Par Maxime Combes, économiste, Laurence De Cock, historienne, Cédric Durand, économiste, Razmig Keucheyan, sociologue et Stefano Palombarini, économiste
« Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? » se demandait le dramaturge Bertolt Brecht en 1953. Avant de dissoudre le peuple, du moins de se détourner ostensiblement de son verdict, Emmanuel Macron, lui, a dissous l’Assemblée nationale. Caprice, coup de tête ou calcul ? Un peu des trois sans doute, telle est la marque de fabrique des hyperprésidents qui ont remisé depuis longtemps tous scrupules et gouvernent au mieux à l’estime, au pire sous pilotage automatique du marché.
Dans ce monde où « les gens d’en bas » et la planète ne comptent pas, on peut jouer avec les institutions comme on joue aux dés. Et donc refuser une cohabitation même lorsque l’opposition remporte des élections. A vrai dire, nous n’en sommes pas tellement étonnés tant Emmanuel Macron et ses gouvernements ont multiplié les coups de force antidémocratiques comme en témoigne, par exemple, l’abus des 49.3.
Nous voilà avec un gouvernement tenu par un ténor de la droite, Michel Barnier, désigné sans aucune légitimité électorale, et du fait d’un prince qui s’est mis dans les mains de l’extrême droite. En dégoupillant sa grenade de la dissolution, Emmanuel Macron espérait éparpiller façon puzzle la gauche et les Ecologistes. Il n’en est rien. Ils ont, au contraire, joué l’une de leurs meilleures partitions depuis le début de l’été : création du Nouveau Front populaire (NFP), élaboration d’un programme commun, mobilisation de la société civile. Dans son programme, le NFP offre la garantie de changer la vie des plus fragiles. Sérieusement chiffré et reposant sur une réforme de la fiscalité ne touchant que les plus riches, le programme du NFP est l’unique voie alternative de progrès pour sortir de la macronie.
Il nous faut prendre la mesure du danger qui nous guette : la poursuite d’une politique qui met les services publics à terre, assomme les classes moyennes et populaires et renonce à la transition écologique, mais désormais sous le contrôle direct d’une extrême droite qui imposera des mesures encore plus brutales que celles que nous connaissons depuis des années en termes de chasse aux migrants, de répression des minorités, d’utilisation des sanctions pénales et des violences policières pour garantir l’ordre social.
La gauche doit travailler dans deux directions
La nouvelle situation créée par le gouvernement Barnier aggrave la crise politique en France. Désormais, la gauche doit travailler dans deux directions. D’abord, donner à voir aux électeurs du RN le soutien de facto apporté par les parlementaires de leur parti à la politique économique du nouveau gouvernement et, en particulier, à la sévère cure d’austérité qui s’annonce. Ensuite, du côté des électeurs de la droite et du centre, insister sur la fragilisation des garanties démocratiques et les atteintes aux droits humains auxquelles va conduire le durcissement de la politique migratoire et la brutalisation de l’opposition.
Pour ce faire, nous n’avons pas d’autre option : il faut renforcer le NFP. D’abord, en rappelant sa fonction qui ne doit pas se limiter à un cartel de partis, mais doit agréger toutes les composantes du mouvement social. D’un côté, l’alliance doit être consolidée au sommet pour coordonner la résistance et préparer les prochaines échéances électorales. De l’autre, la diversité doit être préservée, ce qui passe par une orchestration des rôles, des initiatives, voire des controverses politiques entre les membres du NFP. Pour grandir, le NFP doit assumer et faire vivre cette diversité.
Entre la Nupes et le NFP, il y a aujourd’hui une différence de taille. Le NFP a un visage, une incarnation : Lucie Castets. Elle a fait un sans-faute depuis sa désignation comme candidate à Matignon. Elle a combiné maîtrise des dossiers et capacité à s’adresser à tous les secteurs de la gauche et au-delà. Son engagement de longue date en faveur des services publics en fait un point d’équilibre : s’il est un sujet rassembleur, c’est bien la nécessité de (re)construire des services publics capables de satisfaire les besoins essentiels de la population et d’organiser la bifurcation écologique dans la justice sociale. Ce pour quoi nous faisons quelques propositions concrètes.
L’existence du NFP est une expérimentation politique
Nous appelons à multiplier les assemblées locales du NFP qui fassent vivre la démocratie. Nous souhaitons qu’il soit possible d’adhérer directement au NFP, par une cotisation annuelle, que l’on soit encarté ou non dans un parti. Nous suggérons la création d’une instance nationale de coordination du NFP et d’une agora composée par moitié de représentants désignés par les partis et de représentants des assemblées locales (élus ou tirés au sort). Une agora qui sera chargée, en plus de se prononcer sur l’attribution des circonscriptions ou des différents mandats lors des échéances électorales à venir, d’animer et faire progresser les débats politiques permanents et nécessaires dont un tel mouvement a besoin.
L’existence du NFP ne met pas en danger l’existence des partis qui pourront garder leur identité propre. Il est une expérimentation politique sous la forme d’un archipel articulant la société civile et le monde politique. C’est une véritable opportunité pour la gauche de travailler ce qui la rassemble et d’inverser le courant dominant qui nous mène directement dans les fers du Rassemblement national. Il n’y a qu’une perspective véritablement de gauche, et elle passe par la rupture nette avec la trajectoire néolibérale, productiviste et autoritaire.
C’est dans cette perspective que le NFP s’est constitué, à la croisée de chemins différents qui ont tous pour ambition de nous mener au même endroit : vers une société juste, garante de la démocratie et de l’Etat de droit, consciente de l’urgence de la bifurcation écologique, soucieuse des plus vulnérables et militant pour un équilibre international sous le sceau de la paix.
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