pas aux portes des entreprises. Les salariés, comme les usagers, ont leur mot à dire dans le cours de la production. Ce qu’on produit, et la façon de le produire, doit devenir l’affaire de toutes et de tous.
Pour permettre une dynamique sociale, culturelle, citoyenne, il faut fédérer toutes celles et ceux qui veulent changer le monde et ne considèrent pas qu’il n’y a qu’une seule alternative possible, celle de la gestion du capitalisme tel qu’il est. La nouvelle gauche ne naîtra pas d’un cartel de partis, mais le signal d’une alliance nouvelle doit donner l’envie de s’engager à ces millions de nos concitoyens, qui attendent un sursaut, une initiative. A la condition de dire ensemble que nous sommes prêts à changer nos pratiques, et inventer le projet et la stratégie de transformation sociale et écologique du XXIe siècle. La réappropriation de la politique par les citoyens commence par en bas, à partir des valeurs de l’écologie, de l’autonomie, de l’égalité, de la dignité. Nos forces politiques doivent être prêtes à dépasser les logiques d’appareils, et les vieilles routines pour créer, à l’image des mouvements grecs et espagnols, une nouvelle force politique. Impulsés par des responsables du mouvement social, du monde culturel et intellectuel critique, du Front de gauche, de Nouvelle Donne et d’Europe Ecologie-les Verts, les Chantiers d’espoir, avec leur prochain rendez-vous le 20 juin, constituent un point d’appui.
Si nous ouvrons nos portes et nos fenêtres sur ce qui bouge, résiste, s’invente dans les sociétés, alors nous aurons l’énergie nécessaire pour recomposer et refonder la gauche sur la base d’un projet de civilisation alternatif au modèle de développement croissanciste et productiviste, qui seule peut réenchanter le monde et lui donner du sens, antidote à tous les extrémismes. Alors ayons confiance dans la force de nos idées, et osons être ambitieux. Pour notre part, nous y sommes prêts.