Un article de Laurent Joffrin.
(une fois n’est pas coutume sur notre site. Mais là, chapeau bas)
La « botte italienne », expression géographique, va-t-elle prendre aussi une signification politique, nettement moins rassurante ? Dernières nouvelles de la péninsule.
A Lodi, ville de Lombardie célèbre pour son pont, qu’enleva Bonaparte, la maire Sara Casanova, issue de la Ligue, a décrété que les enfants d’immigrés devaient manger à part à la cantine. La municipalité a fait adopter une résolution demandant aux familles étrangères de déclarer ce qu’elles possèdent non seulement en Italie, mais aussi dans leur pays d’origine. Cette attestation étant souvent impossible à fournir, ces enfants doivent prendre leur repas à l’écart des autres, avec un sandwich ou une gamelle fournie par leur famille. Cet apartheid infantile a suscité l’indignation et une collecte a été organisée pour aider ces familles. La maire a maintenu sa position et exige toujours les certificats de ressources prévus par sa résolution.
A Bari, port des Pouilles en première ligne dans l’accueil des migrants, un enfant d’origine africaine a été peinturluré de blanc à la bombe par un groupe de jeunes pour qu’il soit désormais de la « bonne » couleur : « Tu es noir, comme cela tu seras blanc ».
A Riace, village de Calabre où le maire communiste Domenico Lucano a fait venir des migrants pour repeupler sa localité jusque-là en sévère déclin démographique, le ministre de l’Intérieur Salvini a fait assigner l’édile à résidence sous l’accusation d’aide illégale aux migrants et prévu de faire « déporter » les migrants accueillis par la population dans des camps de regroupements plus vastes. Même indignation dans le pays, même refus de modifier les décisions prises. Le ministre a seulement accepté, devant le tollé national, de retirer le mot « déporter ». Il a néanmoins maintenu la chose et Riace est en voie de normalisation xénophobe.
Ces trois exemples font suite à une série impressionnante d’agressions racistes recensées depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition Ligue-Cinq Etoiles. Elles ont provoqué d’innombrables protestations dans l’opinion italienne, mais Matteo Salvini n’en a cure : dans les sondages, les intentions de vote en faveur de la Ligue ne cessent de progresser. Dans une inquiétante réminiscence, le pays de Dante, de Verdi, de Michel-Ange et de Garibaldi, se souvient désormais qu’il fut aussi le pays de Mussolini. Nul raccourci polémique dans cette remarque : Matteo Salvini ne cesse d’envoyer des messages subliminaux destinés à faire revivre ces mânes funestes dans l’esprit des Italiens. Il pose torse nu, démarque fréquemment les aphorismes les plus célèbres du Duce, use d’une rhétorique brutale et familière, grimace à qui mieux mieux à la manière de… Il ne lui manque qu’une chemise noire et une paire de bottes.
Laurent Joffrin