ONU: « Soudan : la plus grande crise huma­ni­taire au monde »

Soudan : la plus grande crise huma­ni­taire au monde

À quelques jours d’un funeste anni­ver­saire pour le Soudan, celui marquant deux années de guerre civile, un haut respon­sable de l’ONU a tiré, jeudi, la sonnette d’alarme face à une crise huma­ni­taire aux propor­tions sans précé­dent dans l’his­toire récente.

«  C’est le seul endroit au monde où la famine est actuel­le­ment confir­mée », a rappelé Shaun Hughes, le coor­di­na­teur régio­nal du Programme alimen­taire mondiale (PAM), lors d’une confé­rence de presse à New York, à laquelle il parti­ci­pait par liai­son vidéo, depuis le Soudan du Sud.

« Offi­ciel­le­ment, ce n’est que la troi­sième famine réper­to­riée depuis le début du siècle », a-t-il ajouté, comme si l’am­pleur de la crise souda­naise était encore à démon­trer.

Depuis la 15 avril 2023, le pays est en effet le théâtre d’un conflit dévas­ta­teur entre l’ar­mée du géné­ral Abdel Fattah al-Burhane, qui s’est emparé du pouvoir en 2021, lors d’un putsch, et les para­mi­li­taires des Forces de soutien rapide (FSR), affi­liées à son ancien adjoint, Moha­med Hamdan Daglo.

Le bilan humain du conflit est effa­rant : près de 13 millions de personnes dépla­cées, dont un tiers dans les pays voisins, et 30 millions de personnes dans le besoin, soit plus de la moitié de la popu­la­tion totale du Soudan. « Au regard de tous les indi­ca­teurs, il s’agit de la plus grande crise huma­ni­taire au monde », a affirmé le direc­teur régio­nal du PAM. 

Les femmes et les enfants en première ligne
L’im­mense majo­rité des personnes dépla­cées sont des femmes et des enfants, avec qui M. Hughes a eu l’oc­ca­sion de s’en­tre­te­nir à de très nombreuses reprises, au cours des deux dernières années. « Les récits de femmes arri­vant avec leurs enfants, après avoir été piégées dans les combats et entre­pris des trajets longs et périlleux, sont tout simple­ment terri­fiants », a-t-il dit.

Depuis l’ap­pa­ri­tion de la famine, en août 2024, dans le camp pour personnes dépla­cées de Zamzam, dans l’État du Darfour du Nord, à l’ouest du Soudan, celle-ci s’est éten­due à dix zones au Darfour, mais égale­ment au Kordo­fan, dans le sud du pays. Dix-sept autres zones sont aujourd’­hui clas­sées à risque. « À l’échelle du pays, près de 25 millions de personnes, soit la moitié de la popu­la­tion, sont confron­tées à une faim extrême. Près de 5 millions d’en­fants et de mères allai­tantes souffrent de malnu­tri­tion aiguë », a précisé le repré­sen­tant du PAM.

Course contre la montre
Pour M. Hughes, cette tragé­die est loin d’être une fata­lité. « C’est une crise provoquée par l’homme. Provoquée par le conflit, mais aussi par l’obs­truc­tion déli­bé­rée à l’ache­mi­ne­ment de l’aide huma­ni­taire par les parties au conflit ».

Malgré ces obstacles, il a souli­gné que l’aide fonc­tionne – à condi­tion qu’elle soit auto­ri­sée à parve­nir à ceux qui en ont besoin. « Lorsqu’on a accès aux popu­la­tions, on peut renver­ser la situa­tion et stop­per la famine », a-t-il insisté. Dans huit loca­li­tés du Darfour, l’ac­tion du PAM a notam­ment permis de venir en aide à près d’un million de personnes depuis juin 2024. « Ces zones, aupa­ra­vant au bord de la famine, ne sont désor­mais plus consi­dé­rées comme à risque », a salué l’hu­ma­ni­taire.

Mais ces progrès demeurent fragiles et ne repré­sentent qu’une frac­tion des besoins. À l’ap­proche de la saison des pluies, au mois de juin, les travailleurs huma­ni­taires sont enga­gés dans une course contre la montre pour ache­mi­ner l’aide au plus près des popu­la­tions, avant que les préci­pi­ta­tions ne rendent de nombreuses routes impra­ti­cables.

Accès huma­ni­taire

M. Hughes a insisté sur l’im­por­tance de dispo­ser d’un accès huma­ni­taire sans entraves. « Nous ne deman­dons pas l’im­pos­sible », a-t-il déclaré. « Il faut pouvoir ache­mi­ner rapi­de­ment l’aide là où elle est néces­saire, y compris à travers les lignes de front, les fron­tières et les zones contes­tées, sans proces­sus bureau­cra­tiques inter­mi­nables ».

Le PAM réclame aussi de pouvoir réta­blir sa présence sur le terrain, rouvrir ses bureaux, déployer son person­nel dans toutes les régions du pays et obte­nir sans délai les visas et auto­ri­sa­tions doua­nières néces­saires. Mais cela dépasse les capa­ci­tés des seules agences huma­ni­taires. « Il faut que le monde prête atten­tion à la crise et s’en­gage de façon cohé­rente et déter­mi­née, en parti­cu­lier les pays qui ont de l’in­fluence sur les parties en guerre ».

Demande de finan­ce­ment
Pour pouvoir venir en aide à 7 millions de personnes dans les six prochains mois, le PAM doit combler un défi­cit de finan­ce­ment de 80%, soit 650 millions de dollars. À cette ardoise, s’ajoutent les 150 millions de dollars néces­saires pour porter assis­tance aux personnes ayant fui vers le Tchad, le Soudan du Sud et la Centra­frique.

« Sans finan­ce­ment, nous devons réduire soit le nombre de béné­fi­ciaires, soit le volume d’aide par personne. Et c’est déjà ce qui se passe », a confié M. Hughes. « Ce mois-ci, nous avons réduit les rations dans les zones de famine à 70% des besoins, et à 50% dans les zones à risque ».

Les fonds deman­dés ne concernent pas unique­ment l’aide alimen­taire, mais aussi les services logis­tiques four­nis par le PAM pour l’en­semble de la réponse huma­ni­taire, notam­ment les vols huma­ni­taires et les chaînes d’ap­pro­vi­sion­ne­ment parta­gées.

Et au-delà de l’aide, une seule chose pourra véri­ta­ble­ment permettre au peuple souda­nais de retrou­ver espoir : la paix.

« Ce dont le peuple souda­nais a besoin, avant tout, c’est d’un cessez-le-feu et de la fin des hosti­li­tés — pour pouvoir enfin commen­cer à recons­truire sa vie », a déclaré le respon­sable du PAM.

https://news.un.org/fr/story/2025/04/1154666

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