Sainte-Soline : du « maintien de l’ordre » à la provocation du chaos |
Par Mathieu Dejean |
4 000 grenades lancées en moins de deux heures, 500 personnes blessées – dont de nombreuses gravement – parmi celles qui manifestaient, des secours entravés par les forces de l’ordre, le pronostic vital d’un jeune homme engagé… C’est un déferlement de violence qui s’est abattu contre les 30 000 individus venus protester à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) contre le chantier de construction d’une gigantesque réserve d’eau privée. Il en dit long sur la dérive du gouvernement, dont la politique a définitivement glissé du « maintien de l’ordre » à la provocation du chaos. Comment qualifier autrement « l’usage immodéré et indiscriminé de la force » (dixit la Ligue des droits de l’homme) déployé par les 3 200 policiers et gendarmes mobilisés sur place, avec le renfort d’hélicoptères, de camions militaires, d’un engin lanceur d’eau, de moto-cross et de quads ? Au regard de l’objectif de sécurisation de ce qui n’est pour l’heure qu’un talus bordant un grand trou, cet arsenal ridiculise l’État autant qu’il l’accuse. « Que craignaient-ils ? Qu’on rebouche ce trou avec nos petites mains ? », s’est interrogée la députée de La France insoumise (LFI) Marianne Maximi, qui y était. Comme une double lame répressive, les éléments de langage des porte-parole du gouvernement ont achevé son œuvre funeste, par une contre-attaque politique passant sous silence le véritable enjeu de la manifestation : l’inéluctable guerre de l’eau. Marc Fesneau a ainsi évoqué « des activistes violents » qui font « de la guérilla urbaine » ; Gérald Darmanin a fustigé les « black blocs, l’extrême gauche et l’ultragauche » ; Christophe Béchu a même jugé que certains manifestants « participent d’une forme de barbarie ». Au passage, la Macronie a stigmatisé les parlementaires « d’extrême gauche » (sic) présents sur le terrain, et qui ont tenté de protéger les blessés. En octobre dernier, le ministre de l’intérieur avait bien préparé le terrain en fustigeant les « écoterroristes ». La répression contre les alertes écologistes est ancienne, mais elle participe aussi d’un contexte de durcissement de l’exécutif dans l’application d’un agenda néolibéral rejeté par la société. Comment, en effet, ne pas faire le lien entre la violence d’État à Sainte-Soline et celle qui déferle contre les manifestations contre la réforme des retraites ? Le succès de la pétition pour la dissolution de la BRAV-M, ainsi que la participation massive et joyeuse aux manifestations (qui ne se dément pas), montrent que l’angoisse a changé de camp. |