C’est dans quelques jours qu’ à l’invitation d’Ensemble!86 et du NPA86, le jeudi 26 septembre, à l’Envers du bocal, à 19h30, nous recevrons les auteurs du livre C’était la ligue.
Alors que la gauche politique et sociale est si mal en point, alors qu’aucune force n’émerge fortement pour dire ce que pourrait être la révolution de demain, alors que de plus en plus de militant.e.s se disent pourtant anticapitalistes, un retour sur cette période post68 où il existait une gauche révolutionnaire qui se définissait ainsi nous parait intéressant. Dans cette gauche révolutionnaire en France la Ligue communiste révolutionnaire a eu une place souvent centrale. C’est de cette histoire et de cette période politique dont nous vous proposons de parler avec Hélène Adam et François Coustal.
PB, 22–9–2019
Je vous propose cette présentation de leur livre:
C’était la ligue, le livre d’Hélène Adam et François Coustal, est un pavé : 766 pages. Mais cette somme est nécessaire pour dire 40 ans d’une histoire, celle de la Ligue et de la Quatrième internationale, pour dire 40 ans de l’histoire politique et sociale de la France et au-delà (1969–2009). C’est toute la la gauche et l’extrême-gauche et leurs adversaires que l’on rencontre dans ces pages, ainsi que leurs évolutions. Ce livre est aussi un retour critique sur cette longue durée.
On pourrait croire que ce livre est destiné aux anciens qui ont eu partie liée à cette histoire ; mais ce sont les jeunes et les moins jeunes qui jugent qu’une révolution sociale et démocratique, écosocialiste, est plus que jamais nécessaire qui sont concerné.e.s.
L’histoire commence par la solidarité en actes avec les insurgés algériens dans leur lutte de libération nationale, avec la politique internationale qui fut incarnée par Ernesto Guevara , avec la révolution vietnamienne qui réussit à vaincre les USA et ses protégés locaux. De jeunes internationalistes déterminés créèrent une organisation politique, la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) en 1965. Ensuite, en Mai 68, et ce groupe fut au cœur du brasier avec tant d’autres (mais pas avec toute l’extrême-gauche d’alors). Pendant les années suivantes l’hypothèse d’une révolution en France et dans d’autres pays capitalistes ainsi que de révolutions dans ce qui était nommé le Tiers monde et aussi dans les pays de ce qui fut appelé les pays du « socialisme réel » était vécue comme possiblement imminente dans des couches importantes de la jeunesse. La ligue était dans l’opposition au capitalisme bien sûr, mais aussi aux bureaucraties staliniennes de la Russie soviétique et des pays qu’elle contrôlait, et ne fit pas partie des admirateurs de la Chine de Mao. Pour un communisme non étatique.
Ce livre retrace les débats et prises position de cette organisation politique pendant ces 40 ans. Les auteurs ayant été longuement dirigeants de la Ligue, ils savent de quoi ils parlent. L’exercice montre la nécessité d’un intellectuel collectif, en faisant revivre ce passé conflictuel. La question de l’organisation se pose toujours aujourd’hui, dans le camp de l’émancipation sociale au moment où les replis individualistes se multiplient, et alors que dans la période de repli que nous vivons, les postures sectaires se multiplient. Au moment où, aussi, on parle ici et là de « mouvement et non de parti » sans inventer aucune formule démocratique.
La place du pluralisme politique dans le programme de la Ligue évolua jusqu’à considérer que la constitution d’un bloc majoritaire passait nécessairement par les élections, sans minimiser pour autant le caractère stratégique irremplaçable des auto-organisations ouvrières et populaires.
Ce livre nous parle aussi du MLF et des féminismes qui se sont développés dans les années 1970, des premiers mouvements homosexuels, de la lutte du Larzac, etc. Ces années-là, les dictatures étaient au pouvoir en Espagne au Portugal et en Grèce avec le soutien des bourgeoisies étatsunienne et autres ; la chute de ces dictatures fut accompagnée de moments révolutionnaires, surtout au Portugal. La révolution était bien à l’ordre du jour.
La gauche radicale fut dominée au début des années 70 par la Cause du peuple et le PSU (Parti socialiste unifié). Ces deux deux organisations ont disparu dans des circonstances très différentes. La Ligue continua, développa une presse de qualité.
Ensuite, le changement de période politique à l’échelle internationale avec le triomphe progressif du néolibéralisme dès la fin des années 70. Ainsi que la non perception de ce changement de période par ce courant politique, comme par d’autres.
Ce fut aussi à cette époque que la a LCR soutint la révolution nicaraguayenne (1979) : plusieurs centaines des militant.e.s y partirent plusieurs mois ou années y travailler !
La Ligue participa tôt à des combats électoraux, avec des résultats longtemps très modestes, avec Krivine comme porte-parole. La victoire électorale de Mitterrand en mai 1981 fut saluée par la Ligue comme une victoire de la gauche politique et sociale, et elle fut vécu comme telle par le peuple de gauche. Mais nous pensions qu’une période révolutionnaire allait s’ ouvrir et vite et ce pari fut infirmé par les faits. Ni autogestion partout ni remises en cause de la propriété privée des moyens de production ne furent portées par un mouvement social que nous avions cru pouvoir annoncer . Et dès 1983 ce furent même le début des succès électoraux de JM Le Pen et de son Front national, avec la bienveillance sournoise du président Mitterrand (PS).
Les mouvements antiracistes (dont SOS Racisme) et antifascistes (Ras l’Front) se développèrent ; la Ligue eut un rôle déterminant dans la création de ces mouvements défensifs.
Les années 80 et 90 furent pour le PCF celles d’un déclin qui s’avéra inéluctable, ce PCF qui avait été hégémonique à gauche depuis l’après guerre jusqu’à la fin des années 70 . La chute du Mur de Berlin, la conversion des élites bureaucratiques « soviétiques » au capitalisme accélérèrent ce déclin.
Mais la Ligue fut mise à mal, elle aussi . La Quatrième internationale prévoyait que lorsque la chape de plomb des bureaucrates serait brisée, un mouvement populaire révolutionnaire et autogestionnaire jaillirait nécessairement. Ce qui avait semblé avoir été vérifié en Pologne en particulier, avec Solidarnosc en 1980 -avant la répression de masse des syndicalistes. Mais l’effondrement du système « socialiste » montra qu’il avait pourri par la tête au-delà de l’imaginable ; et alors jusqu’au communisme et à la révolution semblèrent alors détruits par le rouleau compresseur capitaliste. Et nous étions associés à ce monde « socialiste » qui disparaissait, ce qui était injuste et mensonger .
Cependant les mouvements sociaux continuaient en France, avec la création de Solidaires (fin des années 80), lorsque la CFDT (dont même la direction fut de gauche) accentua son tournant bureaucratique en excluant ses oppositions. Puis la fondation de la FSU (Fédération syndicale unifiée) en 1993. Les militants de la Ligue y furent très impliqués.
Les luttes ne manquaient pas : le soutien à la Kanaky, les grèves des infirmières, le mouvement anti-guerre contre la Guerre du Golfe. Et puis la grande grève de l’hiver 1995 fut le signal de la fin d’une hibernation sociale et politique. Au niveau international ce fut l’altermondialisme avec Attac et les Forums sociaux mondiaux qui redonnèrent des couleurs au présent.
En 2002 la Ligue présenta Olivier Besancenot, « le » facteur , aux élections présidentielles. Il creva l’écran (et cela continue).
Mais le soir du premier tour, la foudre nous frappa :Le Pen était qualifié pour le second tour de l’élection. Dès cette annonce la Ligue était dans la rue ; des millions de personnes eurent le même réflexe le Premier mai qui suivit.
Le rejet du Traité constitutionnel européen en 2005 à la suite d’une campagne très riche où le « non » de gauche avait gagné l’ascendant politique sembla créer les conditions d’un renouveau d’une gauche radicale. Le chemin s’avéra finalement bien compliqué.
La fin du livre insiste sur le processus de dépassement de la LCR en NPA, sans nier que ce processus fut marqué par un manque d’ouverture aux camarades issues d’autres traditions que cette de la Ligue (ou d’une référence au « trotskisme ». Depuis 2008, c »est une autre histoire que nous vivons.
Les auteurs du livre ne sont plus au NPA, ils sont à Ensemble !, à Ensemble ! insoumis.
Aujourd’hui, ni Ensemble ! ni le NPA ne peut se prévaloir d’avoir trouvé la formule d’une organisation de masse et démocratique, révolutionnaire et pluraliste.
Pour continuer cette recherche militante qui est commune à la plupart des militant.e.s du NPA et d’Ensemble ! et à bien d’autres, il est utile de bien connaître son passé et de méditer sur les occasions manquées et les chemins de traverse croisés et restés inexplorés ainsi que ce livre nous y invite. Ses auteurs que nous invitons nous en parlerons de vive voix.
Ce bref parcours de ce livre passionnant a pour seul objectif de susciter le désir de débattre avec ces deux camarades.
En conclusion, voici un extrait d’un texte du sous commandant Marcos (Chiapas-Mexique) paru en 1997, intitulé « la quatrième guerre mondiale a commencé » cité par nos amis :
« Dans le cabaret de la globalisation, l’Etat se livre à un streap-tease au terme duquel il ne conserve que le minimum indispensable : sa force de répression. » Bien vu, non ?
PB, 29–8–2019