Ouest France, 19 juillet. « On est des cobayes » ? Un infec­tio­logue répond à quelques idées reçues sur le vaccin anti-Covid

Ouest France, Recueilli par Carine JANIN. Publié le 19/07/2021 à 19h43

« On est des cobayes. » « Le vaccin va modi­fier notre génome. » « Il rend malade »… Parce qu’il a été mis au point en un temps record, le vaccin contre le Covid-19 suscite encore des inter­ro­ga­tions, parfois des angoisses. Certains Français hésitent encore à se faire vacci­ner. Infec­tio­logue au CHU de Rennes, Matthieu Revest fait le point sur des idées couram­ment avan­cées.

43,6 % des Français sont, aujourd’­hui, complè­te­ment vacci­nés. Si l’adhé­sion à la vacci­na­tion a beau­coup évolué ces derniers mois, certains hésitent encore, d’autres y restent ferme­ment oppo­sés. Une partie d’entre eux étaient dans les cortèges de mani­fes­tants samedi 17 juillet.

« On est des cobayes. » « Le vaccin va modi­fier notre génome. » « Il peut géné­rer des effets secon­daires sévères »… Des craintes s’ex­priment sur un vaccin qui a été mis au point en un temps record.

Infec­tio­logue au service des mala­dies infec­tieuses du CHU de Rennes, Matthieu Revest revient sur des idées couram­ment avan­cées, ou des ques­tions régu­liè­re­ment soule­vées. Entre­tien.

Un an pour mettre au point le vaccin contre le Covid-19. N’est-on pas allé trop vite ?

Habi­tuel­le­ment, il faut entre dix et quinze ans. La mise au point de ce vaccin a donc été très rapide, c’est une réalité. Pourquoi est-ce allé si vite ? Les deux premières phases consti­tuent la recherche de la cible. Elles prennent norma­le­ment quatre à cinq ans. On les a zappées. On a, en effet, fait le pari (et rétros­pec­ti­ve­ment, on a eu raison) que le Sars-Cov-2 (Covid-19) avait la même protéine (Spike) que deux autres virus, déjà connus et étudiés, le Mers-CoV et le Sars-CoV. C’est cette protéine, que l’on connaît, que visent tous les vaccins contre le Covid-19.

Ensuite ?

Il y a habi­tuel­le­ment quatre phases de déve­lop­pe­ment. Phase 1 : on étudie l’ef­fi­ca­cité de la molé­cule sur un faible nombre de volon­taires. Phase 2 : on recherche la meilleure dose, celle qui aura le meilleur rapport béné­fice-risque, avec un peu plus de volon­taires sains. Phase 3 : on teste l’ef­fi­ca­cité du vaccin sur un grand nombre de patients (40 000 malades et un suivi d’au moins six mois pour 20 % d’entre eux). Ces trois phases sont habi­tuel­le­ment faites succes­si­ve­ment.

Là, parce qu’il y avait urgence, parce que de l’argent public a été mis sur la table en quan­tité, et parce qu’il y avait un très grand nombre de patients concer­nés dispo­nibles (parce que c’est une épidé­mie mondiale), on a commencé les trois phases en même temps. Les indus­triels n’ont pas eu peur de s’en­ga­ger dans la phase 3 sans connaître les résul­tats de la phase 1 puisqu’ils ne prenaient pas de risques finan­ciers. On s’était préa­la­ble­ment assuré qu’il n’y avait pas de danger pour les patients. Au final, 200 vaccins ont ainsi commencé leur déve­lop­pe­ment, mais 90 % l’ont arrêté parce qu’ils ne s’avé­raient pas effi­caces. Les vaccins rete­nus ont subi toutes les étapes clas­siques de mise au point et répondent donc à toutes les normes inter­na­tio­nales de sécu­rité.

Et la phase 4 ?

Elle est toujours en cours et c’est normal car il s’agit de la phar­ma­co­vi­gi­lance : on suit les vaccins pour être sûr de ne pas voir appa­raître d’ef­fets secon­daires qui n’ont pas pu être visibles lors des étapes d’en­re­gis­tre­ment. Par exemple, des effets qui appa­raî­traient tous les un million de vaccins. Cette phase a lieu pour tous les médi­ca­ments. Elle n’est pas spéci­fique à ces vaccins.

Les vaccins à ARN messa­ger peuvent-ils chan­ger notre génome ?

Non, impos­sible. Avec ce vaccin, on mime une mala­die en injec­tant des molé­cules d’ARN dans l’or­ga­nisme. Celui-ci croit que c’est un virus (en fait, c’est un leurre) et déclenche une réponse immu­ni­taire. Mais cet ARN ne peut s’in­té­grer dans notre génome car il faudrait des enzymes parti­cu­lières que le virus n’a pas et que nous n’avons pas non plus. Par ailleurs, cet ARN, très fragile, reste très peu de temps dans l’or­ga­nisme. Mais la réponse immu­ni­taire, elle, perdure.

Les effets secon­daires du vaccin sont-ils fréquents ?

Il y a des effets secon­daires. Fièvre, maux de tête, fatigue, cour­ba­tures, 24 à 48 heures. Mais seule­ment 9 % de ces symp­tômes occa­sionnent un arrêt des acti­vi­tés quoti­diennes. Et plus de 50 % des indi­vi­dus n’ont aucun de ces symp­tômes. Des effets secon­daires graves ? Oui, mais exces­si­ve­ment rares : des throm­boses veineuses parti­cu­lières après le vaccin AstraZe­neca et John­son, dont la fréquence a été augmen­tée chez les indi­vi­dus de moins de 55 ans, mais pas après. Pour les vaccins à ARN ? Un doute persiste sur les myocar­dites, mais sans lien de causa­lité actuel­le­ment établi et une proba­bi­lité de surve­nue qui serait de toute façon exces­si­ve­ment faible : moins d’un cas sur un million de doses. Le rapport béné­fice-risque reste large­ment en faveur du vaccin.

La ques­tion vous agace ?

Disons qu’il me semble néces­saire, avant de parler des effets secon­daires, de remettre les choses en pers­pec­tive : le Covid-19 a tué plus de 3 millions de personnes dans le monde, plus de 110 000 en France. Après un Covid, il existe très souvent (un cas sur dix) des symp­tômes persis­tants ( Covid long) qui impactent très long­temps la qualité de vie des malades. Après le Covid, on multi­plie, par exemple, de 4 à 8 les risques d’in­far­c­tus ou d’AVC dans les six mois qui suivent, même chez des patients qui n’avaient aucun problème de santé aupa­ra­vant. On sait aussi que le Covid a entraîné des restric­tions sani­taires très impor­tantes, qui ont eu des consé­quences drama­tiques notam­ment pour les enfants, les étudiants. C’est une mala­die gravis­sime et très fréquente.

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