I : Avant Propos : le sens d’un projet
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L’école, une grande question politique.
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Outre sa fonction culturelle générale, l’école a pour objectif de préparer les jeunes à leur insertion sociale et professionnelle dans la société néo-libérale que nous connaissons conformément aux impératifs déterminés par les grandes institutions internationales dans lesquelles le grand patronat joue un rôle déterminant (OCDE, …). Dans cette perspective, la définition des compétences exigées aux différents niveaux de qualification des travailleurs, et la sélection sociale qui se faisait autrefois en dehors et/ou avant l’entrée dans le système scolaire passent aujourd’hui par l’école, avec un système d’orientation résultant d’un processus de distillation progressive qui conduit les élèves aux voies et filières diversifiées du lycée, « écartant », au passages, plus de 150 000 élèves qui sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme qualifiant. Cette situation les conduit à la précarité, à l’exploitation et à l’exclusion inhérentes au fonctionnement du système économique et politique actuel.
Le problème de l’école est bien une question politique, décisive pour qui prétend penser un véritable changement de société.
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Mais poser la question de l’école sans poser dans le même temps celles des conditions sociales des élèves, et celle des moyens que la collectivité entend consacrer à l’éducation n’aurait pas de sens. C’est pourquoi il convient de penser les transformations progressistes nécessaires du système éducatif, comme éléments du projet d’alternative écologique et sociale que nous souhaitons voir émerger en prise avec les réalités du XXIème siècle. A un moment où la question éducative devient un enjeu essentiel du débat politique, ENSEMBLE ! entend y apporter sa contribution à partir des grands principes qui fondent son projet politique. Tel est l’objet de ce texte.
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La question de la méthode : Comment on fait pour que les intentions ici énoncées ne restent pas du domaine de la proclamation sans perspectives ? Comment faire mûrir une alternative autogestionnaire quand on se prononce pour le maintien, voire le renforcement d’un service public égalitaire sur l’ensemble du territoire, ce qui exclut, par exemple, la multiplication d’établissements « à profil » sur le modèle des établissements expérimentaux type Montessory, Freinet, etc… au sein même du service public ?
N’étant pas des adeptes de la stratégie du « grand soir », nous concevons les changements souhaités ici comme le résultat d’un double mouvement : celui des changements politiques au niveau de la société toute entière, et en particulier au niveau de l’état, et dans le même temps la multiplication des expériences locales sur le principe autogestionnaire, plus ou moins radicales et pas forcément « hors système », la nature même du fonctionnement du système éducatif autorisant bien des initiatives novatrices si les personnels en manifestent la volonté sans pour autant remettre en cause le cadre égalitaire du service public national. l’essentiel est alors d’insérer ces expériences dans une cohérence politique. D’où la nécessité de ce projet.
b) : De l’Education.
Après cinq décennies d’expérimentations et de réformes aboutissant de fait à l’aggravation des inégalités (PISA 2013) et de l’échec scolaire d’une part importante des élèves issus très majoritairement des catégories populaires, notre conviction est que le système actuel n’est pas amendable : aucune démocratisation de masse n’est concevable sans la suppression de la mise en concurrence des élèves et des établissements scolaires, qui est au cœur de la conception de notre modèle scolaire, sans un réexamen d’ensemble des dispositifs pédagogiques aujourd’hui à l’œuvre et sans une transformation radicale de la formation – initiale et continue – des enseignants et autres personnels d’éducation.. Il est vain donc d’espérer un véritable élargissement de l’accès aux savoirs sans une refondation de notre système éducatif.
Depuis plus de 40 ans, les stratégies institutionnelles de diversification des voies de la réussite n’ont fait que s’attaquer – sans succès notable – aux effets de l’échec scolaire : il est temps aujourd’hui de s’attaquer clairement à ses causes
Nous fondant sur les acquis les plus novateurs des recherches contemporaines en sciences de l’éducation qui montrent sans conteste que tous les élèves peuvent réussir une scolarité de haut niveau, pourvu qu’on leur en donne les moyens, nous proposons d’en finir avec l’école de la sélection pour lui substituer un système d’école à vocation émancipatrice se donnant comme objectif premier l’acquisition par tous d’une culture citoyenne commune ambitieuse en prise avec les évolutions culturelles, économiques et sociales de notre temps et les ambitions politiques que porte notre mouvement.
Il faut en finir avec un système qui continue d’ignorer la question de fond : pourquoi , au terme de 50 années de réformes successives du système éducatif né du processus de massification initié dans le dernier quart du XXème siècle tant d’élèves échouent-ils encore à l’école?
Notre conviction est qu’il faut en finir avec un système pensé et organisé sur un mode ségrégatif qui reste fondé sur l’élitisme, la sélection, le culte du mérite individuel, l’esprit de compétition et au final l’orientation par l’échec. En finir avec l’instrumentalisation de l’école au service des puissances économiques et politiques qui entendent- notamment par le biais de la pédagogie par compétences et du socle minimum de connaissances- contribuer activement au remodelage du salariat et de la société dans l’esprit du capitalisme financier mondialisé.
A ce système injuste, inefficace et coûteux pour les deniers publics1, nous proposons de substituer une école commune pour tous les élèves construite sur la base d’un tronc commun de culture citoyenne, générale et technologique portant la scolarité obligatoire à dix-huit ans,
Mais penser un programme de réussite scolaire pour tous les jeunes dans une perspective égalitaire émancipatrice nécessite la prise en compte du contexte social, et donc une rupture avec une vision exclusivement scolaro-centrée. En effet, la transformation de l’Ecole ne se résume ni à une transformation des pratiques ni à celle de l’institution scolaire.
Aujourd’hui, combattre l’Ecole néo libérale sans tomber dans la refondation mystificatrice d’une Ecole « républicaine »- en réalité autoritaire, réactionnaire et sélective-, c’est travailler, tant à partir des résistances et des luttes revendicatives concrètes qui se mènent qu’en s’appropriant les progrès de la recherche en éducation, à l’émergence d’un véritable projet alternatif sur l’Ecole qui doit englober, structures, contenus, méthodes et pédagogies au service de finalités éducatives renouvelées et raccordées à la problématique émancipatrice et autogestionnaire qui constitue l’épine dorsale du projet politique global d’ENSEMBLE ! .
Comme le montrent Christian Laval et Pierre Dardot2, le système éducatif tel qu’il fonctionne aujourd’hui obéit à « la raison du marché », via un processus qui s’explique par une combinaison de « management moderne, de pédagogie nouvelle et conservatisme autoritaire ». Ces chercheurs proposent « une politique volontariste d’égalisation concrète des conditions d’études de tous les élèves pour lutter contre la ségrégation scolaire, de favoriser les pratiques coopératives et les logiques de solidarité, de renforcer l’indépendance de la sphère de la connaissance vis-à-vis des intérêts économiques immédiats, et enfin de remplacer les nouvelles formes de pouvoir managériales par des formes plus démocratiques de conduite des établissements scolaires. Nous proposons de faire nôtres ces préconisations.
II : Douze propositions pour avancer :
Cette école d’un type nouveau serait organisée sur la base de quelques grands axes stratégiques indissociables. (Chaque proposition est ici résumée de façon lapidaire et soulève plus de questions et de problèmes qu’elle n’en résoud : à titre d’exemple, pour chacune d’elles, une question ou une proposition à débattre a été choisie, mais on verra qu’elle-même en soulève d’autres…).
1: Un parcours scolaire commun à tous les élèves dans le cadre d’une scolarité obligatoire de 3 à 18 ans , ce qui implique d’en finir avec toute forme de concurrence, de classement, de hiérarchisation ou d’orientation anticipée des élèves, ainsi que tout redoublement. Dans ce système nouveau, les choix éventuels de spécialisation disciplinaire ou préprofessionnels n’interviendraient qu’en classe de terminale de lycée, après l’obtention d’un baccalauréat unique de culture générale et technologique à la fin de la classe de première.
→ Proposition : l’organisation actuelle du système serait maintenue sous la forme de 3 cycles suivis , selon le choix de l’élève, d’une formation professionnelle ou d’études supérieures dans un processus cohérent et progressif intégrant les transitions et ruptures nécessaires:
1er cycle : 3 ans → 6/7 ans objectif de socialisation et préparation au « métier d’élève » ( la scolarisation dès 2 ans constituant un droit pour les familles exclusivement conditionné par l’accès de l’enfant à la propreté).
2nd cycle : 6/7 ans → 11/12 ans :socialisation et apprentissages fondamentaux.
3ème cycle : 12/13 ans → 18ans : poursuite et approfondissement des apprentissages du tronc commun.de culture générale et technologique, suivis d’une classe de terminale à vocation d’orientation.
4ème cycle : apprentissages professionnalisants et/ou poursuite d’études supérieures., ou insertion directe dans une activité sociale librement choisie.
2 : Une formation professionnelle initiale et continue repensée
La classe de terminale des lycées serait conçue comme une sorte de propédeutique permettant l’accès à une formation professionnelle immédiate à ceux qui le souhaiteront et la poursuite d’études spécialisées plus ou moins longues aux autres. Elle serait organisée autour de la phase terminale du tronc commun de disciplines générales et technologiques permettant d’éventuels changements d’orientation en cours de route, et d’ options de spécialité permettant une claire différenciation entre les voies de formation choisies. Une attestation de fin d’études générales et technologiques serait délivrée à l’issue de la scolarité obligatoire ainsi accomplie, ouvrant la voie aux études ultérieures, qu’elles soient générales ou professionnelles.
Dans cette perspective, les actuels lycées professionnels seraient transformés en écoles supérieures, qui seraient également les supports de la formation continue des travailleurs.
→ Questions : Quelles relations entre le monde du travail réel et l’école sur l’ensemble du cursus des élèves? Quelles obligations pour les entreprises ? Faut-il maintenir l’apprentissage comme voie parmi d’autres de formation professionnelle ? Quelle indemnisation pour les élèves en stage plus ou moins prolongé en entreprise ?
3 : Réhabiliter le rôle de l’Université et des grandes écoles comme partie indissociable d’un projet éducatif global : Aujourd’hui encore conçue comme phase ultime de formation des élites intellectuelles et cadres dirigeants de la nation, mais subissant la concurrence des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, elle reste organisée – à l’instar du système scolaire – selon les principes de la concurrence et de la sélection. Nous voulons en faire le lieu d’accès facilité pour tous à des formations supérieures diversifiées intégrant grandes écoles spécialisées ( dont le mode de recrutement sera à démocratiser !), formations professionnelles initiales (courtes et longues) et continuées à partir d’une mission fondamentale d’élévation du niveau de formation générale des citoyens et de qualification des travailleurs, tout en revalorisant sa fonction de lieu permanent de recherche et d’innovation dans tous les domaines du savoir.
→ Proposition : Penser un mode de financement des études pour les élèves qui auront dépassé l’âge de la scolarité obligatoire et qui s’orienteront soit vers l’apprentissage d’un métier soit vers la poursuite d’études.
4 : Repenser les contenus et méthodes d’enseignement.
Que faut-il enseigner dans la perspective d’une école émancipatrice ? selon quels « principes éducatifs » (pour reprendre la formule de Gramsci) choisir les savoirs qui doivent composer les enseignements de culture scolaire commune dans la perspective d’une société émancipée du capitalisme ? Autrement dit, comment donner à tous les moyens de l’émancipation individuelle et collective ? qu’est ce qui doit être acquis par les futurs citoyens pour qu’ils puissent individuellement et collectivement participer activement et dans l’intérêt commun au gouvernement des affaires sociales, économiques et culturelles ?
Nous pensons que les programmes scolaires, loin de se cantonner au « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » tels qu’ils sont aujourd’hui conçus devront favoriser l’acquisition d’une culture large polytechnique plaçant les différents savoirs à égale dignité, intégrant les savoirs actuellement dits « généraux, techniques et professionnels ». Il s’agira ainsi de permettre :
→ La compréhension de l’organisation et des dynamiques des sociétés humaines passées et actuelles et l’enrichissement artistique et culturel de chacun.
→ L’épanouissement de l’individualité de chacun grâce, notamment, à l’intégration des objectifs d’égalité filles/garçons, la mise en place d’une éducation à la sexualité, et la lutte contre toutes les discriminations.
→ L’acquisition de connaissances scientifiques et techniques permettant de comprendre les enjeux des grands défis contemporains dans le domaine du climat, des énergies, des transports, du logement, de l’urbanisme, des technologies du futur, de la santé intégrant la nécessité de se libérer du désastre productiviste.
Les apprentissages seront dynamisés par la promotion de pédagogies coopératives reposant sur le postulat du « toutes et tous capables » et s’appuieront sur les activités des élèves pour leur permettre de construire leur savoir.
La mise en place du « tronc commun de culture citoyenne, générale et technologique » sera complétée – à l’initiative du Conseil Scientifique et Pédagogique de l’établissement – par celle d’axes thématiques optionnels afin de diversifier l’offre pédagogique et de s’adapter aux élèves dans leur diversité. Ces enseignements seront conçus non pas en concurrence avec les apprentissages du tronc commun mais au contraire pour compléter et contextualiser leurs contenus.
→ Remarque : La diversité des savoirs à aborder et, du coup, la complexité d’organisation des emplois du temps impliquent un allongement du temps scolaire hebdomadaire et des locaux éducatifs adaptés : A l’inverse des torrents de démagogie déversés ces dernières années par la Doxa éducative pour justifier la récente réforme des « rythmes scolaires », nous assumons sans difficulté ces contraintes, tant il est vrai que les élèves n’ont pas besoin de moins d’école, mais avant tout de mieux d’école et, dans ce cadre nouveau, de plus d’école.
→ Question : Comment lutter pour une carte scolaire non ségrégative, alors que chacun connait les contraintes liées à la sociologie urbaine alors que les inégalités sociales et culturelles ont atteint un niveau considérable sous le coup de plusieurs décennies de politiques néo-libérales, aggravées par es choix de contournement par les familles averties des couches moyennes aisées de leur lycée, leur collège, leur école, en fonction des populations accueillies mais aussi des choix pédagogiques qui y sont proposés ?
→ Question : Plus généralement, se pose la question du rôle des collectivités territoriales dans le financement et le fonctionnement des établissements scolaires. Sachant que, selon le vieil adage, « qui paie décide » (au moins en partie) des contenus des activités proposées dans les établissements, faut-il maintenir le principe actuel de répartition des responsabilités entre l’état et les collectivités ? Si oui, quelles garanties pour assurer l’égalité réelle de traitement des élèves sur l’ensemble du territoire national ?
Quelles responsabilités pour les collectivités territoriales dans l’organisation et le financement d’éventuelles activités de caractère pédagogique et éducatif en complément du temps scolaire dans le cadre de projets éducatifs locaux, par exemple?
→ Question subsidiaire : Quid de l’enseignement privé sous contrat ?
5 : Débarrasser le système éducatif de toute notation ou autre forme d’étalonnage des élèves pour laisser la place à un système de suivi personnalisé des apprentissages fondé sur la capacité d’innovation pédagogique d’enseignants libérés dans leur créativité professionnelle grâce à des conditions de travail améliorées (notamment par l’abaissement des effectifs par classes), à une formation initiale et continue entièrement repensée en fonction de cette conception nouvelle de l’école et à une véritable revalorisation de leur métier appuyée sur un renforcement de leurs garanties statutaires.
Dans l’école que nous voulons, la question de l’évaluation des élèves prend en effet un caractère central. Le mode actuel d’évaluation est anxiogène, décourageant et contre productif. Il ne vise pas à mesure les progrès des apprentissages, mais à développer l’esprit de compétition et à justifier et organiser le mode de sélection. A l’opposé de cette logique, Nous proposons de lui substituer une évaluation formative fondée sur l’apport de chacun au travail du groupe, dans des pratiques pédagogiques reposant sur l’esprit collectif et la coopération.
La question des modalités de délivrance du baccalauréat (examen par contrôle continu ou par épreuves terminales) deviendrait du coup obsolète, une simple attestation de scolarité accomplie dans des conditions satisfaisantes ouvrant ipso facto l’accès à poursuite d’études si l’élève en manifeste le désir.
→ Proposition : Créer, dans chaque établissement (ou groupe d’établissements pour les petits établissements type école maternelle ou élémentaire, notamment rurales) un conseil scientifique et pédagogique autogéré par les personnels) travaillant en liaison avec la recherche en éducation.
6 : Une formation des enseignants visant à faire de chacun d’eux un véritable enseignant-chercheur disposant d’une grande autonomie professionnelle , capable d’élaborer en concertation permanente avec ses collègues des stratégies d’apprentissage adaptées aux besoins des élèves et visant à la réussite de tous. Une telle exigence implique la maîtrise par chacun d’un haut niveau de connaissances et de compétences, tant dans son champ disciplinaire que dans le champ pédagogique, lui permettant d’entretenir un rapport réflexif à sa propre pratique, expérimenter de nouvelles façons de faire si nécessaire, échanger avec ses collègues dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires…
Compte tenu de tous ces éléments, dont la mise en œuvre représenterait un réel bouleversement de la conception même du métier d’enseignant, la division des personnels en catégories hierarchisées perdrait tout son sens et constituerait un obstacle au changement. C’est pourquoi nous proposons d’aller vers un corps unique des enseignant-e-s de la Maternelle à la Terminale .
→ Problème : Dans cette perspective, il faudra (re)penser les contenus de formation commune – mais aussi spécifiques – des enseignants de premier et de second degré, à partir d’un cadrage national mieux défini, ainsi que le cadre universitaire pertinent dans lequel ces formations devraient être organisées.
7 : Réorganisation complète du temps scolaire autour de deux grands axes étroitement complémentaires et imbriqués: les enseignements disciplinaires d’une part, et des ateliers de pratiques sociales et culturelles en liaison avec les apprentissages disciplinaires d’autre part.
Dans ce schéma, en plus d’être le lieu commun des apprentissages savants, les établissements scolaires deviendraient également des lieux d’animation culturelle largement ouverts sur la vie de la cité.
→ Questions : Quelles fonctions pour les enseignants dans l’animation de ces ateliers ? quels liens (institutionnels et/ou occasionnels) avec les artistes (intervenants extérieurs ou en résidence) et institutions culturelles ? Quel statut pour les éventuels animateurs intervenant dans cet ensemble d’activités éducatives ?
8 :: Un fonctionnement entièrement nouveau des établissements scolaires, fondé sur le principe d’une autogestion instruite et collectivement maîtrisée entre personnels, parents volontaires, élèves aux droits citoyens reconnus, et administrateurs représentant l’autorité publique, dans le cadre d’une définition nationale des objectifs d’apprentissage. Il s’agit d’organiser la liberté d’initiative pédagogique individuelle et collective des personnels à l’intérieur même du service public , tout en posant les garde fous protecteurs contre toute dérive vers des démarches contraires à l’intérêt des élèves, ou entrant en contradiction avec la perspective émancipatrice pour tous. Notre lutte pour la transformation de l’Ecole s’articule avec le combat que nous menons pour une autre société, débarrassée du capitalisme, une société écologiste, féministe et autogestionnaire. C’est pourquoi nous luttons, pour des formes alternatives d’évaluation du travail des élèves et des enseignant-e-s, pour la mise en place d’une nouvelle organisation des établissements scolaires avec élection des responsables, direction collective par conseil d’établissement et réel pouvoir des équipes pédagogiques qui disposeront de temps important de concertation intégré dans leur temps de service.
→ propositions: il faudra imaginer, par exemple sur le modèle des délégués du personnel dans les entreprises – un statut de « parent d’élève délégué » doté de droits lui permettant de participer à la co-gestion des établissements scolaires.
→ Deux « utopies constructives » : l’élection du directeur d’établissement3 choisi en leur sein par les personnels eux-mêmes, et la suppression de l’inspection remplacée par une évaluation collégiale, formative et non hiérarchique .
9 : Un rôle éducatif accru pour toutes les catégories de personnels : Tous les adultes travaillant dans un établissement scolaire, de l’ATSEM en école maternelle au personnel d’entretien du lycée participent du bon fonctionnement de l’institution éducative, en contact direct avec les élèves. La manière dont leur travail est conçu et effectué a donc valeur d’exemple pour tous, au même titre que tous les autres professionnels de l’institution. De ce fait, il découle que tous doivent être considérés par définition professionnelle comme des éducateurs, et leurs fonctions spécifiques reconsidérées en ce sens. (A titre d’exemple, le CPE devrait exercer un véritable métier d’éducateur et coordonner l’activité de l’équipe éducative ; l’infirmièr(e), mais aussi les personnels d’intendance et de cuisine contribuer à une éducation à la santé, etc…).
→ Questions : Quelles formations pour ces personnels, quelle organisation du travail, quels rapports avec les programmes et contenus d’enseignement ? Ne pourrait-on imaginer que les écoles supérieures de formation des enseignants soient également chargées de former ces personnels ?
10 : Une éducation à la citoyenneté par la pratique : L’école est une institution particulière, lieu de vie collective qui ne peut être confondu avec le reste de la société, mais elle doit être régie par les grandes valeurs qui fondent l’organisation sociale que nous préconisons : égalité, solidarité et coopération devenant par là même éléments de la politique éducative des établissements, porteurs d’attitudes, de comportements indispensables aux acquisitions scolaires comme aux transformations sociales. Au sein de cette Ecole commune, les jeunes, futur-e-s citoyen-ne-s disposeront progressivement de droits de regroupement, d’auto-organisation et de syndicalisation (avec mise en place des moyens correspondants : temps, lieu de réunion…) et de moyens de plus en plus importants leur permettant d’être acteurs / actrices de leur propre formation.
→ Question : Quelles limites institutionnelles à l’activité citoyenne dans l’établissement ? ( ex : les élèves, dans leur grande majorité, n’étant pas majeurs, ne sont pas civilement responsables de leurs actes, y compris au plan financier…)
11 : Une lutte résolue contre les disparités territoriales et les ghettos scolaires : Contre la conception managériale de l’autonomie des établissements scolaires qui a pour fonction principale la dénationalisation du service public d’éducation et la marchandisation progressive de pans entiers de l’enseignement, il nous faut inventer un cadre national d’un type nouveau qui libère les énergies, le travail et les intelligences, qui institue sur tous les plans la coopération et non la concurrence, qui compense, autant que faire se peut les inégalités territoriales.4
→ Questions : Comment rendre attractifs les établissements scolaires situés en « zone difficile » ? Faut- il relancer une politique de type ZEP avec plus de moyens ?
Est il pertinent de proposer que soient favorisée la création , au sein du service public, d’établissements à profil pédagogique particulier ( type Decroly ou Freinet) bénéficiant d’un mouvement des personnels (affectations/mutations ) particulier ( type classes préparatoires actuellement) et permettant aux parents le libre choix, sur cette base, de l’établissement scolaire de leur enfant, au risque de favoriser ainsi la concurrence entre établissements… et la dérégulation du mouvement des personnels ?
12 : Pour que ça change : expérimenter, en toutes occasions et dans tous les domaines la démarche autogestionnaire :
Résister au discours idéologique dominant de la politique scolaire officielle aussi bien qu’à celui de la Doxa de pédagogues autoproclamés « novateurs » et révolutionnaires est nécessaire. Mais formuler des critiques, aussi justifiées soient-elles, sur le fonctionnement du système ne suffit pas. Il n’est évidemment pas question pour ENSEMBLE de se faire les chantres de quelque pédagogie officielle que ce soit, mais il s’agit de favoriser l’émergence de nouvelles démarches gestionnaires et pédagogiques cohérentes entre elles, sans négliger pour autant les revendications quantitatives ( des moyens, il en faut beaucoup plus !) : mobiliser, en premier lieu, les forces existantes localement en faisant jouer tant au Conseil d’administration de l’établissement qu’au Conseil Scientifique et Pédagogique dont nous proposons la création un rôle décisif pour stimuler en permanence l’expérimentation de nouveaux modes de gestion et de nouvelles stratégies d’apprentissage lorsque les anciennes ont échoué, en écartant tant les tentations autoritaires de la hiérarchie que les préjugés dogmatiques ou partisans; transformer, autant que faire se pourra, les réalités locales malgré les contraintes « structurelles » (notamment hiérarchiques); face à chaque situation, articuler une activité critique avec une réflexion sur les processus d’émancipation possibles dans les cadres existants, qui sont à remettre en cause ( mais n’est ce pas là le moyen le plus efficace, précisément, de crédibiliser la nécessité de les remettre en cause ?). Prendre au sérieux l’intelligence des personnels et leur volonté de faire au mieux pour que leurs élèves réussissent, signe incontournable de réussite professionnelle et donc de satisfaction personnelle; se nourrir des expériences ordinaires multiples pour bâtir progressivement un cadre général partagé et novateur plutôt que d’imposer ( par des directives contraignantes venues « d’en haut ») ou d’attendre ( « en bas ») des changements institutionnels et/ou politiques générateurs de moyens nouveaux ou des recettes miracle qui n’existent jamais : Il s’agit bien de démarches qui concernent, bien au-delà du monde éducatif, tous les citoyens. C’est pourquoi il faut penser ces changements non comme le résultat de l’action volontariste de quelques décideurs politiques, pas plus à l’échelon local qu’au niveau national, mais comme le fruit d’une élaboration et d’une mise en œuvre collective, impliquant tous les partenaires du système: enseignants, parents d’élèves, grands élèves, représentants du monde du travail, élus de tous niveaux institutionnels. Ce sera à eux, en tout état de cause, d’en imaginer ensemble les formes et modalités..
Autre titre possible : « Douze Chantiers »
Pourquoi douze chantiers ?
Le terme de chantier signifie que nous ne proposons ni programme clé en main, ni solutions miracles, mais que nous voulons indiquer quinze tâches auxquelles les citoyens, les partenaires de l’école devraient, selon nous, s’atteler prioritairement. Si nos propositions précises devaient être reprises et appliquées, nous serions très heureux. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est qu’il y ait une prise de conscience politique et l’ouverture d’un débat sur de nécessaires alternatives au désastre actuel..
1 La notion est ici celle du « coût social », qui englobe, outre les dépenses budgétaires de l’état et des collectivités territoriales nécessaires au bon fonctionnement du système éducatif, les dépenses liées aux politiques de réparation des échecs du système (politiques d’insertion, etc.).
2 Voir leur dernier ouvrage : « Commun » , essai sur la révolution au XXIème siècle ». ed La Découverte ; Paris 2014
3 Pour le second degré, cette appellation – qui est déjà en usage à l’école élémentaire – se substituerait à celle, archaîque, de « chef d’établissement » , autorité hiérarchique désignée par arrêté ministériel.
4 A titre d’exemple : l’investissement par élève au niveau des écoles maternelles et élémentaires varie de 1 à 12 s selon les moyens et la bonne volonté des communes dont elles dépendent ; Les lycées et collèges de centre ville sont mieux dotés en personnels que les établissements de la périphérie, les élèves des grandes écoles « coûtent » proportionnellement sept fois plus cher que ceux des universités, …