11 camarades de milieux anticapitalistes sont poursuivies par la justice suite à la manifestation du 19 mai 2016 où environ 500 personnes envahirent les voies ferrées à Poitiers. Voici leur communiqué:
« En 2016 s’est déroulée une importante mobilisation contre la loi travail dans toute la France : pendant plus de
quatre mois, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue et ont fait grève contre le projet
gouvernemental de casser le code du travail. La liberté de manifester a été mise à mal par une très forte répression
– comme l’a reconnu lui-même le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, dans un communiqué du 19 juin 2016
où il faisait état de 1 800 personnes interpellées à cette date (dont une centaine déjà jugées et condamnées en comparution
immédiate en trois mois). Et comme l’a constaté un rapport d’Amnesty International, qui a recensé 155
manifestations interdites en dix-huit mois et a rappelé que « manifester est un droit, pas une menace ».
A Poitiers, l’intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires-CNT-UNEF-SGL avait appelé le 19 mai à une manifestation
jusqu’à la gare, et décidé de mener alors une action d’occupation des voies ferrées en soutien aux cheminots en
grève au plan national. Cette action a été réalisée avec succès par 400 à 600 personnes pendant près de deux
heures, et elle s’est déroulée jusqu’à la fin dans le calme et sans aucune dégradation, selon les modalités décidées
par l’intersyndicale 86. Puis la manifestation a repris son cours jusqu’au parvis de la gare, où elle s’est dispersée.
Or onze personnes désignées comme appartenant aux milieux anticapitalistes et/ou libertaires – milieux stigmatisés
par les pouvoirs publics poitevins depuis les bris de vitrines et graffitis réalisés pendant une manifestation
anticarcérale, le 10 octobre 2009 au centre-ville de Poitiers – ont ensuite été convoquées au commissariat de
police le 28 juin, dans le cadre d’une enquête sur « des faits d’entrave à la mise en marche ou circulation d’un véhicule
de chemin de fer et autres » après une plainte de la SNCF.
Nous, les onze personnes convoquées, dénonçons le ciblage politique qui a été opéré là. La police a en effet
pointé dans la presse, quelques jours après la manifestation du 19 mai, la présence de « militants de l’ultragauche
» dans ses rangs, et déclaré craindre leur violence ainsi que celle de « groupuscules radicaux extérieurs » – sans
pouvoir bien sûr apporter la moindre preuve de ses dires, notamment concernant la violence… et pour cause : Poitiers
n’en a connu aucune lors du mouvement contre la loi travail. De plus, l’appartenance de deux d’entre nous à
l’union syndicale Solidaires 86 montre que les pouvoirs publics veulent faire un exemple en s’attaquant à des militants
syndicalistes très actifs dans les luttes actuelles et passées.
C’est pourquoi nous avons déclaré à l’officier de police judiciaire et à la presse : « Que nous nous rendions ou
non à la convocation au commissariat de Poitiers le 28 juin, nous ne répondrons à aucune des questions posées
par la police et resterons déterminés, unis et mobilisés contre cette loi ! » Un rassemblement de 150 personnes –
soulignant qu’elles aussi elles y étaient, sur les voies le 19 mai – a eu lieu le 28 juin devant le commissariat en
soutien aux onze convoqués, dont les trois d’entre nous qui se sont présentés à la convocation. Mais l’« affaire »
n’en est pas restée là : les huit autres personnes ont de nouveau été convoquées au cours des mois suivants, à tour
de rôle interpellées à leur domicile ou à leur travail puis placées en garde à vue.
Et maintenant, alors que la loi travail2 de Macron va accélérer cette politique ultralibérale, il y a ce procès qu’un huissier est venu nous signifier, à neuf d’entre nous à ce jour, pour le 17 novembre au tribunal correctionnel de Poitiers, sous les inculpations d’avoir « pénétré, circulé, ou stationné, sans autorisation, dans les parties de la gare SNCF non affectées à la circulation
publique » et d’avoir « refusé de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, notamment de prise d’empreintes
digitales et photographies nécessaires à l’alimentation et à la consultation des fichiers de police ».
Nous sommes opposé-e-s aujourd’hui à la loi travail 2 et à l’Etat d’urgence permanent comme nous nous
sommes opposé-e-s hier à la loi travail et à l’Etat d’urgence.
Nous nous insurgeons contre la « sélection » opérée par la police pour exercer une vengeance contre certains
milieux anticapitalistes et/ou libertaires poitevins en continuant de les harceler par des convocations au commissariat
et des gardes à vue, jusqu’à ce grotesque procès.
Plus largement, nous ne sommes pas dupes de la manœuvre des gouvernants, qui cherchent toujours à distinguer
partout, en France comme ailleurs, les bons et les mauvais manifestants et manifestantes, et nous luttons
contre toute pénalisation des mouvements sociaux, toute tentative d’intimidation faite à l’encontre de personnes
mobilisées contre la politique antisociale du gouvernement, et le fichage généralisé qu’il recherche.
HALTE À LA CRIMINALISATION DES MOUVEMENTS SOCIAUX ET À LA RÉPRESSION À POITIERS COMME AILLEURS !
Nous vous invitons à une première réunion pour constituer un COMITÉ DE SOUTIEN sur la base de ce texte,
lundi 4 septembre à 18 h 30,
à la Maison de la solidarité (22 rue du Pigeon-Blanc)
à Poitiers.
Pour tout contact : soutien-poursuivies-poitiers@protonmail.com