11 décembre 2025

Clémen­tine Autain. 25 novembre. Narco­tra­fic : il est grand temps d’agir

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J’ai parti­cipé à l’hom­mage marseillais rendu à Mehdi. Des milliers de personnes sont venues expri­mer leur émotion et leur soli­da­rité à l’en­droit même où il a été lâche­ment assas­siné. Cet ignoble meurtre blesse une nouvelle fois tragique­ment la famille Kessaci. C’est un acte qui vise à terro­ri­ser toute une popu­la­tion et à défier ceux qui brisent le silence sur le narco­tra­fic.

La mort de Mehdi doit fonc­tion­ner comme un élec­tro­choc poli­tique. Les mots de son frère Amine, dont la soli­dité et la dignité forcent l’ad­mi­ra­tion, nous guident. Comme il l’a affirmé dans sa tribune au Monde, « nous comp­tons nos morts. Mais que fait l’État ? ».

Oui, il est grand temps d’agir contre le narco­tra­fic.

C’est un enjeu que je connais bien car je suis élue d’un terri­toire de Seine-Saint-Denis où se situe une grande plaque tour­nante de la drogue, à Sevran. Je le dis sans détour : la réponse centrée sur le volet répres­sif est une impasse. Pour une première raison simple : aller en prison fait tris­te­ment partie du parcours des dealers, elle est inté­grée dès le départ à leur acti­vité. La prison permet même de renfor­cer les réseaux.

Je propose d’agir en trois actes :

  1. S’at­taquer à l’argent du narco­tra­fic, voilà une prio­rité ! S’en prendre à leur porte­feuille, c’est agir là où ça fait mal. Ce volet finan­cier, déci­sif, la France a pendant très long­temps tardé à s’y atte­ler, optant toujours pour le sécu­ri­taire qui ne fait aucu­ne­ment ses preuves.

    Concrè­te­ment, il s’agit de donner davan­tage de moyens aux parquets, à TRACFIN, aux enquêtes de blan­chi­ment d’argent. Tracer préci­sé­ment à qui appar­tient l’argent blan­chi du narco­tra­fic permet­tra d’ar­ri­ver aux têtes de réseaux, aux comman­di­taires, et de stop­per le mal à la racine. C’est comme ça qu’on ciblera le plus effi­ca­ce­ment les orga­ni­sa­tions crimi­nelles, pas avec le tout-répres­sif dans les quar­tiers popu­laires qui, eux, ne sont que le bout de la chaîne.

    Il faut aussi renfor­cer la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale, les échanges d’in­for­ma­tions entre États, pour qu’il y ait davan­tage de trans­pa­rence sur ces flux finan­ciers.

  2. Inves­tir dans nos quar­tiers popu­laires est le deuxième axe essen­tiel pour faire recu­ler effi­ca­ce­ment le narco­tra­fic. Car quel avenir propo­sons-nous aux jeunes de ces terri­toires quand les services publics dispa­raissent, que l’école n’a pas les moyens de tenir sa promesse d’éga­lité, que les loge­ments sont indignes, que le racisme et les discri­mi­na­tions s’ancrent ? C’est un inves­tis­se­ment au long cours dont nous avons urgem­ment besoin.

    En urgence, nous devons proté­ger les habi­tant·es des quar­tiers concer­nés : il faut anony­mi­ser les signa­le­ments sur des plate­formes sécu­ri­sées, sécu­ri­ser les halls d’im­meubles, accom­pa­gner les familles touchées. L’État doit égale­ment inves­tir dans une police de proxi­mité, notam­ment déman­te­lée sous Nico­las Sarkozy. Une police du quoti­dien, qui connaît les habi­tant·es et dont les méthodes d’in­ter­ven­tion sont à renou­ve­ler au regard des pratiques actuelles de la police natio­nale.

  3. Une poli­tique de santé publique est égale­ment indis­pen­sable. Préve­nir les pratiques addic­tives, c’est assé­cher la demande. Cela suppose des moyens humains pour accom­pa­gner les personnes dépen­dantes à la drogue. Cela suppose de mettre en place de grandes poli­tiques de préven­tion.

Je veux enfin propo­ser deux chan­tiers pour notre conver­sa­tion publique. D’abord, la léga­li­sa­tion du canna­bis. C’est une piste pour casser une partie du trafic. Je n’y ai pas toujours été favo­rable mais les études que je lis, les expé­riences menées conduisent à consi­dé­rer sérieu­se­ment cette mesure. Nous devons pouvoir en débattre.

Ensuite, la place de l’argent dans notre société. Car si des jeunes optent pour le deal, c’est parce qu’ils manquent de pers­pec­tives, de projec­tion posi­tive dans l’ave­nir. Et qu’au fond, ils souhaitent, eux aussi, faire partie des gagnants d’un système qui érige l’argent comme le graal.

Clémen­tine Autain

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