Présentation et introduction du livre : C’est quoi le colonialisme aujourd’hui ?
Ce livre vient en complément de l’exposition « C’est quoi le colonialisme aujourd’hui ? », réalisée par la commission Nord/Suds de la Fédération des associations de solidarité avec tou-tes les immigré·es(Fasti). En plus des textes des différents panneaux, il contient le présent édito, un entretien croisé avec trois intervenant∙es : Ludivine Bantigny (historienne), Patrice Garesio (coprésident de Survie) et Jean-Louis Marziani (Solidaires Val-de-Marne), ainsi que des références bibliographiques et audiovisuelles « pour aller plus loin ». Le temps manque parfois pour lire l’intégralité d’une exposition, alors là, vous avez tout (et même plus) entre les mains !
Mais pourquoi la Fasti s’intéresse-t-elle à la question coloniale ?
Peu après sa naissance en 1967, la Fasti – qui regroupe de nombreuses Asti et militant∙es sur tout le territoire – adopte un positionnement anticolonialiste. Ce positionnement découle du constat que les rapports Nord/Suds, déséquilibrés par des siècles d’esclavagisme, de colonialisme et de néocolonialisme, sont un élément fondamental dans l’analyse des migrations internationales et des politiques qui leur sont propres. Ainsi, les effets désastreux du colonialisme sur les populations font partie des causes multifactorielles des migrations. Le prisme colonial est également central dans le traitement réservé actuellement aux populations étrangères par les institutions occidentales ou encore dans les « négociations » interétatiques sur les questions migratoires. Plus globalement, les rapports Nord/Suds sont une donnée essentielle dans l’appréhension du monde dans lequel nous vivons et dans la compréhension des mécanismes de domination à l’échelle planétaire.
Au fil des années et à travers sa commission Nord/Suds, la Fasti agit et prend position contre les différentes facettes de cette idéologie coloniale. Fin des interventions militaires françaises ! Abolition du franc CFA ! Suppression et remboursement de la dette des pays des Suds ! Plus globalement, nous revendiquons la fin de la domination coloniale sous toutes ses manifestations (économiques, militaires et (géo)politiques). Nous pensons également que l’idéologie coloniale alimente les rapports sociaux de race qui structurent toujours nos relations, nos imaginaires, nos modes de pensée et d’agir. La lutte pour l’égalité de toutes et tous (quel que soit son lieu de résidence) passe aussi, selon nous, par le soutien aux nombreuses luttes des premier∙es concerné∙es par cet ordre racial et colonial : les personnes étrangères, racisées, colonisées, dominées.
Et pourquoi cette exposition ?
Rédigée collectivement par les militantes et militants de la commission Nord/Suds, cette exposition s’inscrit dans la continuité des travaux de cette Commission qui, depuis de nombreuses années, organise des rencontres-débats, publie des documents et construit des mobilisations sur les rapports Nord/Suds.
L’objectif de cette exposition est de susciter, par un outil accessible, des rencontres et des échanges sur la manière dont se pose la question coloniale aujourd’hui afin de contribuer (si modeste cette contribution soit-elle), aux côtés des nombreuses mobilisations dans le monde, à la lutte contre les rapports d’oppression coloniaux, racistes, sexistes et classistes et pour l’égalité de toutes et tous.
Vous souhaitez afficher l’exposition ? Elle est en libre accès sur notre site internet www.fasti.org
Vous souhaitez nous contacter ? coordination@fasti.org
Fasti, 58, rue des Amandiers 75020 Paris
Bonne lecture et joyeuses luttes !
*-*
Introduction
Le colonialisme est une idéologie qui vise à légitimer l’extension de la souveraineté d’un État sur d’autres territoires. Il se caractérise par plusieurs éléments :
* l’expropriation terrienne de personnes colonisées ;
* la transformation de l’économie du colonisé au profit de l’économie du colon ;
* le traitement d’exception et l’instauration de hiérarchies raciales.
Depuis la fin du 15e siècle jusqu’à aujourd’hui, cette idéologie n’a cessé de se déployer, reproduisant certaines formes et en inventant de nouvelles. Pour contrer les nombreuses luttes des peuples colonisés, le colonialisme s’est réinventé tout en poursuivant ses objectifs initiaux.
Si des expériences coloniales se sont développées avant 1492, c’est à cette date que le colonialisme prend racine mondialement pour faire émerger un modèle spécifique de production économique : le capitalisme. Historiquement, nous pouvons distinguer trois âges successifs du colonialisme liés au développement du capitalisme :
* le génocide et le pillage des peuples indigènes et la mise en place de la traite négrière qui a permis l’accumulation primitive du capital ;
* la colonisation progressive de la plupart des continents (notamment de l’Afrique et des pays de l’hémisphère Sud) et la réduction de leurs populations au statut d’indigène qui a servi l’expansion vitale du capitalisme et la « révolution industrielle » européenne ;
* le néocolonialisme qui se met en place à la suite des luttes de libération des années 1960 et qui se base sur des échanges internationaux inégaux au profit des nouvelles multinationales occidentales. Ces nouvelles formes du colonialisme utilisent différents leviers : économiques, politiques, monétaires, fonciers, militaires.
Le mode de production capitaliste n’utilise pas seulement le colonialisme et le rapport social raciste pour se déployer. Le sexisme, antérieur à l’émergence du capitalisme, est également utilisé pour nourrir sa faim boulimique de mains d’œuvre exploitables, aux premiers rangs desquelles les femmes. Le colonialisme a également su s’imbriquer avec le patriarcat par la colonisation des corps féminins ayant subi de plein fouet les violences sexuelles et les injonctions coloniales (dévoilement forcé, hypersexualisation des corps).
Cette exposition « C’est quoi le colonialisme aujourd’hui ? » vient réaffirmer que le colonialisme n’est pas mort. À travers dix exemples concrets et actuels de la politique coloniale française, elle présente ses traductions les plus manifestes et traditionnelles (les territoires d’outre-mer, les interventions militaires), ses formes plus récentes (le franc CFA, l’accaparement des terres, les accords de partenariat économique, la gestion des migrations, la dette et l’extractivisme) et enfin, ses manifestations plus indirectes à travers le soutien de lFrance au colonialisme israélien et marocain.
Fasti : C’est quoi le colonialisme aujourd’hui ?
https://www.syllepse.net/c-est-quoi-le-colonialisme-aujourd-hui–_r_28_i_900.html