Ligue des droits de l’homme, 1er juillet, Libération.
Seule la création d’une commission indépendante placée sous l’autorité de la Commission nationale consultative des droits de l’homme permettra de lutter contre les discriminations raciales et la violence qui les accompagne.
Tribune. Le monde entier défile, avec ou sans autorisation, pour condamner l’assassinat de George Floyd, honorer sa mémoire, et déclarer qu’enfin les personnes noires, victimes à différents degrés de racisme systémique et institutionnel, doivent pouvoir « respirer », c’est-à-dire vivre comme tout être humain, libre et égal aux autres, en a le droit imprescriptible.
Ce que demandent particulièrement ces manifestants, c’est que ne soient plus ni tolérées, ni protégées, ni a fortiori encouragées par les pouvoirs publics et leurs représentants du haut en bas de la « chaîne de commandement » les violences, les humiliations quotidiennes fondées sur l’apparence, les origines ou le domicile, ainsi que les brutalités pouvant aller jusqu’à la mort.
En France, malgré l’évidence d’un passé colonial qui pèse encore sur les rapports sociaux, malgré les manifestations innombrables de la combinaison des inégalités sociales, territoriales et raciales, malgré les cris de douleur et de colère de celles et ceux qui en sont les victimes, relayés par les associations et authentifiés par le Défenseur des droits lui-même, la dénégation est officialisée.
Au lendemain d’une mobilisation sans précédent sur ces sujets, le ministre de l’Intérieur se bornait à déclarer que les policiers sous ses ordres « protègent tous les Français, y compris contre le racisme ». Cette provocation valant promesse d’impunité pour ceux des policiers et des gendarmes qui confondent une identité avec un faciès a fait long feu. Face à la mobilisation grandissante, le ministre et le gouvernement promettent aujourd’hui de renoncer à telle technique, telle procédure, de faire respecter la loi par les forces de l’ordre et exhibent à point nommé rapports et enquêtes… S’il est non négligeable, ce changement de ton ne saurait être suffisant.
Crever l’abcès en parlant vrai
Alors que s’atténue peu à peu une crise sanitaire au cours de laquelle l’ampleur des discriminations sociales et territoriales s’est trouvée exposée en pleine lumière, et dont on découvre qu’elle a aussi recouvert de nombreuses « bavures » dans l’application des politiques sécuritaires, il est urgent de crever l’abcès en parlant vrai.
Parler vrai, c’est rappeler aux pouvoirs publics qu’ils doivent respecter et faire respecter les droits fondamentaux en manifestant le courage de la sanction. Parler vrai, c’est reconnaître le rôle des institutions et des politiques dans le développement du racisme et des discriminations. Parler vrai, c’est nommer les coupables de violence et de racisme ainsi que leurs responsables et exiger qu’ils soient sanctionnés. Parler vrai, c’est répondre à celles et ceux qui se mobilisent pour le respect de leurs droits fondamentaux, la justice sociale, la justice tout court.
La société civile, les associations de défense des droits, les comités constitués autour d’affaires de violences policières avancent de longue date des propositions en ce sens. Certaines sont reprises par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), ainsi que par le Défenseur des droits. Elles constituent une base pour engager une réforme profonde de la police, de ses missions, de ses méthodes, de son contrôle.
Nous, citoyennes et citoyens de toutes opinions, de toutes origines, de toutes confessions, de tous âges, genres et professions, réclamons la création d’une commission indépendante, placée sous l’autorité de la CNCDH, qui reçoive les doléances des victimes, écoute toutes les personnes et organisations concernées et fasse des propositions qui permettent de renouer le lien entre les forces de l’ordre et la population et de combattre les violences et le racisme. Le président de la République a récemment réitéré le vœu de faire prendre à la nation éprouvée par la crise sanitaire un nouveau départ. Ce renouveau ne se fera pas sans qu’on apure de notre présent les discriminations raciales et la violence qui les accompagne. Il ne se fera pas sans tous les citoyens. Il a besoin de vérité et de justice.
Parmi les signataires :
Estellia Araez, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF), Etienne Balibar, philosophe, Mamoudou Bassoum, champion d’Europe de taekwondo, Gilet jaune, Patrick Chamoiseau, écrivain, Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite à l’université Paris Diderot, Annick Coupé, militante altermondialiste, Laurence De Cock, historienne et essayiste, Didier Fassin, anthropologue et médecin, Eric Fassin, sociologue, Joël Roman, président de la Ligue de l’enseignement, Cédric Herrou, Communauté paysanne, Emmaüs Roya, Geneviève Legay, militante altermondialiste, Malik Salemkour, président de la LDH, Laurent Thines, neurochirurgien, Aurélie Trouvé, enseignante chercheuse,
Comité Adama Traoré, …
Et plusieurs organisations :(..)Confédération générale du travail (CGT), Conseil représentatif des institutions noires de France (Cran), Emmaüs France, Fédération syndicale unitaire (FSU), Fondation Copernic, Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), La Cimade, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de l’enseignement, Mémorial 98, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), Union nationale des étudiants de France (Unef), Union syndicale Solidaires, Solidarité laïque, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social – Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU). Pour soutenir la pétition.La ligue des droits de l’homme (LDH) partager tweeter
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