1°) Les doses limites r e t e n u e s dans les PPI et les plans ORSEC-iode pour ordonner à la population de se mettre à l’abri (10 millisieverts) et prendre la pastille d’iode ou évacuer (50 mSv) sont largement au dessus de la dose normale admissible qui est de 1 mSv. Ces doses de situation de crises ne sont-elle pas dangereuses ?
2°) Sur le site du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) on peut lire que la prise d’iode 6 heures après la contamination diminue son efficacité de 50 %. Or, Le plan complet de distribution de comprimés est tel qu’il prendrait au moins 12 heures. La notice du médicament recommande de prendre l’iode AVANT la contamination. Le plan ORSEC-iode ne le permet pas pour toutes les personnes vivant en dehors des zones PPI de 10 Km. Quelle est l’efficacité réelle des pastilles d’iode si elles sont prises après la contamination ?
Voici les réponses données par quelques organismes consultés
Réponse de la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) : « la dose maxi légale par an est de 1 mSv pour les personnes du public (hors médicale et hors naturelle) ; cela correspond à un risque de 5 morts par cancer (donc l’apparition d’environ 15 cancers) et 2 anomalies génétiques graves pour 100 000 personnes. En cas d’accident ces normes ne sont plus applicables, les autorités estiment que l’on peut faire prendre à la population un risque plus important vu la situation. Ainsi en dose équivalente corps entier, c’est à partir de 10 mSv que vous aurez droit à des contre mesures de protection et si le risque est seulement dû aux iodes radioactifs, 50 mSv à la thyroïde entraînera la distribution d’iode stable. C’est bien sûr le point de vue des officiels… pas forcément celui des citoyens ! » Roland Desbordes
Réponse du CEA : « Nous préférons vous orienter vers l’expert auprès des pouvoirs publics sur ces questions : l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). » L’équipe web www.cea.fr
Réponse du ministère de la santé : « Arrêté du 20 novembre 2009 (décision de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) n° 2009-DC-0153 du 18 août 2009) – une dose efficace de 10 mSv pour la mise à l’abri ; – une dose efficace de 50 mSv pour l’évacuation ; – une dose équivalente à la thyroïde de 50 mSv pour l’administration d’iode stable.
En matière d’enjeux sanitaires, dans les circonstances d’un accident nucléaire accompagné de rejets radioactifs, les doses susceptibles d’être reçues par les populations résidant dans les territoires contaminés par la radioactivité se situent à un niveau trop faible pour entraîner des effets sur la santé observables à court terme (il n’y a pas de risque létal), mais ces doses peuvent augmenter la probabilité de développer des pathologies telles que certains cancers. Il convient donc, par la mise en œuvre d’actions de protection, de réduire l’exposition des populations à des niveaux aussi bas que raisonnablement possible. Les études épidémiologiques menées pendant plus de 60 ans sur près de 90 000 survivants des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki ont montré avec certitude que le risque de cancers augmente proportionnellement à la dose reçue chez les personnes ayant reçu une dose de rayonnements ionisants supérieure à 100 mSv. En dessous de 100 mSv, aucune étude épidémiologique n’a permis d’établir à ce jour de façon indiscutable l’existence d’une relation entre la dose de rayonnements reçus et le risque de cancers ou de maladies non cancéreuses.
Le comprimé d’iode doit être pris uniquement et immédiatement à la demande des autorités locales (en France, il s’agit du préfet). L’efficacité de cette mesure est optimale lorsque la prise, à la posologie requise, est administrée 1 à 2 heures avant l’exposition au rejet contenant de l’iode radioactif. Le degré de protection diminuant progressivement après le début de la contamination, sur environ 24 heures. Au-delà de 24 heures, cette mesure de protection perd son efficacité et peut même être responsable de l’apparition de pathologies thyroïdiennes secondaires à la prise d’iode stable.
…au-delà de 40 ans, l’analyse du rapport risque/ bénéfice ne plaide pas en faveur d’une administration systématique d’iode stable en cas de contamination par des isotopes radioactifs de l’iode. »
Informations fournies par le Département des urgences sanitaires de la DGS Laurence Danand Mission Information et communication Direction générale de la Santé
Réponse de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) « …le code de la santé publique (R1333–8 à 10) fixe à 1 milliSievert la limite de dose efficace corps entier reçue par une personne sur douze mois consécutifs du fait des activités nucléaires.
…En situation d’urgence radiologique les valeurs d’intervention correspondent au calcul prévisionnel de la dose que recevrait un enfant à l’air libre sous le panache comportant des radionucléides pendant 24 heures. Ce calcul est réalisé sur la base de simulations et de pronostics aggravés par rapport à la situation réelle de l’installation accidentée. Ce ne sont donc pas des doses réelles mais des estimations raisonnablement pessimistes qui visent justement à protéger les populations contre le rayonnement ionisant… »
Nota : Sur la question du délai de la prise de pastille, l’ASN ne se prononce pas, mais transmet la question à la Préfecture de la Région Poitou-Charentes qui n’a pas encore donné sa réponse.
Réponse de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) « …il est admis de manière prudente que le risque de cancer est proportionnel à la dose reçue en sus de la dose due aux sources naturelles de rayonnements, y compris pour des doses très faibles (« loi linéaire sans seuil »). La limite de dose de 1 mSv par an pour les membres du public a été établie sur les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique… Elle ne représente pas un seuil de dangerosité… cette limite de dose de 1 mSv/an se situe à niveau très bas, inférieur à la dose moyenne annuelle que reçoit tout être humain du fait de la radioactivité naturelle, soit 2,4 mSv/ an. Les doses limites retenues dans les PPI pour ordonner à la population de se mettre à l’abri (10 mSv) ou évacuer (50 mSv) sont supérieures à la limite de 1 mSv/an ci-dessus car elles s’appliquent à une situation d’urgence radiologique où la source d’exposition n’est pas contrôlable contrairement au cas du fonctionnement normal. Ces valeurs ont été fixées en référence à un niveau d’exposition qu’il est considéré comme inapproprié de dépasser, tout en restant à un niveau de risque suffisamment faible pour les populations au regard du détriment apporté par la mesure de protection elle- même.
…Il a été montré que le meilleur moment pour prendre l’iode stable est 1 heure avant l’exposition à l’iode radioactif. Par ailleurs, il a été montré que l’efficacité de cette action de protection diminue assez rapidement dans les heures qui suivent la prise d’iode. »
Synthèse des réponses
A part la réponse de la CRIIRAD (connue pour son indépendance et sa compétence), les réponses des organismes officiels se veulent rassurantes tout en présentant de réelles différences entre elles. L’ASN précise que la dose « normale admissible » est de 1 mSv par an tandis que les doses limites d’intervention de 10 et 50 mSv sont des doses pour 24 h calculées, estimées, donc non réelles. Les débits de dose sont donc multipliés par 3650 pour la mise à l’abri et par 18 250 pour l’évacuation et la prise d’iode. Pour le ministère, une exposition inférieure à 100 mSv est inoffensive (« démontrée » par les études faites à Hiroshima et Nagasaki !), alors que pour l’IRSN il y a un risque proportionnel à la dose suivant une loi linéaire sans seuil. Le ministère insiste sur le caractère inoffensif d’un accident nucléaire, exactement comme si l’accident de Tchernobyl n’avait pas existé.
Sur l’efficacité de la prise des pastilles d’iode en fonction du délai, tout le monde est d’accord pour reconnaître que le médicament doit être pris à titre préventif, donc peu de temps avant l’exposition à la pollution radioactive. L’efficacité décroit ensuite vers zéro au bout de 24 h, sans qu’il soit possible de la calculer ou de la mesurer. Les stocks départementaux ne sont pas suffisants pour toute la population.
Ces différentes appréciations de la situation d’un accident nucléaire doivent permettre à chacun de se faire sa propre opinion quant à la conduite à tenir en de telles circonstances pour sa sauvegarde et celle de toute sa famille, en donnant la priorité aux jeunes de moins de 20 ans et aux femmes enceintes qui sont les plus vulnérables, ce que les organismes officiels omettent de rappeler.
Jacques Terracher
Paru dans « La feuille » de l’association ACEVE