Appel national pour des « états généraux des migrations »signé par de nombreuses associations dont DNSI.
18 décembre 2017
En cette journée internationale des migrants, nous pensons à ces milliers d’enfants,
de femmes et d’hommes qui ont péri en Méditerranée, dans le désert, ou en
captivité, alors qu’ils avaient entrepris un voyage pour une vie meilleure, plus sûre
et plus digne, comme tout être humain peut la désirer. Hommage à tous ces exilés
qui ont dû risquer leur vie à cause de plusieurs décennies de politiques des pays les
plus riches qui ont rendu les routes de l’exil impraticables et périlleuses.
En cette journée mondiale des migrants, nos pensées se portent également vers
tous et toutes ces citoyens et citoyennes engagé⋅e⋅s qui, en France, en Europe et
dans le monde, pensent qu’accueillir les personnes migrantes, manifester de la
solidarité envers elles, c’est construire l’humanité d’aujourd’hui et le monde de
demain.
Les obstacles mis sur les routes des migrants font le jeu des profiteurs de malheur,
qui sèment le trouble et la terreur en se livrant au trafic d’êtres humains, au racket
et à l’esclavage. Ces maux doivent être dénoncés et combattus. Or l’arsenal
répressif déployé aveuglément par les gouvernements européens frappe du même
coup les personnes migrantes, renforçant encore la nécessité pour elles de recourir
à des réseaux criminels.
La France est en première ligne de ce mauvais combat. Une proposition de loi
actuellement en discussion au parlement permettrait la rétention administrative
anticipée des personnes « dubliné.e.s »1, puis, début 2018, un projet de loi sur
l’immigration et l’asile risque d’accroître encore le dispositif de répression à
l’encontre de l’ensemble des étrangers. Sans attendre l’adoption de ces réformes, le
ministre de l’Intérieur, via une circulaire en date du 20 novembre, a exhorté les
préfets à obtenir des résultats rapides en matière d’expulsion de personnes en
situation irrégulière. Pour ajouter encore au caractère inacceptable de cette
politique, d’autres mesures sont envisagées qui remettraient en question le principe
de l’accueil inconditionnel dans les structures d’hébergement d’urgence, et
viseraient à contraindre les acteurs associatifs opérant dans ces centres à participer
au tri entre « bons » et « mauvais » migrants.
(1 On utilise cette expression pour désigner les personnes « placées en procédure Dublin », c’est-àdire que le règlement européen Dublin III autorise à renvoyer dans l’État de l’UE par lequel elles ont transité avant d’arriver en France.)
L’action extérieure de la France est à l’avenant. Le Président Macron s’indigne du
traitement des migrants détenus en Libye, et des marchés aux esclaves, qu’il feint
de découvrir quand les ONG alertent sur leur existence depuis plusieurs années.
Mais ni la France ni l’Europe n’envisagent de renoncer à financer les « autorités »
libyennes pour qu’elles continuent de bloquer les migrants, et donc à fermer les
yeux sur les violences et les trafics dont elles se rendent de fait complices.
L’argumentaire est toujours le même : la France, comme l’Europe, ne peut pas
accueillir toute la misère du monde… Sauf que « toute la misère du monde » n’a
aucunement l’intention de venir en France ou en Europe ! Les chiffres l’attestent
clairement. Entêtées dans cette logique manichéenne de tri, les autorités des pays
européens refusent d’admettre que les causes des migrations sont multiples, et
d’envisager, en conséquence, que les critères pour accueillir et accorder une
protection le soient aussi.
Dans nos actions de terrain, nous, associations et organisations citoyennes,
constatons quotidiennement les conséquences de ces orientations : maltraitance
des migrants, violation de leurs droits fondamentaux, criminalisation des bénévoles,
affaiblissement des principes guidant le travail social et la protection des personnes
les plus fragiles, et donc les fondements mêmes de la solidarité nationale.
Cette politique se développe sans concertation large avec les centaines
d’associations locales, collectifs citoyens ou organisations nationales qui travaillent
aux côtés des personnes migrantes. En dépit de nos demandes, le gouvernement se
barricade derrière ses certitudes, se limitant à quelques rencontres avec certains
acteurs pour les informer de ses décisions et confirmer son choix de pratiques
démagogiques, au demeurant dénuées de réalisme, érodant chaque jour un peu
plus nos chances de construire un futur fait de droits, de solidarité et de respect.
Dans ce contexte plus qu’inquiétant, nous avons pris l’initiative, le 21 novembre, de
lancer les « États généraux des Migrations ». D’abord marqués par des rencontres
en régions de tous les acteurs citoyens impliqués, les idées et propositions qui en
émergeront seront ensuite discutées à l’occasion d’une session nationale plénière
prévue au printemps prochain. Notre objectif est de faire ressortir des
revendications communes et des propositions concrètes pour une autre politique
migratoire, respectueuse des droits fondamentaux.
Ce 18 décembre, en soutien à tous et toutes les migrant⋅e⋅s, nous sommes
fermement décidés à promouvoir un changement radical qui mette un terme à ces
politiques migratoires aux conséquences humaines dramatiques.