4 juillet,
Des organisations de la société civile, associations, syndicats, collectifs, militants mutualistes, usagères et usagers du système de santé, lancent un appel solennel au président de la République et au gouvernement pour que soient prises immédiatement des mesures pérennes afin d’éviter une nouvelle catastrophe sanitaire qui nous toucherait toutes et tous.
Tribune collective à l’initiative de la LDH et signée par 57 organisations
À la veille de l’été, malgré l’ultime alerte lancée le 7 juin par les organisations de soignantes et soignants, la situation du service public hospitalier, seul garant de l’égalité d’accès aux soins, est plus inquiétante que jamais.
La pénurie de soignantes et soignants s’accroît dans des proportions totalement inédites, faute d’anticipation des besoins et suite aux démissions de milliers de celles et ceux qui nous ont évité la catastrophe pendant les vagues successives de Covid-19.
Certes, les soignants ont tenu bon aux pires moments de la crise sanitaire. Par professionnalisme, par dévouement, et parce que se sont parfois réduites les lourdes contraintes administratives et les décisions non concertées qu’ils subissaient.
Les augmentations salariales pour l’ensemble des personnels soignants paramédicaux obtenues lors du « Ségur de la santé » sont restées modestes, en particulier pour les infirmiers et infirmières, dont la rémunération reste inférieure à la moyenne européenne. Elles ne peuvent compenser les conditions de travail vite redevenues insupportables. Partout, détresse et fatigue, sentiment d’être maltraités et volonté de ne pas être maltraitants se traduisent par des démissions ou des burn-out. Ce mal-être profond, aggravé par le Covid-19, s’enracine dans la logique de rentabilité à l’œuvre depuis des décennies.
Le résultat ? Partout, des fermetures temporaires de services s’ajoutent aux fermetures définitives décidées par les gestionnaires, qui avaient continué même pendant la pandémie ! Un service sur cinq est ainsi menacé de fermer pendant l’été : un pic de décès est à craindre, d’autant que l’été risque d’être caniculaire et qu’un rebond pandémique n’est pas exclu.
Ces fermetures menacent toutes les spécialités. Comme le Covid-19, elles occasionneront des déprogrammations, avec des répercussions sur la prise en charge des soins durables, des cancers, des maladies chroniques et du grand âge. Elles toucheront de plein fouet les services d’urgence, y compris dans des territoires sous-dotés, notamment ruraux et de périphérie, mal desservis par les transports collectifs et devenus aussi des « déserts médicaux » faute de médecins libéraux ou de centres de santé locaux. Elles contribueront à creuser encore les inégalités territoriales d’accès aux soins, qui pèsent particulièrement sur les personnes socialement les plus fragiles – dont les personnes exilées déjà traumatisées par ce qu’elles ont vécu, en particulier celles arrivant de pays en guerre – aux moyens de locomotion réduits, en accroissant les distances et donc le temps nécessaire pour accéder à des soins parfois vitaux !
Aucune leçon ne semble avoir été tirée de la crise sanitaire et des nombreuses études, dont un rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), sur la dégradation du système hospitalier. La Haute autorité de santé a pourtant lancé un cri d’alarme dès le 31 mars et le directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a récemment annoncé sa démission.
Cette hémorragie qui affecte autant les médecins que les soignants paramédicaux doit d’urgence être stoppée. Le bricolage et les expédients (appel aux retraités, aux étudiants, filtrage des urgences, multiplication des heures supplémentaires, recours à des médecins vacataires « mercenaires » surpayés) doivent cesser. Ils ont montré leurs limites, voire leurs effets pervers, puisqu’ils accroissent encore le découragement des titulaires, astreints encore plus souvent aux gardes de nuit et de week-end.
Nous, organisations de la société civile, associations, syndicats, collectifs, militants mutualistes, usagères et usagers du système de santé, lançons un appel solennel au président de la République et au gouvernement pour que soient prises immédiatement des mesures pérennes afin d’éviter une nouvelle catastrophe sanitaire qui nous toucherait toutes et tous.
Il en va de notre droit à toutes et tous de bénéficier grâce au service public d’un accès égal à des soins d’égale qualité en tout point du territoire.
Il faut au plus vite endiguer les départs, mais aussi faire revenir celles et ceux qui sont partis : ce sont les seules personnes formées immédiatement en capacité de prodiguer des soins de haut niveau. Créer les conditions de ce retour suppose de :
- démocratiser la gouvernance à tous les échelons, en associant soignants et patients aux décisions dans tous les établissements et en donnant la priorité absolue à l’amélioration des conditions de travail de tous les personnels, pour des soins de qualité respectueux de la dignité des patients;
- revaloriser plus substantiellement les salaires des soignants, toujours inférieurs aux moyennes européennes ;
- respecter les droits de l’ensemble des soignants à des conditions de vie correcte en particulier en respectant leur repos hebdomadaire, droit devant être étendu aux internes, ainsi qu’à une vraie reconnaissance de leur travail, y compris pour les médecins à diplôme hors Union européenne et espace économique européen ;
- arrêter toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits, à rouvrir où c’est nécessaire ;
- stopper la sous-traitance à des entreprises privées – « l’externalisation » – des services impliquant un contact avec les patients, qui nécessitent un personnel formé et stable (restauration, entretien des chambres, imagerie, laboratoire…).
Par-delà les mesures immédiates, sauver l’hôpital public implique une réelle et vaste concertation avec tous les acteurs, qui doit déboucher sur un grand programme national prévoyant :
- des recrutements massifs, adossés à une ambitieuse politique de formation ;
- les financements adéquats pour faire face aux besoins et l’abandon du primat donné à la rentabilité ;
- un poids accru aux instances locales et régionales de démocratie sanitaire pour l’analyse des besoins en santé ;
- le retour progressif dans le service public des prestations externalisées, en valorisant le travail d’équipe au service des patients.
Nous appelons parallèlement à développer un plan d’action ambitieux sur l’ensemble des déterminants de santé en amont du soin, en portant une attention particulière à la santé environnementale et à la prévention tout particulièrement des zoonoses. Ce plan permettrait de diminuer la pression s’exerçant sur l’hôpital. Il pourrait s’inspirer notamment des recommandations de l’Avis sur les inégalités sociales de santé adopté à l’unanimité par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) en février 2022.
Parmi les premières organisations signataires :
Act Up-Paris, AMUF (Association des médecins urgentistes de France), APF France Handicap, APH (Action Praticiens Hôpital), Attac France,
CGT (Confédération Générale du Travail), CIB (Collectif inter-blocs), CIH (Collectif inter-hôpitaux), CIU (Collectif inter urgences), , Confédération des Praticiens des Hôpitaux,
FMF (Fédération des mutuelles de France), FSU (Fédération Syndicale Unitaire),
LDH (Ligue des droits de l’Homme),
OTMeds (Observatoire pour la Transparence dans les politiques du médicament), OXFAM France, Printemps de la Psychiatrie avec Collectif des 39 et Le Fil Conducteur (association de parents et patients pour une psychiatrie humaine),
Sciences citoyennes, SMG (Syndicat de la médecine générale), SNMPMI (Syndicat national des médecins de PMI), SPH (Syndicat des psychiatres des hôpitaux), SUD Fédération Santé Sociaux,
USP (Union Syndicale de la Psychiatrie), Union syndicale Solidaires.