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Entretien-avec-Genevieve-Legay-Des-que-j-irai-mieux-je-reprendrai-le-combat-jusqu-a-ma-mort Hospitalisée depuis la violente charge policière dont elle a été victime le 23 mars à Nice, Geneviève Legay nous a accordé une longue interview téléphonique, dans laquelle elle pointe les nombreuses zones d’ombres émaillant cette affaire. Malgré son état de santé, sa détermination reste intacte :« Ce n’est pas possible de laisser ce monde à nos enfants, donc dès que j’irai bien je serai dans la rue ».
(…) « Nous allons redéposer des plaintes au nom de Geneviève Legay visant l’ensemble de ceux qui ont pu donner des ordres. Ce n’est pas parce qu’on participe à un rassemblement interdit qu’on doit être chargé », a déclaré son avocat Maître Arié Alimi ce lundi aux côtés de Geneviève, à l’occasion d’une conférence de presse donnée au CHU de Nice. « L’une pour violences volontaires et complicité de violences volontaires contre le commissaire M. Souchi (en charge des opérations de maintien de l’ordre le jour des faits), le préfet et X, puis une autre pour subornation de témoin, faux et usage de faux et dissimulation de preuves contre X » a-t-il précisé.
(…) J’ai le coccyx fracturé, le rocher de l’oreille fracturé, 5 fractures et traumatisme crânien, et maintenant, je ne marche pas seule.
(…)
G. : Le commissaire Souchi les a interdit de m’approcher et il les a même fait envoyer en garde à vue 10h chacun. C’est scandaleux. Mon dossier ce ne sont que des bavures policières, c’est grave. Il y a même le capitaine des gendarmes qui a refusé d’écouter Souchi. C’est pour ça qu’il a mis des grands flics costauds après derrière moi. Il faut analyser tout ça.
(…)
Le 18, j’allume ma télé, et je vois une femme qui dit « je touche 600€, le 3 du mois je n’ai plus rien à donner à mes enfants ». L’autre qui dit, « j’ai 800€, je peux pas payer mon loyer ». Et là je me dis, enfin, ça y est, les gens descendent, et ils osent dire qu’ils sont pauvres. Ils ont compris qu’ils ne sont pas pauvres à cause d’eux mais à cause des institutions et de la politique mise en place. Ah j’étais contente, et depuis, je suis gilet jaune. J’en rêvais depuis 45/50 ans, que les gens descendent, parce qu’en fait avant, j’ai signé beaucoup de pétitions, je vais sur les marchés… Je suis une militante de base comme je dis, je suis une citoyenne prolo. Et les gens quand vous leur disiez, regardez ce qu’ils nous font, à nous, les pauvres, ils se rétractaient. Ils n’aimaient pas entendre qu’ils étaient pauvres, mais parce que jusqu’à il n’y a pas longtemps, ils pensaient que c’est eux qui ne savaient pas gérer, qu’ils ne savaient pas y faire. Et là sur les ronds-points, j’ai vu le film de Ruffin aussi « J’veux du soleil », vous voyez des gens qui s’expriment et qui ont compris que ce n’est pas à cause d’eux. Et aussi, avec ce gilet jaune, ils ont créé des liens. Dans les Carrefour c’est magnifique, les gens ne se parlaient plus, maintenant ils se parlent.
Et avec les syndicats, aux alentours du 20 décembre, si on était en grève, on rentrait chez nous parce qu’il allait y avoir Noël. Eux se sont dit ’mais on n’a rien à perdre, on va fêter noël sur les ronds-points’. Et je trouve ça magnifique de chez magnifique.
Bon, ce que je reprocherais entre guillemets, c’est qu’ils n’attaquent pas le patronat.
(…) Quand j’ai commencé à militer en 1975, je déménage dans un quartier où ils ont construit 300 villas, 230 accessions à la propriété et 70 HLM. Je suis moi-même en HLM parce que je n’ai jamais pu acheter, je viens d’une famille très pauvre. Et là j’arrive, il y a 1200 habitants dans le village, dont 250 enfants et pas d’école (rires). Le maire fait construire 300 villas, et il ne projette pas qu’il va y avoir 250 enfants. Donc là j’ai adhéré malgré moi parce que je n’étais pas du tout de ce bord là, à la fédération Cornec [la FCPE fut longtemps nommée « fédération Cornec », à cause de la longévité de son président de 1956 à 1980, Jean Cornec. La FCPE est une fédération de parents d’élèves étiquetée à gauche,NDLR]. Donc tout de suite, quand vous rentrez dans ces mouvements là, vous en apprenez plein. Ensuite on s’est battu, c’est moi qui ai monté l’association de défense des locataires parce que les villas étaient très belles, mais tout était fait de briques et de broc, l’électricité sautait tout le temps. Donc avec la confédération nationale du logement, on a créé une association de locataires. Et tout le village a adhéré à cette association et on s’est battus contre un maire qui était médeciniste, enfin sans étiquette mais soutenu par Jacques Médecin à l’époque. Et donc là j’ai commencé à évoluer avec plein de gens. On a eu l’école en préfabriqués au bout de 6 mois quand même, face à Jacques médecin qui était notre député, et puis j’ai rencontré de belles personnes dans cette association, des pédagogues de l’école et tout ça, des trotskistes justement, des communistes. Et qui soutenait ces associations qu’on avait monté ? C’était des communistes, donc j’ai fini par adhérer au Parti Communiste en 1977, bon j’ai tué mes parents parce qu’ils étaient anti-communistes primaires. Et puis après, je n’ai eu de cesse d’apprendre d’apprendre d’apprendre et le Parti Communiste m’a beaucoup apporté. Je n’y suis plus depuis 1989, ça fera 30 ans mais je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain parce que j’ai rencontré des gens formidables de terrain, des intellectuels qui m’ont fait lire des livres. J’ai fait l’école du parti donc je suis marxiste, je suis toujours communiste mais je ne suis plus au PCF par rapport aux pays de l’Est.
(…) Et donc je me suis donné les moyens de passer le bac à 43 ans, et puis après j’ai passé le concours d’éduc’ spé’, j’ai réussi et je suis partie donc à l’école à Marseille. Et puis voilà, j’ai réussi. Après j’ai été cheffe de service. C’est un métier qui m’a beaucoup plu. Educatrice c’était vraiment ce qui m’a pris aux tripes. Auprès d’adolescents, les plus durs, c’est ce que je préférais. Les garçons, et puis après les filles, et puis après j’ai été cheffe de service dans une petite structure chez les petits, et après chez les adolescents garçons. Vraiment c’est un travail très très intéressant, mais on manquait de moyens. J’avais monté la CGT en 1984, et en 2000 j’ai écrit un livre qui s’appelle « Le livre noir de la maltraitance institutionnelle ».
(…)
R.P. : Aujourd’hui, vous comptez reprendre le combat dès que vous serez ressortie de l’hôpital ?
G. : Oh oui, oui oui dès que j’irais mieux et
jusqu’à la fin de ma vie ! Vous savez, quand vous avez mis trois enfants
au monde, que vous avez cinq petits enfants et vous voyez cette
société. Je ne veux pas que mes petits-enfants héritent de cette société
là. A ATTAC on dit, « un autre monde est possible, construisons-le,
ensemble », et je veux vraiment que l’on construise un autre monde,
parce que ce n’est pas possible de laisser celui-ci à nos enfants. Dès
que je serai bien, je serai dans la rue. Vous savez depuis que je suis
ici le 2 avril, je fais un travail syndical très important auprès des
employés ici. Je suis quelqu’un de terrain, je suis comme je dis, une
citoyenne de terrain. Jusqu’au bout. Jusqu’à ma mort.
On garde l’espoir d’y arriver, et j’ai vraiment beaucoup d’espoir avec
les gilets jaunes. Ils nous ont permis de rebondir, et il faut vraiment
qu’on rebondisse avec eux.
Propos recueillis par Flora Carpentier
« Gilets jaunes » : la militante Geneviève Legay est de retour chez elle après deux mois à l’hôpital
Elle avait été gravement blessée à la tête et aux côtes lors d’une charge de police le 23 mars, à Nice.
Mis à jour le 15/05/2019 | 18:19
publié le 15/05/2019 | 16:08
La militante Geneviève Legay est rentrée chez elle après deux mois d’hospitalisation, annonce l’ONG Attac, mercredi 15 mai.
Cette manifestante de 73 ans avait été blessée dans une charge de police lors d’un rassemblement des « gilets jaunes » à Nice (Alpes-Maritimes), le 23 mars dernier.
« Elle est sortie de l’hôpital à 13 heures et est rentrée à son domicile. Elle marche mais n’est pas autonome, a précisé Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac France. Elle est donc sortie mais pas totalement retapée ».
Geneviève Legay a eu plusieurs côtes cassées et des fractures au crâne, après avoir été poussée par un policier qui dispersait avec ses collègues un rassemblement interdit à Nice. Les manifestations de « gilets jaunes » étaient interdites en raison de la venue du président chinois et de la crainte des casseurs. C’est aussi le seul week-end où il y a eu des heurts à Nice. A la suite de ces blessures, deux juges d’instruction ont été désignés pour enquêter et la police des polices (IGPN) a été saisie.
Attac France est « toujours en attente de la demande de dépaysement du dossier et de la démission du procureur » de Nice, a rappelé Raphael Pradeau.
L’ONG Attac et l’avocat de Geneviève Legay, Arié Alimi, voudraient en effet que le dossier soit instruit dans un autre tribunal que Nice, dont le parquet manque selon eux d’impartialité.
Selon eux, même si la manifestation était interdite, la force exercée contre la cinquantaine de personnes rassemblées place Garibaldi était disproportionnée et la chaîne de commandement devrait rendre des comptes. La Cour de cassation doit trancher sur cette demande de dépaysement.
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-la-militante-genevieve-legay-est-de-retour-chez-elle-apres-deux-mois-a-l-hopital_3444491.html