Voici un texte paru sur ce site il y a cinq ans.
Depuis, la « dédiabolisation » voulue par Le Pen, cette grande manipulation, a totalement réussi. Depuis, Bolloré et ses médias aux ordres font une campagne islamophobe et raciste ininterrompue. Depuis, Zemmour, ex salarié du milliardaire Bolloré, a propulsé les sectes antisémites, monarchistes, « identitaires » au premier plan et, par contraste, a permis à la richissime Le Pen, fille de son père qui la soutient bien sûr – comme Zemmour maintenant -, de se présenter comme une amie des blancs se vivant déclassés.
Le même cauchemar ?
Non. C’est pire puisque des militants de gauche dissertent sur un usage se voulant rusé du vote Le Pen., puisque des ami.e.s considèrent Macron comme un fasciste accompli. Non, car depuis Macron a développé une politique férocement antilibérale, liberticide, reprenant de façon répétée des thèmes de l’extrême-droite pour les faire siens (contre l’ »islamo-gauchisme », contre le « wokisme » contre « l’intersectionnalité », etc). Non, car l’épuisement après les périodes de confinement a isolé les groupes sociaux les uns des autres plus que jamais. Non, car les capitalistes se sont enrichis de façon accélérée et montrent sans vergogne leur indifférence atavique à toute notion de bien commun et car Le Pen a su leur montrer des signes d’allégeance.
Ce cauchemar de 2017 semble se reproduire à l’identique mais c’est un leurre car la gauche militante est bien peu nombreuse dans les rues en cette veille de second tour des présidentielles malgré le résultat électoral magnifique de Mélenchon au premier tour. Nous sommes bien le 17 avril 2022. Et le danger post-fasciste est électoralement pire que jamais et il a en ce pays un nom depuis des décennies: Le Pen.
PB, 17–4–2022
Ainsi donc en France, en ce 24 avril 2017, un parti post-fasciste, le parti de Marine Le Pen, est au second tour, sans que cela ne semble plus perturber que quelques uns. Voir que la contre-révolution haineuse qui veut nous balayer progresse inexorablement ne serait donc que banal?
Une victoire du parti créé par JM Le Pen avec des amis issus du pétainisme et de l’OAS signifierait un rejet des immigrés, une chasse aux enfants de parents nés ailleurs, une remise en cause de naturalisations. Dans ce monde cauchemardesque, on parlerait de sauver la patrie et on désignerait tous les non FN comme des traîtres, ainsi que la firme Le Pen aime à le clamer en ses meetings. La police, sa hiérarchie, sans avoir trop à se forcer, appliquerait la loi implacable des vainqueurs.
Si l’on considère qu’en 2002, Jean-Marie Le Pen arriva au second tour des présidentielles alors que son parti était désorganisé suite à la scission des amis de Bruno Mégret, en 1998, alors qu’actuellement le FN a une existence en tant que parti avec des militants et des cadres politiques presque partout en France, le risque n’est pas mineur.
Enfin, aujourd’hui l’électorat de LR affirme largement sa proximité avec le FN au moins par haine atavique de la gauche politique et syndicale.
La continuité du FN
Le film de Lucas Belvaux, « Chez nous » montre la face double d’un parti du type du FN: un visage au sourire commercial surfant sur des exaspérations populaires et une face de brutes jouissant de terroriser des familles d’immigrés sans défense. S’appuyant sur des enquêtes faites à propos du FN, ce film n’a suscité nulle grande polémique. C’est un fait politique banalisé: la violence qui se cache dans les groupes gravitant dans l’orbite du FN est connue et ne surprend plus. Elle inquiète peu, même. C’est la banalité des salauds.
Plusieurs livres démontrent la continuité entre le corpus idéologique Le Pen père et celui de sa fille. Dans l’entourage de celle-ci les ex (mais nullement repentis) militants du GUD, groupe fasciste d’ admirateurs d’Hitler, sont une de ses gardes rapprochées.
Le slogan « On est chez nous ! » qui unit les participants aux meetings de Marine Le Pen est un euphémisme de « les étrangers dehors ! », ou plus précisément « les arabes dehors! », arabes étant remplacé par le mot musulmans par les habiles propagandistes.
Nous en sommes arrivés au point où un parti de filiation totalitaire, dirigé par une famille qui fait feu de tout bois pour s’enrichir, est considérée comme une alternative à tenter, par des groupes sociaux variés.
Un passé si proche
Souvenons nous. Ce qu’ils promeuvent fut bel et bien essayé et vécu, terriblement, en France, en 1940–1945; mais le souvenir de ces années là tend à s’estomper avec le renouvellement de générations, à tel point que le propagandiste Alain Soral, ami de Dieudonné, osa s’affirmer national-socialiste. Nazi.
Certes, le retour du fascisme d’ il y a cent ans n’est pas à l’ordre du jour. Le monde a changé; ce furent les suites de la première guerre mondiale et la victoire de la Révolution russe qui furent le terrain de sang et de fureur où le fascisme naquit et prospéra.
Cependant, l’histoire de la montée au pouvoir de Mussolini, de son discours se référant un nationalisme de combat associé à un discours social aux accents anticapitalistes est une expérience étudiée par les cadres du FN. Mussolini parvint au pouvoir grâce à une alliance avec les patrons et l’armée; et le discours social fut oublié. Est-ce si anachronique?
Alors qu’en Hongrie et en Pologne une droite hostile à la démocratie est au pouvoir, alors qu’aux portes de l’Europe Erdogan a une évolution fascisante, alors que les USA ont élu un homme, Trump, qui continue son discours au populisme xénophobe enflammé, les amis de Marine Le Pen ont quelques raisons de dire que la période leur est faste.
Comment combattre le FN et le néolibéralisme, lors de ces élections présidentielles et ensuite
L’opération de banalisation du FN, orchestrée par M Le Pen a montré sa réussite. Concernant l’immigration, Le Monde écrit à juste titre que Le Pen mène la danse. (…)
C’est cette société néolibérale en faisant exploser les inégalités ici et partout dans le monde, qui crée ainsi les conditions de cette dissémination des idées destructrices de nos solidarités et de nos libertés. Et c’est Macron qui est maintenant l’incarnation de ce néolibéralisme offensif.
Une attitude antifasciste conséquente est de limiter le plus possible l »expansion du FN, du vote Marine Le Pen.
Ce sera pour moi voter Macron.
Paradoxe?
Bien sûr, décrire Macron en antifasciste, ce serait un gag triste. Certes, Macron est un adversaire politique que nous savons devoir être impitoyable dans la casse sociale. Un bourgeois sans scrupule.
Il reste que le vote pour n’importe quelle crapule vaut mieux que le post fascisme qui annonce la fin de nos libertés, qui nous désigne comme ennemis, « traîtres à la patrie » à détruire.
Des camarades sont très sensibles à la qualité de leur vote; j’en connais certains qui regrettent encore d’avoir voté Chirac en 2002 (pour s’opposer au père de Marine Le Pen). C’est une grande chance que d’avoir un vote comme grand souvenir douloureux de premier plan; je les envie ; il se trouve que d’autres événements plus graves m’ont touché. Et voter contre la famille Le Pen et leurs valets me semble aller de soi, hier comme aujourd’hui.
Voter Macron me donne la nausée-transitoirement- et je voterai Macron.
La question est de savoir comment signifier que nous ne nous mêlerons pas aux néolibéraux de tous bords accompagnés des belles âmes qui se réveillent à la politique une fois par décennie qui soutiennent Macron. Par adhésion à son programme, quant à eux.
Pour ce faire, voici une proposition reçue: manifester au soir du second tour contre le fascisme et le néolibéralisme. Ce qui se préparerait dès le Premier mai. Que la rue soit à nous. Défaire les s et dans la foulée organiser la lutte contre le néolibéral Macron.
Le résultat obtenu par Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle montre que nous pouvons être nombreux à mener ce double combat: humilier la bête fasciste et défaire les successeurs de Hollande et Chirac regroupés autour de Macron. Presque en même temps.
Pascal Boissel , 25–04–2017
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Une réflexion sur « Elections et antifascisme, en 2022. 5 ans plus tard. »