Clémen­tine Autain : « LFI, fran­chir un cap pour gagner »

AutainFrance insou­mise

27 août 2022

Le débat sur la trans­for­ma­tion du mouve­ment qui a propulsé notre candi­dat à la prési­den­tielle à près de 22% est lancé. Dans un entre­tien à Regards (1), Manuel Bompard en évoque le sens, que je partage tota­le­ment : la France Insou­mise, « fer de lance de la Nupes », doit consti­tuer « une force poli­tique orga­ni­sée capable de mener la bataille idéo­lo­gique, de soute­nir les mobi­li­sa­tions de la société, de favo­ri­ser les dyna­miques d’auto-orga­ni­sa­tion popu­laire et de former les géné­ra­tions mili­tantes de demain ».

Au vu de ses scores élec­to­raux en 2022, la FI a une respon­sa­bi­lité parti­cu­lière dans l’ani­ma­tion de la Nupes pour qu’elle se péren­nise et se renforce. Elle doit déve­lop­per sa stature en vue de gouver­ner, sur la base des 650 propo­si­tions sur lesquelles tout l’arc des forces s’est accordé. Je veux ici contri­buer à la réflexion sur une réor­ga­ni­sa­tion du mouve­ment, en parta­geant quelques convic­tions sur l’ou­til poli­tique dont nous avons besoin pour gran­dir et gagner.

L’enjeu : un nouvel écosys­tème poli­tique

Depuis plusieurs années, ce que nous cher­chons et expé­ri­men­tons, c’est un modèle d’or­ga­ni­sa­tion qui nous sorte des anciennes formes parti­daires, trop pyra­mi­dales et tour­nées vers elles-mêmes. Les luttes oppo­sant des tendances internes, autour d’élus et d’hommes d’ap­pa­reil – et bien moins souvent de femmes… -, davan­tage centrés sur leurs propres inté­rêts que sur le rayon­ne­ment dans la société française, ont essoré bien des partis. Les formes clas­siques de mili­tan­tisme ont elles aussi trouvé leurs limites. Pour sché­ma­ti­ser, les déci­sions du bureau poli­tique redes­cen­dant en tracts à distri­buer sur les marchés ne peut plus être l’al­pha et l’oméga d’un mouve­ment de masse du XXIe siècle. Le désa­mour des Français à l’égard des partis, l’es­sor des réseaux sociaux, la volonté gran­dis­sante de chaque indi­vidu de pouvoir comp­ter ou encore l’ato­mi­sa­tion des lieux de socia­bi­lité comme les grandes usines ou les centres de tri postal d’au­tre­fois sont autant de réali­tés contem­po­raines qui imposent de nouvelles pratiques pour mili­ter, convaincre, agré­ger.

La forme gazeuse de la LFI fut sans doute une tenta­tive de répondre à cette néces­sité de faire du neuf. La LFI a eu le mérite de tester des pratiques en rupture avec le fonc­tion­ne­ment des partis tradi­tion­nels. Plus souple, tourné vers l’ac­tion, très offen­sif sur les réseaux sociaux, débar­rassé des batailles internes de Congrès, notre mouve­ment a su épou­ser une part des exigences de notre temps. La centra­lité accor­dée à l’élec­tion prési­den­tielle a permis de fran­chir des caps impor­tants. En effet, si l’on regarde le bilan, force est de consta­ter que la LFI a conquis un leader­ship à gauche et su passer de 17 à 75 dépu­tés.
Le fonc­tion­ne­ment adopté s’est surtout révélé perfor­mant en période de campagne prési­den­tielle, avec son impact sur les légis­la­tives. Le bilan est moins posi­tif aux élec­tions inter­mé­diaires et dans les périodes hors élec­tion. Les scores aux muni­ci­pales et régio­nales sont notam­ment très en-deçà de la prési­den­tielle. Et la vie du mouve­ment n’a pas trouvé son rythme de croi­sière pour stabi­li­ser les équipes mili­tantes et faire vivre, à chaque éche­lon, l’éla­bo­ra­tion collec­tive. Les lieux de la prise de déci­sion restent flous, l’es­pace du débat stra­té­gique n’est pas iden­ti­fié, la parti­tion entre le local et le natio­nal méri­te­rait d’être redé­fi­nie.

Le gazeux a l’avan­tage de permettre d’agir vite, d’opé­rer faci­le­ment des tour­nants. Un atout dans une situa­tion aussi instable et mouvante que la nôtre, avec un paysage poli­tique en recom­po­si­tion. Mais les formes lâches possèdent aussi de sérieux défauts. Repo­sant de fait sur un petit noyau de diri­geants, elles permettent diffi­ci­le­ment d’agré­ger des cadres, d’en former de nouveaux pour animer un mouve­ment véri­ta­ble­ment implanté sur tout le terri­toire et de profi­ter de la diver­sité des regards conte­nus dans le mouve­ment, celle qui permet d’af­fi­ner une orien­ta­tion et de fidé­li­ser des cadres mili­tants ailleurs qu’au siège. Sans iden­ti­fi­ca­tion claire des proces­sus de déci­sion, le gazeux déso­riente et rend plus facile les procès en légi­ti­mité des déci­sions prises – même si la person­na­lité de Jean-Luc Mélen­chon, « clé de voûte » de la FI, a jusqu’ici joué en grande partie un rôle de légi­ti­ma­tion. En outre, permettre la maîtrise et la compré­hen­sion des choix opérés, c’est aussi mieux résis­ter à la décrue de l’en­ga­ge­ment mili­tant lorsque la situa­tion nous est moins favo­rable. C’est pourquoi je suis convain­cue que nous devons fran­chir une nouvelle étape orga­ni­sa­tion­nelle.

Il nous faut déga­ger l’équi­libre qui permet de garder de la réac­ti­vité, une capa­cité à prendre des initia­tives rapi­de­ment, tout en assu­rant une meilleure collé­gia­lité aux déci­sions et une place plus grande à l’éche­lon local. Le temps de co-élabo­ra­tion permet d’em­barquer plus large­ment, d’évi­ter certains départs et d’être plus fort, plus éclairé dans les options choi­sies. En un mot : plus effi­cace dans la durée. Dans cette pers­pec­tive, un petit groupe unifié et déter­miné au sommet de la FI ne suffira pas. Il nous faut dispo­ser de centaines de cadres sur tout le terri­toire. Voir plus grand, plus large, suppose de faire vivre le plura­lisme.

Notre richesse réside à la fois dans notre capa­cité à faire bloc face aux adver­saires ET dans notre diver­sité. Tenir la tension entre les deux est indis­pen­sable. Restés unis et grou­pés contre les droites et les attaques, affi­cher notre cohé­rence, il me semble que nous sommes sur ce point assez perfor­mants. S’il faut conti­nuer à préser­ver et à affir­mer notre socle commun, ayons conscience que notre vita­lité réside aussi dans notre diver­sité. Ne pas être d’ac­cord sur tout, à tout instant, n’est pas forcé­ment un drame, ni même un signe de faiblesse. Plus nous serons une grande force, plus des nuances voire quelques diver­gences appa­raî­tront. Il en va d’ailleurs de notre capa­cité à inté­grer toujours plus de profils diffé­rents, de cultures poli­tiques diverses. L’am­pleur prise par notre mouve­ment et les attentes à notre égard nous obligent à accroître notre ancrage terri­to­rial et à faire vivre le plura­lisme, qui repré­sentent à mon sens deux marges de progres­sion essen­tielles.

La méthode : consen­sus et plura­lisme

L’une des ques­tions majeures de tout mouve­ment poli­tique, c’est : où sont prises les déci­sions ? Celles-ci concernent aussi bien des enjeux d’orien­ta­tion que des ques­tions finan­cières. Ce qui est recher­ché, c’est la légi­ti­mité des déci­sions et la possi­bi­lité de peser sur elles. En la matière, nous avons souvent tendance à vouloir repro­duire les sché­mas que l’on connait. Inven­ter de nouvelles moda­li­tés de légi­ti­ma­tion des déci­sions et d’in­ter­ven­tion sur les choix n’est pas simple. Il faut cher­cher d’autres façons de faire, assu­mer d’ex­pé­ri­men­ter.

À mon sens, l’al­liage du consen­sus et du plura­lisme doit nous guider. Toutes les déci­sions n’ont pas besoin d’être l’objet d’un vote pour être légi­times. Non, il n’est pas néces­saire de cher­cher systé­ma­tique­ment à déga­ger une majo­rité, il est possible d’avan­cer par la recherche de consen­sus. C’est l’un des acquis du mouve­ment alter­mon­dia­liste de nous avoir appris à ne pas toujours vouloir « figer » des majo­ri­tés et des mino­ri­tés, qui risquent de s’an­crer dans la durée sans que cela soit construc­tif poli­tique­ment.

Souvent le consen­sus est asso­cié à quelque chose de mou, de mesuré, de falot. C’est une erreur, il peut être porteur de déci­sions tran­chées et de dyna­miques collec­tives. Nous l’avons d’ailleurs vécu dans le groupe parle­men­taire des 17 pendant cinq ans, et je ne crois pas que nous ayons produit de l’eau tiède… ! Je ne dis pas qu’à tout moment le consen­sus fonc­tionne ou qu’il n’ait pas ses travers – il peut favo­ri­ser ceux qui parlent le plus fort, qui ont le plus de temps et d’ex­pé­rience. En cas de francs désac­cords et/ou si un nombre suffi­sam­ment impor­tant de personnes le demandent, le vote m’ap­pa­rait comme un recours, à l’ins­tar du tirage au sort sur certaines déci­sions impliquant des choix de personnes. Mais commen­cer par recher­cher le consen­sus, c’est construire une culture poli­tique qui unifie.

Le corol­laire du consen­sus, c’est d’as­su­rer le plura­lisme. Car si le consen­sus fonc­tionne sur la base de l’écra­se­ment des diffé­rences, le mouve­ment ne peut que se rabou­grir intel­lec­tuel­le­ment et humai­ne­ment. La diver­sité des points de vue doit pouvoir s’ex­pri­mer, les capa­ci­tés d’ar­gu­men­ta­tion et la maîtrise de la dialec­tique doivent être encou­ra­gées. Il faut donc des espaces qui le permettent et une culture poli­tique qui favo­rise l’écoute des autres, de ceux qui n’ont pas la même sensi­bi­lité, le même avis, la même idée sur tel ou tel sujet. Sinon, les expres­sions critiques n’ont pas d’autres solu­tions que d’être tues – mais à quel prix dans la durée ? – ou de passer par des prises de posi­tion à l’ex­té­rieur. L’or­ga­ni­sa­tion a besoin d’une pensée en mouve­ment, d’af­fi­ner sans cesse les objec­tifs de son action, dont font partie le discours et les prises de posi­tion à la dimen­sion perfor­ma­tive. À tous les étages la FI doit être un lieu de réflexion program­ma­tique et stra­té­gique.

En période élec­to­rale, l’ef­fi­ca­cité suppose de rester soudés. Ce n’est pas le temps du débat interne, de la nuance, de l’échange contra­dic­toire : c’est celui où l’on tape sur un même clou. Mais pour taper sur le bon clou au moment de l’élec­tion, pour être suffi­sam­ment nombreux à le faire, encore faut-il avoir eu la meilleure discus­sion collec­tive entre deux élec­tions et tissé une toile mili­tante suffi­sam­ment solide, ancrée sur l’en­semble du terri­toire, en réson­nance avec les mouve­ments sociaux, écolo­gistes, fémi­nistes, etc. et la produc­tion intel­lec­tuelle, cultu­relle, scien­ti­fique. Pour que tout le monde reste uni et soudé pendant les mois de campagne, encore faut-il que le reste du temps il y ait eu de l’es­pace pour l’échange d’idées. C’est en tout cas l’idée que je me fais d’un mouve­ment vivant qui, loin de prétendre déte­nir la vérité une fois pour toute, cherche inlas­sa­ble­ment à préci­ser et enri­chir ses posi­tions. Cette dyna­mique de créa­tion est, à mon sens, celle qui est la plus effi­cace pour entraî­ner dans la durée et en profon­deur dans le pays.

Une direc­tion collé­giale iden­ti­fiée, des moyens pour l’ac­tion locale

C’est ainsi qu’il nous faut à la fois repen­ser les lieux de la déci­sion et ceux de la discus­sion, qui doivent évidem­ment être reliés, du local au natio­nal.

Notre mouve­ment ne peut se passer d’une direc­tion iden­ti­fiée qui pour­rait combi­ner trois niveaux de légi­ti­mité : les élus, les Groupes d’Ac­tion, les forces du mouve­ment social et cultu­rel qui s’en­gagent en notre sein – je pense en parti­cu­lier aux person­na­li­tés qui ont inté­gré le Parle­ment de l’Union popu­laire pendant la prési­den­tielle. Cette instance pour­rait donc être compo­sée de trois collèges, chacun d’entre eux étant char­gés de dési­gner ses repré­sen­tants. J’in­siste ici sur un point : si les dépu­tés occupent aujourd’­hui une place de choix dans le mouve­ment, il me semble que l’im­pli­ca­tion des membres des collec­tifs locaux et de person­na­li­tés issues du monde asso­cia­tif, syndi­cal, artis­tique, des quar­tiers popu­laires, est déci­sive dans l’orien­ta­tion globale de LFI. Une orga­ni­sa­tion a besoin de prendre son souffle dans toutes ses compo­santes, et pas d’être seule­ment gouver­née par ses élus.  Cette instance aurait voca­tion à coor­don­ner le travail du mouve­ment qui reste­rait struc­turé autour de pôles, animés par des mili­tants béné­voles et/ou sala­riés, char­gés de tâches précises – programme, forma­tion, commu­ni­ca­tion, élec­tions… Le lien entre le « haut » et le « bas » de l’or­ga­ni­sa­tion et le plura­lisme pour­raient être renfor­cés par des assem­blées de type « Conven­tion », plus régu­lières et incluant de façon systé­ma­tique une part de débats stra­té­giques.

Les « groupes d’ac­tion » rassemblent des mili­tants et sympa­thi­sants aux attentes diverses. La discor­dance des temps et des aspi­ra­tions mili­tantes est une donnée qu’il faut inté­grer. Certains, certaines, ne peuvent ou ne souhaitent donner du temps qu’en période de campagne élec­to­rale. D’autres, ou les mêmes, veulent bien coller des affiches, trac­ter mais n’ont aucune envie de parti­ci­per à des débats internes ou à une réflexion théo­rique. Mais d’autres encore, et nous devons les encou­ra­ger, cherchent à parti­ci­per à la vie du mouve­ment de façon plus ample qu’en agis­sant concrè­te­ment au moment des campagnes. La dimen­sion de réflexion, d’échanges et de forma­tion des Groupes d’Ac­tion méri­te­rait d’être encou­ra­gée. C’est pourquoi la règle selon laquelle on peut créer un autre GA dès qu’un désac­cord appa­raît me semble devoir être revi­si­tée. En effet, le débat d’idées, si l’on admet qu’il est utile de le mener plutôt que de le nier ou de l’em­pê­cher, ne peut se mener qu’à la condi­tion de regrou­per des collec­tifs mili­tants, pas forcé­ment de façon struc­tu­relle et quoti­dienne mais de les réunir régu­liè­re­ment, même s’ils ont des désac­cords entre eux. N’est-ce d’ailleurs pas la condi­tion pour tenter de dénouer lesdits désac­cords ? N’est-ce pas la façon de faire vivre le plura­lisme à l’échelle locale ? Par ailleurs, renfor­cer les temps d’échanges natio­naux sur les ques­tions stra­té­giques et mettre en œuvre une forma­tion interne struc­tu­rée fera gran­dir notre mouve­ment. Les mili­tants parti­cipent de la bataille cultu­relle, via les rencontres qu’ils déploient ou leurs inter­ac­tions sur les réseaux sociaux. Aussi est-il indis­pen­sable qu’ils soient amenés à affû­ter leur réflexion, par des ateliers de forma­tion qui les outille­ront, par du débat qui aide à forger sa propre pensée.

En outre, si les GA consti­tuent des regrou­pe­ments à échelle humaine, ils inter­agissent souvent dans des terri­toires où existe une vie poli­tique, où se déploie un mouve­ment social : il est néces­saire que la FI existe aussi à cette échelle, celle d’une ville, d’une agglo­mé­ra­tion, d’un « pays », d’un dépar­te­ment voire d’une région. Des expé­riences ont été menées ces dernières années avec succès à certains endroits, souvent sous la forme de coor­di­na­tion de GA. Nous devrions exami­ner les plus porteuses et voir comment on peut les déve­lop­per davan­tage.

Nous le savons, de nombreux groupes locaux expriment le besoin de moyens finan­ciers pour se déve­lop­per. Comment être une grande orga­ni­sa­tion de masse à voca­tion majo­ri­taire si le rayon­ne­ment local est rendu diffi­cile par un manque de moyens, ceux-ci étant privi­lé­giés pour l’ac­ti­vité natio­nale et la prési­den­tielle ? Je rappelle que seules les coti­sa­tions passant par une asso­cia­tion de finan­ce­ment sont dé-fisca­li­sables. C’est pourquoi lais­ser aux GA le soin de finan­cer par eux-mêmes l’es­sen­tiel de leurs actions nous privent de moyens d’agir, et donc de mobi­li­ser dans la société, de favo­ri­ser l’auto-orga­ni­sa­tion popu­laire et de progres­ser élec­to­ra­le­ment. Ne pour­rait-on pas réflé­chir à un système plus acces­sible et pro-actif de coti­sa­tions volon­taires utili­sant la défis­ca­li­sa­tion, et donc passant par le natio­nal, et dont une partie revien­drait à un éche­lon local ?

Tout ceci souligne le rôle déci­sif du pôle de suivi des GA qui doit être renforcé au siège de la FI – le suivi par un-e député-e n’est assu­ré­ment pas le plus perfor­mant pour des raisons de dispo­ni­bi­lité des parle­men­tai­res…

L’ar­ti­cu­la­tion avec la Nupes

Si la FI doit être fer de lance, elle doit se garder d’agir de façon hégé­mo­nique avec les parte­naires de la Nupes. En même temps que se réagencent le fonc­tion­ne­ment de la FI, le chan­tier des moda­li­tés de vie de la Nupes s’in­ventent. Et c’est crucial ! La Nupes est une construc­tion poli­tique que nous voulons durable car elle s’or­ga­nise autour d’un programme qui permet­trait, s’il était mis en œuvre, de prendre à bras-le-corps les méga-crises sociales et écolo­giques auxquelles nous sommes confron­tés. Parce que la Nupes est candi­date au pouvoir, sa construc­tion, son affir­ma­tion à toutes les échelles est déter­mi­nante.

Il faut avan­cer ensemble, dans le respect des diverses compo­santes – et tenons bien aux deux termes, respec­ter les parte­naires ET avan­cer. D’ores et déjà, trois espaces sont consti­tués : le Parle­ment de la Nupes, l’in­ter­groupe des dépu­tés et « l’in­ter-orga » (réunion de repré­sen­tants des orga­ni­sa­tions de la Nupes). D’autres espaces pour­raient être imagi­nés, comme des assem­blées locales de la Nupes, qui ont été lancées ici et là, notam­ment sous l’im­pul­sion de Jean-Luc Mélen­chon, ou un club de réflexion propre à la Nupes, qui permet­trait de pour­suivre le travail de fond, de produire de nouvelles idées dans un cadre d’em­blée plura­liste. Plus nous aurons d’es­paces de produc­tion en commun, plus nous serons reliés et forts.

Loca­le­ment, l’échelle de la circons­crip­tion me paraît cohé­rent pour s’or­ga­ni­ser dans la mesure où notre période d’ins­ta­bi­lité poli­tique pose l’éven­tua­lité d’une disso­lu­tion de l’As­sem­blée natio­nale. Même si elle ne se produi­sait pas, il est judi­cieux de confor­ter ce qui a marché. Dans de nombreuses circons­crip­tions, les campagnes autour des candi­dat.es Nupes aux légis­la­tives ont permis de faire se rencon­trer et agir ensemble des mili­tant.es venus de tradi­tions poli­tiques diverses et aussi de nouveaux venus en poli­tiques, enga­gés direc­te­ment en faveur du rassem­ble­ment sans passer par l’une de ses compo­santes. Dans toutes ces circons­crip­tions, il faut que ces forces conti­nuent à conver­ger, fut-ce en se subdi­vi­sant à des échelles cohé­rentes en fonc­tion du terri­toire. Il me semble que ces assem­blées de circons­crip­tions devraient se doter d’une équipe d’ani­ma­tion plura­liste.

Je veux insis­ter aussi sur le Parle­ment de la Nupes. Nous avons collec­ti­ve­ment besoin d’un tel poumon, de cette ouver­ture sur la société. C’est fonda­men­tal, comme l’ont notam­ment plaidé avec justesse Cédric Durand et Razmig Keucheyan (2). Or le Parle­ment a d’abord été celui de la campagne de Jean-Luc Mélen­chon. Il a jouté à ce moment-là un rôle d’élar­gis­se­ment avec l’im­pli­ca­tion dans la campagne de figures du mouve­ment asso­cia­tif, syndi­cal, cultu­rel, intel­lec­tuel. Ce Parle­ment a été élargi pour les élec­tions légis­la­tives avec la Nupes mais la rapi­dité avec laquelle nous avons ajusté sa compo­si­tion en vue des élec­tions légis­la­tives n’a pas permis de le faire vivre concrè­te­ment, et avec le juste équi­libre permet­tant à toutes les compo­santes de s’y sentir chez soi. Mais jeter le bébé avec l’eau du bain serait une folie. Parce que nous avons besoin d’une instance qui dépasse nos seules orga­ni­sa­tions poli­tiques. Parce que nous savons que tant de syndi­ca­listes, artistes, intel­lec­tuels, asso­cia­tifs possèdent une exper­tise déci­sive pour avan­cer. Et enfin parce que certains d’entre eux, nombreux, n’ac­cep­te­ront de parti­ci­per à de l’ini­tia­tive poli­tique que dans un cadre Nupes.

Pour l’em­por­ter dans la course de vitesse enga­gée avec la macro­nie et l’ex­trême droite, il faut empor­ter la dyna­mique dans la société (3). Ce n’est donc pas simple­ment un compro­mis entre les forces exis­tantes que nous devons trou­ver mais une propo­si­tion poli­tique et des incar­na­tions qui parlent au « peuple de gauche » et à tous ceux qui, écœu­rés de la poli­tique et aujourd’­hui absten­tion­nistes, sont sensibles aux idées éman­ci­pa­trices. Comment le faire sans s’ou­vrir, et donc sans ouvrir nos cadres d’in­ven­tion et d’ac­tion ? L’heure est venue de fran­chir cette nouvelle étape.

Clémen­tine Autain, le 21 août.

  1. Voir l’in­ter­view de Manuel Bompard dans Regards « Une force d’al­ter­na­tive prête à gouver­ner demain » : http://www.regards.fr/actu/article/manuel-bompard-une-force-d-alter­na­tive-prete-a-gouver­ner-demain
  2. Voir la tribune de Cédric Durand et Razmig Keucheyan dans Libé­ra­tion : https://www.libe­ra­tion.fr/idees-et-debats/tribunes/la-nupes-doit-faire-entrer-le-mouve­ment-social-au-parle­ment-20220624_RPPF4AMNX5AQ5HCSMSRX5GUEJM/
  3. Voir mon texte « Conso­li­der la Nupes » : https://blogs.media­part.fr/clemen­tine-autain/blog/120722/conso­li­der-la-nupes?fbclid=IwAR1zMt_wzazRGeGPRkFJ5­caRyoSmDRRRw2IdDYLOulV2X-u-vR8fQxYM73w

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