Un article de Mohamed Belaali.
http://www.belaali.com/2016/08/burkini-islamophobie-et-fascisation-des-esprits.html
Il met en évidence la question sociale cachée derrière les hurlements à thème pseudo-laïc des amis d’une France catholique et contre-révolutionnaire dont Sarkozy et Valls sont deux représentants.
On lira aussi les articles de Philippe Marlière et d’autres sur le site national d’Ensemble!
PB.
Voici:
« Quatre policiers armés forcent une femme musulmane à se dévêtir en public sur une plage de Nice parce qu’elle porte un foulard et une tunique à manches longues. Car dans la France d’aujourd’hui « l’accès aux plages et à la baignade est interdit à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades » (1).
Ces arrêtés municipaux qui fleurissent un peu partout sont confortés par les tribunaux administratifs et soutenus par le premier ministre Manuel Vals, « Je soutiens ceux qui ont pris des arrêtés, s’ils sont motivés par la volonté d’encourager le vivre ensemble » (2).
Pour Laurence Rossignol, ministre des droits des femmes, le burkini doit être combattu sans arrières pensées politiques : « Pour combattre cet archaïsme, il faut des personnalités politiques de sang-froid, et sans arrière-pensée » (3).
JP Chevènement, qui va probablement présider la Fondation pour les œuvres de l’Islam, après avoir traité les jeunes des cités populaires de sauvageons, demande aujourd’hui aux musulmans de France d’être discrets : « Le conseil que je donne dans cette période difficile est celui de discrétion » (4). François Hollande offre ainsi la présidence de cette fondation à un homme qui méprise les musulmans !
Et on va taire par pudeur toutes les déclarations répugnantes de nombreuses autres personnalités et des racistes déguisés en laïcs. Heureusement que le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative, a suspendu l’arrêté « anti-burkini » pris le 5 août dernier par le maire de Villeneuve-Loubet. Mais le premier ministre et les maires qui ont signé ces arrêtés s’entêtent et continuent leur croisade contre les femmes musulmanes à travers le burkini.
Pour les hommes et les femmes politiques, le vivre ensemble et la discrétion signifient certainement exclure une partie de la population notamment la fraction la plus vulnérable, les femmes musulmanes. Elles doivent être, au nom de la laïcité et de la libération des femmes, pourchassées, humiliées, stigmatisées et livrées à la vindicte populaire. Attroupements, insultes, brimades accompagnent les verbalisations : « Rentrez chez vous ! Madame, la loi c’est la loi, on en a marre de ces histoires, ici, on est catholiques ! » (5) .
Mais derrière toute cette agitation et cette excitation se cache une réalité que la classe dominante tente d’occulter. En temps de crise économique, la bourgeoisie a toujours besoin d’inventer, de fabriquer des boucs émissaires. Les musulmans remplacent aujourd’hui en quelque sorte, dans des conditions très différentes et toute proportion gardée, les juifs d’hier.
La brutalité, la haine, le racisme, la misogynie, la xénophobie, l’islamophobie etc. sont des éléments essentiels que la classe dominante instrumentalise pour maintenir, vaille que vaille, l’accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains. Il ne s’agit pas d’un problème religieux ou ethnique, mais d’un problème social et politique. La bourgeoisie n’attaque pas l’Islam en tant que tel, mais l’utilise comme elle utilise le terrorisme, qu’ elle a par ailleurs largement contribué à créer, pour mieux masquer sa propre responsabilité et celle de son système en général dans la situation économique et sociale désastreuse dans laquelle se trouve la France aujourd’hui.
Il suffit de voir les relations privilégiées qu’entretient la bourgeoisie française avec des pays comme l’Arabie Saoudite pour s’en convaincre. Rappelons que ce pays a une vision ultra-dogmatique, rétrograde et violente de l’Islam (le Wahhabisme) et où les droits des femmes sont tout simplement inexistants (6).
Cette manipulation des esprits permet également à la classe dominante de détourner la colère des travailleurs et des masses populaires des vrais combats et des vrais problèmes : chômage de masse, précarité, démantèlement du droit du travail, destruction des services publics, suppression progressive des prestations sociales etc. Et comme disait Lénine « La bourgeoisie réactionnaire s’est partout appliquée, à attiser les haines religieuses, pour attirer dans cette direction l’attention des masses et les détourner des questions politiques et économiques véritablement importantes et capitales » (7). En montrant du doigt non pas le capitalisme évidemment qui est en train de détruire l’homme et la nature mais les musulmans, la bourgeoisie déforme la réalité, la travestit. Elle se présente tel un prestidigitateur habile attirant l’attention de la population par un tour extraordinaire sur le burkini, le voile, les jupes longues, la viande hallal, le menu de substitution dans les cantines scolaires etc. pour mieux dissimuler ses véritables objectifs, perpétuer ses privilèges. La rhétorique anti-islamique se substitue par ailleurs largement au vide des programmes des gouvernements successifs et de la plupart des partis politiques fidèles serviteurs des puissants.
Une partie de la population, malheureusement de plus en plus importante, éduquée et élevée dans la haine de « l’Autre » succombe facilement à ce discours démagogique. Apeurée et traumatisée par des décennies d’austérité, elle se jette dans les bras d’un pouvoir qu’elle croit protecteur notamment en période de crise économique. Il faut dire qu’ à longueur d’année et surtout en période électorale on lui ressasse inlassablement, à travers les médias, les mêmes mots et les mêmes images : Islamophobie, Immigration, Insécurité, Terrorisme, Identité nationale, Réfugiés … Ces thèmes creux seront probablement les questions centrales de la campagne électorale pour la prochaine présidentielle.
Aujourd’hui, le capitalisme en crise produit et continuera à produire des « valeurs » de haine, de xénophobie, d’islamophobie etc. C’est à ce système qu’il faut s’attaquer et à la classe qui le porte et non aux femmes, aux travailleurs immigrés, aux réfugiés quelque soit leur confession. »
Mohamed Belaali
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(7) Socialisme et religion, « Novaïa Jizn » n° 28, 3 décembre 1905.