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Un air de révolte
Hong-Kong, Haïti, Chili, Liban, Catalogne, Algérie, des mouvements insurrectionnels ou révolutionnaires ont lieu aux quatre coins du monde. Qu’on se soulève contre une société de plus en plus inégalitaire à Port-au-Prince, contre la hausse du prix des transports à Santiago, contre la hausse des taxes à Beyrouth ou à Paris ou encore contre la répression juridique des promoteurs du processus d’indépendance en Catalogne, le parfum de révolte prend les mêmes accents. Celui de la fatigue des classes dirigeantes qui n’obtiennent plus que difficilement le consentement des populations, celui des difficultés sociales et économiques qui épuisent l’attente du présent, celui des aspirations politiques qui cessent de pouvoir être repoussées à l’avenir.
Chaque fois également, les réponses des dirigeants sont les mêmes. D’abord la surdité, ensuite l’entêtement, finalement la répression. 17 morts en Haïti, 7 au Chili, 2 en France, des milliers de blessés, encore plus d’arrestations. La France et l’Espagne jouent de la matraque pour mater les manifestant.e.s, tandis que l’armée répond au peuple haïtien et désormais au Chili, où l’état d’urgence a été déclaré, une première depuis la dictature. Le président Chilien a déclaré, entouré de militaire, dans une mise en scène aux mauvais relents de Pinochet, “nous sommes en guerre”. C’est que ces élites qui perdent pieds sont en guerre contre les peuples. Contre les pauvres, les chômeurs, les services publics, leurs aspirations à décider eux-mêmes, contre les bifurcations, les alternatives, les contestations, les nouveaux chemins. Guerre totale contre l’autre possible plus libre et démocratique que recherchent humblement les peuples de ces pays.
Toutes ces années à ne rien résoudre, à se jouer des besoins des uns et des autres pèsent aujourd’hui très lourd sur la vie de millions de personnes. La défiance à l’égard des dirigeants transforme désormais la colère en moteur des passions de millions de personnes qui prennent leur destin en main. Barcelone, quel symbole ! Voilà qu’on emprisonne des politiciens qui avaient pour une fois répondu aux demandes populaires en Catalogne ! Que dire de Beyrouth, où le Liban fait sa révolution en dansant, rappelant la magnifique phrase d’Emma Goldman « Si je ne peux pas danser, ce n’est pas ma révolution ». Et Santiago ! où résonne de nouveau le cri du peuple : « El pueblo unido jamas sera vencido » ! Rien ne semble arrêter d’ailleurs, le peuple algérien.
Il y a quelque chose de beau dans le soulèvement, quelque chose de l’ordre de l’extase, du désir. Reste que les défis soulevés ont plus que besoin d’une ambition émancipatrice à fonder pour éviter qu’une fois l’exaltation du combat passée, la réjouissance ne succombe pas. Nous avions créé le Fil du Communs sur la conviction que partout notre devoir serait de déjouer le piège qu’on nous tendait : désespoir de l’éternel recommencement ou fascisme. Au regard d’aujourd’hui, si l’air de révolte nous enivre, notre cap s’est confirmé et nous savons que le plus dur nous attend encore.
Clémentine Autain et Elsa Faucillon
SNCF : la direction en train de mytho
Vendredi 18 octobre, (…)
Le droit de retrait, en cas de condition de travail déplorable, pourrait vous sauver la vie. C’est de ça dont on usait les personnels ce matin-là, le droit de cesser son activité lorsqu’on estime ne pas pouvoir effectuer son travail dans des conditions sereines. Voyez-vous, ce mercredi 16 octobre, un TER s’est engouffré dans un camion à Saint-Pierre-sur-Vence dans les Ardennes. Sans contrôleur ou autre personnel présent, le conducteur blessé à la jambe a dû venir en aide aux passagers blessés. Pour éviter un suraccident il a marché 1,5 km afin de poser des signalisations de sécurité et s’assurer qu’un autre train ne lui emboîte le pas. Pas de légion d’honneur pour ce héros du quotidien, il n’est ni dictateur ni évadé fiscal.
Voilà pourquoi, ce vendredi, de très nombreux agents de notre service public raillé ont décidé de marquer le coup. Se battre pour la sécurité de tous et toutes, quelle mouche a donc piqué ces indéfendables sagouins ? (…) Guillaume Pépy, dont l’entrain pour venir en aide à ces salariés est assez similaire à l’envie du Christ de monter sur la croix, s’est empressé d’annoncer des “retenues sur salaires” et des sanctions, estimant que le droit de retrait n’avait pas lieu d’être en absence de danger. Plus habitué des chauffeurs privés et des avions, on comprend son état de quiétude. Edouard Philippe s’est lui aussi lancé dans la bataille dénonçant une “grève sauvage”. C’est vrai quoi, chez les cheminots on joue à la grève comme un gamin joue avec des billes, c’est un instinct sauvage. Des rumeurs rapportent même le concours organisé chaque année par les syndicats de celui qui perdrait le plus de salaire…
Comme toujours, ces bonimenteurs de la direction du pays et de la SNCF ont pu compter sur le renfort du cycle infernal de la fake news en continue et de vos inoubliables BFM TV, Cnews & cie, qui lorsqu’ils ne sont pas occupées à inviter des fascistes, aiment à relayer la communication des puissants. Oui mais voilà, Sud-Rail confirme, l’inspection du travail a validé le droit de retrait, et la direction de la SNCF avec ses annonces de “grève surprise” est en train de mytho.
Paul Elek