Prin­temps de la psychia­trie

Cet appel est sortie à la la veille de la Mani­fes­ta­tion natio­nale de la psychia­trie du 22 janvier à Paris à laquelle une délé­ga­tion de Poitiers a parti­cipé.

PB, 23–1–2019

Mani­feste pour un renou­veau des soins psychiques

La psychia­trie et la pédo­psy­chia­trie n’en peuvent plus. Depuis déjà plusieurs décen­nies, ceux qui les font vivre ne cessent de dénon­cer leur désa­gré­ga­tion et de lutter contre le déclin drama­tique des façons d’ac­cueillir et de soigner les personnes qui vivent au cours de leur exis­tence une préca­rité psychique doulou­reuse. En vain le plus souvent. Ce qui est en crise, c’est notre hospi­ta­lité,l’at­ten­tion primor­diale accor­dée à chacun et à un soin psychique cousu-main, à rebours du trai­te­ment prêt-à-porter stan­dar­disé qui se veut toujours plus actuel. Les mouve­ments des hôpi­taux du Rouvray, Le Havre, Amiens, Niort, Mois­selles, Paris, etc… ont su bous­cu­ler l’in­dif­fé­rence média­tique et rendre visible au plus grand nombre le chaos qui guette la psychia­trie. Pour percer le mur du silence, il n’aura fallu rien de moins qu’une grève de la faim …Devant cette régres­sion orga­ni­sée, nous nous enga­geons tous ensemble à soigner les insti­tu­tions psychia­triques et à lutter contre ce qui perturbe leur fonc­tion­ne­ment. Patients, soignants, parents, personnes concer­nées de près ou de loin par la psychia­trie et la pédo­psy­chia­trie, tous citoyens, nous sommes révol­tés par cette régres­sion de la psychia­trie qui doit cesser.

Il s’agit pour nous de refon­der et construire une disci­pline qui asso­cie soin et respect des liber­tés indi­vi­duelles et collec­tives. Contrai­re­ment à la tendance actuelle qui voudrait que la mala­die mentale soit une mala­die comme les autres, nous affir­mons que la psychia­trie est une disci­pline qui n’est médi­cale qu’en partie. Elle peut et doit utili­ser les ressources non seule­ment des sciences cogni­tives, mais égale­ment des sciences humaines, de la philo­so­phie et de la psycha­na­lyse, pour contri­buer à un renou­veau des soins axés sur la recon­nais­sance de la primauté du soin rela­tion­nel. Notre critique de ce qu’est deve­nue la psychia­trie ne peut faire l’im­passe sur la respon­sa­bi­lité de ses gestion­naires.

Les avan­cées de la recherche scien­ti­fique ne peuvent dura­ble­ment être confisquées par des experts auto-procla­més dont les liens avec l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique sont suspects. Les savoirs scien­ti­fiques ne doivent pas servir d’alibi à des choix poli­tiques qui réduisent les sujets à un flux à régu­ler pour une meilleure renta­bi­lité écono­mique. Nous sommes face à une véri­table néga­tion du sujet et de sa singu­la­rité, au profit de méthodes éduca­tives, sécu­ri­taires ou exclu­si­ve­ment symp­to­ma­tiques. Les inter­dits de pensée sont deve­nus la règle d’une disci­pline où l’on débat de moins en moins. La psyché humaine est telle­ment complexe qu’elle n’obéit à aucune causa­lité, simple et univoque, et se moque des réduc­tions idéo­lo­giques. Toute approche privi­lé­giant une réponse unidi­men­sion­nelle est néces­sai­re­ment à côté. Nous récu­sons, dès lors, toute poli­tique d’ho­mo­gé­néi­sa­tion des pratiques. Une poli­tique qui détruit la cohé­rence des équipes et instru­men­ta­lise la parole des patients fige la capa­cité d’in­ven­ter à force d’injonc­tions para­doxales, dans la nasse de discours sans épais­seur et morti­fères.

Aussi, si le budget de la psychia­trie, sans cesse rogné depuis des années, doit être large­ment reva­lo­risé, comme l’exigent toutes les mobi­li­sa­tions actuelles, c’est l’ap­pau­vris­se­ment des rela­tions au sein des lieux de soins qui est notre souci premier. La stan­dar­di­sa­tion des pratiques proto­co­li­sées déshu­ma­nise les sujets, patients et soignants. Le recours massif aux CDD courts, le taris­se­ment orga­nisé de la forma­tion conti­nue, l’ina­dé­qua­tion des forma­tions initiales qui privi­lé­gient cours magis­traux et vision­nages de DVD sans inter­ac­tions entre les étudiants et leur forma­teur, contri­buent à la désa­gré­ga­tion des équipes au sein desquelles le turn-over est de plus en plus impor­tant. La conti­nuité des soins et la cohé­sion des équipes en sont dura­ble­ment compro­mises. Nous devons oppo­ser à cet état de fait la spéci­fi­cité de la mala­die psychique, qui sous-tend la néces­sité d’une approche singu­lière et d’un travail spéci­fique d’équipes pluri­dis­ci­pli­naires en insti­tu­tion psychia­trique ainsi que dans le médico-social, et la co-construc­tion d’al­liances théra­peu­tiques fécondes avec les personnes accueillies. C’est tout le monde de la psy et des psys, en insti­tu­tion ou pas, qui est concerné.

Nous voulons en finir avec l’aug­men­ta­tion conti­nuelle du recours à l’iso­le­ment et à la conten­tion, la contrainte doit cesser d’être la norme. Le droit des patients, hospi­ta­li­sés ou non, est régu­liè­re­ment ignoré, parfois volon­tai­re­ment bafoué. Cette violence insti­tu­tion­nelle, régu­liè­re­ment condam­née par la Cour euro­péenne des Droits de l’Homme, touche en premier lieu les soignés, mais affecte aussi les soignants.

La psychia­trie et le secteur médico-social doivent pouvoir s’ap­puyer sur des équipes stables avec des person­nels non inter­chan­geables quel que soit leur statut. Ils doivent pouvoir béné­fi­cier d’un assise solide qui auto­rise la parole et propose de véri­tables évolu­tions de carrière. Au-delà du soin, nous voulons travailler à des accom­pa­gne­ments alter­na­tifs, nouer des liens équi­li­brés avec les diffé­rentes asso­cia­tions qui œuvrent dans la cité. Nous voulons multi­plier les lieux qui cultivent le sens de l’hos­pi­ta­lité avec un accueil digne et atten­tif aux singu­la­ri­tés de chacun. Nous nous enga­geons à parti­ci­per, orga­ni­ser, soute­nir tout débat, toute action ou mouve­ment cohé­rent avec ce mani­feste,avec tous les profes­sion­nels, leurs syndi­cats, les collec­tifs, les asso­cia­tions de familles et d’usa­gers, et l’en­semble des citoyens qui souhai­te­raient soute­nir et déve­lop­per une psychia­trie éman­ci­pa­trice du sujet.

Nous appe­lons à parti­ci­per à la mani­fes­ta­tion natio­nale du 22 janvier à Paris.

Debout pour le Prin­temps de la psychia­trie!

Liste des groupes et syndi­cats soute­nant l’ini­tia­tive:

Actua­lité de la psycha­na­lyse à Troyes; Appel des appels(ADA); Asso­cia­tion des psychiatres de secteur infanto-juvé­nile(API); Asso­cia­tion médi­ter­ra­néenne de psycho­thé­ra­pie insti­tu­tion­nelle (AMPI); CEMEA; CGT du CH de Lavaur (81); la CIPPA; Collec­tif des 39; Collec­tif natio­nal des psycho­logues hospi­ta­liers; La Criée; Ensemble!;la FIAC; Le Fil conduc­teur Psy; La Fran­ceIn­sou­mise;Humapsy; Inter-collèges des psycho­logues hospi­ta­liers; le NPA; le PCF; Pinel en lutte; Le Point de Capi­ton; Les Psy causent; Psychia­trie Pari­sienne Unifiée; Pratiques; Psy soins Accueil; La Rattroupe, collec­tif soignant; Réseau Euro­péen des Santé Mentale Démo­cra­tique; SERPSY; Syndi­cat des Psychiatres des Hôpi­taux (SPH); Fédé­ra­tion Sud Santé Sociaux; Union Syndi­cale de laPsy­chia­trie (USP

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