C’est un succès historique pour le front national : 25,18% des voix, soit 4 fois plus qu’en 2009 (6,74%) et ce, alors que l’abstention globale a diminué un peu (57,5% contre 59,5% en 2009).
Ce qui ne fait que confirmer un enracinement croissant dans le société (c.f. les 17,9% de Marine Le pen à la présidentielle de 2012 et la percée aux municipales de 2014).
Peut-on relativiser ce score, en faisant référence au taux d’abstention ? Ce que fait notre camarade Guy Aubarbier dans un texte publié sur le site d’Ensemble de Poitiers. Il est est vrai que Le Pen père avait obtenu 4,8 millions de voix au premier tour des présidentielles 2002, que sa fille en a obtenu 6,4 millions aux présidentielles de 2012 et les listes européennes du FN en 2014 seulement 4,14 millions. Mais ce qui compte, c’est le pourcentage relatif (et avec lui le nombre de députés), même si le taux d’abstention est à prendre en compte comme symptome de la crise démocratique et même de la crise de régime qui se met en place 1.
Ce qui compte le plus c’est ce que les politologues appellent « l’abstention différentielle » (qui frappe-t-elle d’abord ?). Or le sondage IPSOS2 montre que l’électorat de droite et du FN s’est plus mobilisé que celui de F. Hollande aux présidentielles de 2012 : 58% des électeurs de Hollande se sont abstenus, 50% de ceux de marine Le Pen et 48% de ceux de N. Sarkozy.
On le voit, les écarts ne sont pas énormes ( surtout entre la droite et Le Pen) et n’expliquent pas le Pire, un sondage IFOP du 5 mai ne permet pas de dire que les abstentionnistes auraient pu voter différemment : la question posée aux abstentionnistes était « quel vote émettriez vous, si le vote était obligatoire ? »
Résultat (très proche du résultat final) : 24% pour le FN, 22% pour L’UMP, 14% pour le PS, 7,5% pour le FdG. Rajoutons que la participation « différentielle » de l’électorrat FdG est selon les sondages la meilleure (à égalité avec celle de l’UDI-Modem) : 57% soit une abstention de 43%, à comparer avec le taux d’abstention finale de 57,5%.
Enfin, ce qui est pour nous le plus décisif et le plus catastrophique, c’est l’enracinement marqué du vote FN parmi les jeunes et les couches populaires.
Toujours selon IPSOS :
30% des 18–354 ans et 27% des 25–39 ans
43% des ouvriers
38% des employés
37% des chômeurs
Bien sûr, il s’agit de ceux qui se sont rendus aux urnes : l’abstention marque très fortement les catégories populaires (par exemple 69% des chômeurs). Mais le FN réussit à les mobiliser plus. A titre d’exemple ou de comparaison, le PS ne mobilise plus que 8% des ouvriers et 11% des bas revenus… Le vote vote FN apparaît donc de plus en plus comme « un vote de classe dévoyé », pour reprendre l’expression de Denis Sieffert dans l’edito de Politis.
La droite parlementaire est en difficulté.
Elle ne bénéficie en rien du discrédit de Hollande et de la « gauche » austéritaire au gouvernement.
UMP (20,7%) + UDI-Modem (9,92%) = 30,6%, au lieu de 27,84% +8,44% en 2009 =36,28%. Donc un recul de 5,66%.
Le parti socialiste est laminé, après la débâcle des municipales.
13,9% des voix (au lieu de 16,4% en 2009, qui constituaient déjà un résultat médiocre). En 2009, une partie significative de l’électorat PS s’était reportée sur les listes EELV menées par Cohn Bendit (16,28%). Or EELV chute sévèrement : de 16,28% à 8,95%. Résultat : le total PS + EELV passe de 32,69% à 22,84% ! Donc recul de 9,85%.
Le Front de Gauche stagne : 6,44% (contre 6,18% en 2009). Il perd même un élu (J. Henin) dans la circonscription du Nord-Ouest où il passe de 6,84% en 2009 à 6,38%.
Mais, à notre avis, ce « sur place » est plus qu’une pilule amère, car il faut « élargir le regard », comme le souligne à juste titre Roger Martelli. En 2009, il fallait ajouter aux 6,18% du FdG les 6,1% de la dite « extrême gauche »(dont 4,98% pour le NPA). Le total de cette « gauche de gauche » (Fdg + LO + NPA) faisait un peu plus de 12%. En 2014, la dite « extrême gauche » s’effondre à 1,6% (dont à peine 0,5% pour le NPA). On passe donc de 12% (total de la gauche de gauche) à 8% !
Conclusion simple : le FdG n’a pas capté l’électorat de gauche déçu par la politique du gouvernement et il n’a pas capté non plus celui de la dite « extrême gauche ». Sans doute, peut-on corriger la baisse de la « gauche de gauche » en comptant la petite percée de Nouvelle Donne : au lieu de passer de 12 à 8%, on limiterait la chute à 11%…
Naturellement, cette analyse présuppose une thèse qui peut être discutée : il est légitime d’additionner sous le vocable de « gauche de gauche » (ou un autre) les voix LO-NPA-FdG. Sauf à figer un électorat d’extrême gauche stable, rétif par nature à toutes les autres composantes de la gauche alternative et à le parer d’une vertu « révolutionnaire » qu’il n’a sans doute jamais eu. Le phénomène Besancenot c’était l’aspiration à une gauche « 100% à gauche », voulant en finir avec les errements de la gauche plurielle et certainement pas un électorat révolutionnaire « pur jus », comme certains sectaires l’ont fantasmé au NPA. En plus, comment le chiffrer : les 10% des 3 candidats trotskystes de la présidentielle 2002, quand R. Hue faisait 3% ? Les 6% des européennes 2009 ? et si tel était le cas, pourquoi se serait-il évaporé, lors de l’effondrement NPA + LO à ces élections européennes ? Il y aurait là, à mon sens, un cas particulièrement énigmatique « d’abstention différentielle » (plus de 80% des voix sombrent dans l’abstention)…
P. S. Dans l’annexe 1, j’ai fait l’analyse des résultats circonscription par circonscription. Ils me semblent valider, de façon inégale selon les circonscriptions (la notre n’est pas la pire, comme on le verra), la conclusion tirée des chiffres nationaux. Dans l’annexe 2 j’analyse les résultats du 79 et de Niort.
Jean-Louis, Niort, le 20 juin 2014
1. On voit bien les limites de l’argument lorsque J. Worms, en réponse à la question que je posais sur le résultat des municipales (pourquoi le F d G n’a-t-il pas profité de l’effondrement du PS ?), bottait en touche en utilisant la réponse suivante : le vrai problème c’est la crise de la démocratie puisque Baloge a été élu maire avec 31% des voix des inscrits. Et nous, alors ? Réponse : 5,94% des inscrits !
2. Voir un article de 3 journalistes du Monde (peut-on relativiser le score du FN ?), publié sur le site d’Europe solidaire sans frontières.