La Ligue des droits de l’homme a édité dès 2007 un document fondamental, Prendre l’universalité des droits au sérieux, rappelant l’universalité des droits des humains de cette planète. A partir de ce document, voici un texte rappelant quelques principes qui sont plus que jamais d’une actualité brûlante, tant ils sont bafoués, en France, dans l’Union européenne et ailleurs.
Alors qu’à Poitiers comme dans une multitude de villes, la solidarité concrète avec des migrants devient un marqueur politique , il est urgent d’en revenir à ces fondamentaux, de les discuter, de les faire vivre. Ici et ailleurs, nous sommes de la même humanité.
Si les politiciens et les éditocrates sont très généralement indifférents à cette problématique des droits humains, c’est dans la jeunesse, parmi les « humanitaires », dans les expressions artistiques qu’ un nouveau monde se profile.
Pascal Boissel, 23–9–2018
Le texte commence par un rappel du socle universel des droits fondamentaux reconnus notamment par la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) en 1948 : « les êtres humains », quelle que soit leur nationalité, « naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Aucune considération politique ou économique ne saurait dès lors justifier la méconnaissance de droits universels indissociables du respect de la dignité humaine. Ce texte s’inscrit aussi dans le cadre fixée par la convention de Genève.
Ces principes amènent à réaffirmer que le droit de tout être humain de s’établir dans le pays de son choix doit être posé comme un objectif qu’il faut revendiquer dès maintenant comme tel.
L’exil est dû à un non respect de ces droits fondamentaux (droit au travail, à la santé, à l’éducation, etc.); « c’est d’abord dans les pays d’origine que doivent être respectés les droits fondamentaux de ceux que l’on condamne aujourd’hui à l’exil ». Ces droits fondamentaux sont niés là bas avant d’être violés dans les pays d’accueil.
Ces exils sont aussi et d’abord la « conséquence d’un ordre mondial de la marchandisation généralisée ». Les réponses à long terme exigent de « remettre en cause le système inégal des échanges qui prévaut aujourd’hui ». La responsabilité des « anciens colonisateurs et des firmes transnationales » qui contribuent au maintien du despotisme et de la misère qui multiplient les « réfugiés économiques » est déniée par les gouvernements, elle est pourtant accablante. S’y ajoute l’inertie face aux dégradations de l’environnement qui crée des « réfugiés écologiques » de plus en plus nombreux.
Comme les politiques migratoires sont liées à la marchandisation du monde, elles ne sont plus exclusivement du ressort national : l’accès au territoire, comme les droits exercés une fois la frontière franchie, relèvent de plus en plus de la compétence de l’Union européeenne,. Qui élève des murailles au Sud et à l’Est et multiplie les camps.
La LDH demande un débat démocratique s’appuyant résolument sur les « données statistiques officielles qui contredisent l’opinion selon laquelle la France est submergée par l’immigration ».
Garantir dès aujourd’hui l’égalité des droits et la libre circulation pour tous
Cette « logique d’universalité des droits » conduit encore à affirmer que « des droits aussi fondamentaux que le droit à la santé, au logement, à l’éducation, au travail ou au respect de la vie privée et familiale ne peuvent être refusés à aucun être humain présent sur le territoire d’un État : l’égalité en dignité et en droits visée par l’article 1er de la DUDH exclut ici toute discrimination fondée soit sur la nationalité soit sur la régularité du séjour ».
La liberté de circulation doit être, elle aussi, reconnue comme un droit universel . Il y a une hypocrisie insupportable dans l’attitude des États qui affirment leur volonté de réprimer de plus en plus sévèrement les organisateurs de ces réseaux, alors que ceux-ci ne peuvent prospérer que grâce aux entraves mises par ces mêmes États à la liberté de circulation.
Affirmer le droit au séjour durable et en définir le cadre
« La LDH rappelle que la liberté de circulation des individus entre les États est un droit fondamental qui ne peut souffrir de restrictions qu’exceptionnelles, commandées par un risque avéré et gravissime d’atteinte à la sûreté publique ».
La LDH réaffirme cependant que la « liberté d’établissement », c’est-à-dire le droit à s’établir durablement dans le pays de son choix, est une liberté essentielle à laquelle il est possible, comme à toutes les libertés, d’apporter des restrictions, mais qui ne doit pas être sacrifiée aux politiques protectionnistes des États. Dans ces conditions, la LDH ne considère pas comme illégitime par principe que les États réglementent le droit au séjour durable, Mais il incombe alors aux États de faire la preuve des difficultés qu’ils invoqueraient pour expliquer la régulation de l’accès au droit au séjour durable.
En d’autres termes, les limites au droit d’installation posées par les États et, désormais, par l’Union européenne, doivent être d’une part débattues démocratiquement et expressément motivées, d’autre part elles-mêmes limitées par des mécanismes assurant la protection des droits universels (santé, éducation, vie familiale normale) contre l’arbitraire (l’égalité réelle d’accès au droit au recours et le caractère suspensif des recours étant ici d’une importance décisive).
Et aussi : « la LDH refuse aux États un droit absolu à imposer discrétionnairement aux migrants leur volonté souveraine ».
Refonder les politiques migratoires sur le respect des droits fondamentaux
L’état des droits des étrangers a toujours été le révélateur d’un certain état de la démocratie : ils concernent le sort de centaines de milliers de personnes, en Europe, et au total l’universalité du genre humain.
La LDH réaffirme le caractère inaliénable et « indérogeable » du droit d’asile : d’avoir une vie décente durant la procédure de détermination de leur qualité de réfugié. A ce titre, les demandeurs d’asile doivent retrouver le droit au travail dont ils ont été privés et se voir garantir un droit à une allocation minimale. Et la LDH demande à l’Union européenne de s’engager dans la même voie, dans le cadre de l’harmonisation des politiques d’asile qui doivent avoir pour but de respecter pleinement la convention de Genève et de restituer aux hommes et aux femmes qui demandent l’asile la dignité dont ils ont été privés dans leur pays.
Elle refuse que les migrants soient triés en fonction de leur utilité pour les pays d’accueil, comme le préconise le livre vert de la Commission européenne sur l’immigration économique (janvier 2005) et comme l’officialise, en France, le slogan de l’« immigration choisie ».
Elle demande l’application sans faille de la législation réprimant l’exploitation des travailleurs clandestins à l’encontre des employeurs et non des salariés dont ils abusent.
Parmi les autres exigences :
– l’accès égal au travail pour tous les citoyens de l’Union européenne, sans discrimination frappant les ressortissants des nouveaux Etats membres,
– la reconnaissance du droit des étrangers non communautaires à être électeur et éligible aux élections locales,
– la reconnaissance de droits sociaux égaux à ceux des nationaux pour les étrangers de toutes origines,
« En rappelant ces principes et en formulant ces revendications, la LDH poursuit l’œuvre qu’elle a entreprise depuis sa fondation : aider ceux qui sont victimes de l’injustice et de l’arbitraire, mais aussi restituer à l’humanité tout entière l’universalité et l’indivisibilité de ses droits. »