Procès Sarkozy : la classe politique à la barre
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Par Ilyes Ramdani , Mediapart
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Un président de la République face à la justice, accusé d’avoir fait financer son accession au pouvoir par une dictature étrangère : l’affaire est unique dans l’histoire de la Ve République. Depuis lundi matin et jusqu’au 10 avril, Nicolas Sarkozy doit se défendre des accusations de corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics qui lui font encourir dix ans de prison.
Dans la classe politique, le procès de l’affaire libyenne ne suscite pourtant que peu de commentaires. Le ministre de la justice, s’il s’en tient aujourd’hui à un silence embarrassé, a dit plusieurs fois ces dernières années son « soutien amical » à l’ancien chef de l’État, déjà cerné par les affaires. Gérald Darmanin a également jugé « profondément choquante » l’éventuelle peine d’inéligibilité qui pend au nez de Marine Le Pen. Le salut, en la matière, ne viendra pas de Matignon. Sitôt nommé, François Bayrou a pris à son tour les accents corporatistes qu’il pourfendait jadis. Sept ans après avoir défendu des lois de moralisation de la vie publique, le nouveau premier ministre a publiquement exprimé la « peine » que lui avait fait la condamnation de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bismuth, « pour lui et pour les siens ». Tels les plus grands contorsionnistes, les personnalités politiques passent leurs journées à pourfendre la « délinquance » et à prôner la « tolérance zéro », tout en exhibant leur empathie à l’égard d’un homme déjà doublement condamné et cité dans une demi-douzaine d’autres dossiers. Ainsi vit le privilège de la délinquance en col blanc. Face à ce paysage désolé, la gauche serait au rendez-vous de son propre honneur en remettant la probité en haut de sa pile programmatique. La lutte contre la corruption, pour l’éthique et la transparence a été reléguée au second plan, voire effacée des discours politiques. Comme si une forme de tétanie traversait les partis, inquiets de voir le boomerang d’un discours anti-corruption leur revenir un jour à la figure. La nomination de Didier Migaud au ministère de la justice a pu faire naître quelques espoirs chez les plus optimistes. Il y a quelques semaines, l’ancien président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) assurait en privé préparer un plan anti-corruption pour le début de l’année 2025. Il a été débarqué le 23 décembre 2024. |