11 novembre 2025

Jaco­bin. Trump classe « l’an­ti­ca­pi­ta­lisme » comme un crime poli­tique avant l’heure

Trump classe « l’an­ti­ca­pi­ta­lisme » comme un crime poli­tique avant l’heure

Trump classe « l’an­ti­ca­pi­ta­lisme » comme un crime poli­tique avant l’heure

Le nouveau décret de sécu­rité de Donald Trump quali­fie les convic­tions anti­ca­pi­ta­listes de signe avant-coureur de violence poli­tique. Ironie du sort : l’ana­lyse struc­tu­relle de gauche, elle, détourne juste­ment les gens des attaques indi­vi­duelles pour les orien­ter vers l’or­ga­ni­sa­tion collec­tive du chan­ge­ment.

La dési­gna­tion par Donald Trump du mouve­ment « antifa » comme « orga­ni­sa­tion terro­riste inté­rieure », la semaine dernière, est un parfait condensé à la fois de l’au­to­ri­ta­risme et du ridi­cule de son admi­nis­tra­tion. Quiconque se souvient de la réponse du gouver­ne­ment Bush aux atten­tats du 11 septembre devrait frémir en enten­dant des respon­sables poli­tiques employer à nouveau le mot « terro­risme ». Ce terme a souvent servi de passe-droit pour justi­fier toutes sortes d’at­teintes aux liber­tés civiles.

De plus, « antifa » n’est même pas le nom d’une orga­ni­sa­tion. Ce label géné­ral (dési­gnant des formes mili­tantes d’auto-orga­ni­sa­tion se récla­mant de l’« anti­fas­cisme ») renvoie tout au plus à de petits groupes divers et dispa­rates. En outre, il n’existe en droit améri­cain aucune caté­go­rie légale appe­lée « orga­ni­sa­tion terro­riste inté­rieure » : il est donc diffi­cile de savoir quelle portée réelle pour­rait avoir cet ordre prési­den­tiel.

Le décret utili­sait un terme fourre-tout pour condam­ner un ensemble vague d’ac­teurs à un sort incer­tain. C’était presque comme si, dans une mise en scène toni­truante, le président avait promis d’exé­cu­ter extra­ju­di­ciai­re­ment des vampires en les expo­sant à la lumière du soleil.

Une initia­tive bien plus sérieuse et inquié­tante, adop­tée à peu près au même moment, est passée large­ment inaperçue. Trump a signé un mémo­ran­dum de poli­tique de sécu­rité natio­nale inti­tulé « Lutte contre le terro­risme inté­rieur et la violence poli­tique orga­ni­sée » (Coun­te­ring Domes­tic Terro­rism and Orga­ni­zed Poli­ti­cal Violence), connu sous le nom de NSPM-7.

De tels mémo­ran­dums sont beau­coup plus rares que les décrets prési­den­tiels. Alors que ces derniers régissent les opéra­tions quoti­diennes du gouver­ne­ment, les direc­tives de sécu­rité peuvent redé­fi­nir les grandes orien­ta­tions dans l’en­semble des appa­reils mili­taires, poli­ciers et de rensei­gne­ment fédé­raux. Comme son numéro l’in­dique, il ne s’agit que de la septième direc­tive de ce type depuis le début du mandat de Trump.

Selon le jour­na­liste Ken Klip­pen­stein, le NSPM-7 « ordonne une nouvelle stra­té­gie natio­nale visant à “déman­te­ler” tout indi­vidu ou groupe “qui fomente la violence poli­tique”, y compris “avant qu’ils ne commettent des actes violents” ».

Stephen Miller, chef adjoint de cabi­net à la Maison-Blanche et membre parmi les plus ouver­te­ment auto­ri­taires de l’ad­mi­nis­tra­tion Trump, s’est vanté que ce soit « la première fois dans l’his­toire améri­caine qu’un effort gouver­ne­men­tal total est lancé pour déman­te­ler le terro­risme de gauche ».

Pour expliquer à quel point cette mesure est inquié­tante, Klip­pen­stein fait réfé­rence au film de science-fiction dysto­pique Mino­rity Report, dans lequel des personnes sont arrê­tées non pour ce qu’elles ont fait, mais pour des « pré-crimes » prédits par des indi­vi­dus dotés de pouvoirs psychiques.

Dans notre monde bien réel, les « indi­ca­teurs » de violence poli­tique future listés dans le rapport sont les suivants :

  • l’an­tia­mé­ri­ca­nisme ;
  • l’an­ti­ca­pi­ta­lisme ;
  • l’an­ti­chris­tia­nisme ;
  • le soutien au renver­se­ment du gouver­ne­ment des États-Unis ;
  • l’ex­tré­misme en matière de migra­tion ;
  • l’ex­tré­misme en matière de race ;
  • l’ex­tré­misme en matière de genre ;
  • l’hos­ti­lité envers les personnes défen­dant des vues améri­caines « tradi­tion­nelles » sur la famille ;
  • l’hos­ti­lité envers les vues « tradi­tion­nelles » sur la reli­gion ;
  • et l’hos­ti­lité envers les vues « tradi­tion­nelles » sur la morale.

C’est, au mini­mum, une direc­tive visant à surveiller et à ficher des formes d’ex­pres­sion clai­re­ment proté­gées par la Cons­ti­tu­tion. Les cibles tombe­raient sous suspi­cion simple­ment pour avoir défendu une ou plusieurs convic­tions de gauche ordi­naires, arbi­trai­re­ment requa­li­fiées en extré­misme et suppo­sé­ment annon­cia­trices de violence.

Pensez-vous que l’im­pé­ria­lisme améri­cain pose problème ? Orga­ni­sez-vous des mani­fes­ta­tions contre les guerres menées par les États-Unis à l’étran­ger ? Dénon­cez-vous le géno­cide appuyé par Washing­ton à Gaza ?

Ces posi­tions pour­raient être consi­dé­rées comme de « l’an­tia­mé­ri­ca­nisme ».

Souhai­tez-vous abolir l’agence ICE ? Cela pour­rait être inter­prété comme un « extré­misme sur la ques­tion migra­toire ». Vos opinions deviennent alors des « facteurs de risque » de violence, et leur simple expres­sion consti­tue un crime avant l’heure.

Même l’athéisme mili­tant — dont les figures les plus connues, comme Richard Dawkins, sont loin d’être des gauchistes radi­caux — est désor­mais classé comme une sorte de pré-crime lié à la violence poli­tique. Cette logique est presque cari­ca­tu­ra­le­ment auto­ri­taire.

Et contrai­re­ment au décret qui décla­rait qu’une orga­ni­sa­tion inexis­tante appar­te­nait à une caté­go­rie juri­dique inexis­tante, il est ici tout à fait conce­vable que cette direc­tive serve de base à la surveillance et à la répres­sion d’opi­nions que l’ad­mi­nis­tra­tion juge indé­si­rables (avec, en prime, la possi­bi­lité que des employeurs privés s’en inspirent pour sanc­tion­ner des sala­riés expri­mant de telles idées).

Ce qui est moins évident, c’est à quel point la prémisse même de ce texte est absurde.

L’idée selon laquelle les personnes déte­nant ces opinions — que Trump et Miller quali­fie­raient d’« extrêmes » sur les ques­tions de race, de genre, de famille, de morale, de reli­gion, d’éco­no­mie ou de poli­tique étran­gère — seraient plus enclines à la violence poli­tique est tout simple­ment fausse.
En réalité, c’est souvent l’in­verse.

Les struc­tures du pouvoir
Dans tous ces cas, l’ana­lyse de gauche pousse à penser en termes de struc­tures de pouvoir plutôt qu’à accu­ser des indi­vi­dus. Si vous pensez qu’un cadre d’as­su­rance-santé refuse un rembour­se­ment parce qu’il est un monstre, vous pour­riez croire que la meilleure solu­tion est de lui tirer dessus. Mais si vous compre­nez que les problèmes du système de santé améri­cain sont systé­miques — que quiconque occu­pe­rait ce poste agirait de la même manière sous la pres­sion des mêmes inci­ta­tions —, vous serez plutôt porté à vous orga­ni­ser poli­tique­ment pour trans­for­mer ce système.

On ne détruit pas une struc­ture sociale injuste avec une arme à feu. Il faut une action poli­tique de masse pour réor­ga­ni­ser la société. La préva­lence de cette approche struc­tu­relle à gauche explique pourquoi il existe tant de mili­tant·es pour Medi­care for All et de parti­san·es de Bernie Sanders, et si peu de « Luigi Mangione ». Ce dernier, auteur d’un acte violent isolé, est devenu célèbre du jour au lende­main juste­ment parce qu’il est l’ex­cep­tion qui confirme la règle : l’ana­lyse struc­tu­relle de gauche tend à dissua­der de la violence indi­vi­duelle et à orien­ter vers des campagnes collec­tives pour un chan­ge­ment systé­mique.

Cela est parti­cu­liè­re­ment évident dans le cas de « l’an­ti­ca­pi­ta­lisme ». Si l’on estime que les capi­ta­listes n’ex­ploitent pas les travailleurs parce qu’ils seraient mora­le­ment mauvais, mais en raison de leurs inté­rêts de classe, alors les actes de violence indi­vi­duels (comme les assas­si­nats) n’ont aucun sens.

Vous pour­riez tuer tous les milliar­daires et PDG de la planète : si vous ne chan­gez pas la struc­ture écono­mique sous-jacente, leurs succes­seurs se compor­te­ront exac­te­ment de la même façon.

Chan­ger cette réalité suppose d’or­ga­ni­ser la classe travailleuse dans son ensemble pour mener une action poli­tique collec­tive.

Pour s’en convaincre, on peut relire Karl Marx dans la préface de 1867 au Capi­tal :

« Pour éviter tout malen­tendu, disons-le clai­re­ment. Je ne dépeins nulle­ment le capi­ta­liste ou le proprié­taire foncier sous des couleurs flat­teuses. Mais les indi­vi­dus ne sont pris ici qu’en tant qu’ils person­ni­fient des caté­go­ries écono­miques, des rapports et des inté­rêts de classe parti­cu­liers. Mon point de vue, qui consi­dère le déve­lop­pe­ment de la forma­tion écono­mique de la société comme un proces­sus d’his­toire natu­relle, rend moins que tout autre l’in­di­vidu respon­sable de rapports dont il reste, socia­le­ment parlant, la créa­ture, si haut qu’il puisse se placer subjec­ti­ve­ment au-dessus d’eux. »

Leon Trotsky allait encore plus loin, dans son essai de 1911 « Pourquoi les marxistes s’op­posent au terro­risme indi­vi­duel » :

« L’as­sas­si­nat d’un patron d’usine ne produit que des effets d’ordre poli­cier, ou tout au plus un chan­ge­ment de proprié­taire sans aucune signi­fi­ca­tion sociale. L’État capi­ta­liste ne repose pas sur ses ministres, et on ne peut pas l’abo­lir en les suppri­mant. Les classes qu’il sert trou­ve­ront toujours de nouveaux hommes ; le méca­nisme reste intact et conti­nue de fonc­tion­ner… Le terro­risme indi­vi­duel est inad­mis­sible préci­sé­ment parce qu’il dimi­nue, dans la conscience des masses, leur propre rôle, les récon­ci­lie avec leur impuis­sance et tourne leurs yeux vers un grand vengeur et libé­ra­teur. Mais une fois la confu­sion dissi­pée, la panique retom­bée, le succes­seur du ministre assas­siné prend sa place, la vie reprend son cours, la roue de l’ex­ploi­ta­tion capi­ta­liste tourne comme avant — seule la répres­sion poli­cière devient plus brutale. Et au lieu de l’es­poir, c’est le désen­chan­te­ment et l’apa­thie qui s’ins­tallent. »

Quiconque tient à vivre dans une société libre doit reje­ter l’idée selon laquelle certaines opinions idéo­lo­giques doivent être surveillées et conte­nues, quelle qu’en soit la nature. Même les idées les plus détes­tables doivent être combat­tues sur le terrain des idées.

Mais il est parti­cu­liè­re­ment absurde de trai­ter l’« anti­ca­pi­ta­lisme » et d’autres analyses struc­tu­relles des rapports de pouvoir comme des signes avant-coureurs de violence. Trotsky et Marx – sans doute les « extré­mistes » suprêmes aux yeux de Trump et Miller – étaient parfai­te­ment clairs : l’ana­lyse anti­ca­pi­ta­liste conduit à la conclu­sion que la terreur poli­tique ou la violence isolée sont pires qu’i­nu­tiles et doivent être décou­ra­gées.Plus les gens découvrent leurs idées aujourd’­hui, plus ils sont suscep­tibles d’en conve­nir.

À un moment où se multi­plient les attaques indi­vi­duelles moti­vées poli­tique­ment, les conser­va­teurs qui dénoncent l’« endoc­tri­ne­ment marxiste radi­cal » sur les campus devraient, para­doxa­le­ment, souhai­ter que cette « menace » imagi­naire devienne réalité.

Ben Burgis
https://jaco­bin.com/2025/10/trump-anti-capi­ta­lism-poli­ti­cal-pre-crime

https://www.pres­se­gauche.org/Trump-classe-l-anti­ca­pi­ta­lisme-comme-un-crime-poli­tique-avant-l-heures’

Usa, per Trump l’an­ti­ca­pi­ta­lismo è un crimine poli­tico
https://andream94.word­press.com/2025/10/13/usa-per-trump-lanti­ca­pi­ta­lismo-e-un-crimine-poli­tico/

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