Une fois encore dans le gouvernement se fourvoie dans le registre « la droite en avait rêvé, la gauche le fait ». Ce dimanche 30 octobre 2016, il vient de créer — par décret — le fichier « Titres électroniques sécurisés » (TES) fichier regroupant les informations liées à la création des pièces d’identité et passeport ; plus précisément ce fichier — national et unique — rassemblera les données personnelles et biométriques de la quasi totalité des Français. Le fameux « fichier des gens honnêtes » voulu par le précédent gouvernement, retoqué par le Conseil constitutionnel en 2012, est donc lancé non pas par une loi comme l’imposerait une décision de cette importance mais par un simple décret qui intègre les observations faites à l’époque par le Conseil constitutionnel… et ignore toujours les réserves de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En effet, la CNIL soulignait les dangers inhérents à un tel système centralisé et suggérait de rassembler les informations sur une puce, dans chaque pièce d’identité.
Aujourd’hui, le texte prévoit explicitement que « le traitement ne comporte pas de dispositif de recherche permettant l’identification à partir de l’image numérisée du visage ou de l’image numérisée des empreintes digitales enregistrées dans ce traitement ». Demain, prochainement peut-être, par le même canal et en ignorant pareillement le Parlement, un gouvernement pourra autoriser de partir du fichier pour identifier des personnes, à partir des critères biométriques tel que la couleur des yeux, la forme du visage ou l’empreinte digitale. Et pourquoi pas, il pourrait aussi élargir le champs des personnes autorisées à utiliser ce fichier ou permettre d’effectuer des croisements tous azimuts. Pour aller vite, les caméras de surveillance ou de simples photos pourraient permettre de retrouver l’identité des passants, les participants à une réunion ou à une manifestation … et de les suivre sur la durée.
On le sait à la suite des révélations faites par Edward Snowden en 2013 sur la NSA, les capacités techniques de surveillance étatiques généralisée existent et la France, avec la DGSE, n’est pas en reste comme la révélé Le Monde dans la foulée et confirmé Libération. Couplée à ces dispositifs, l’existence de ce fichier ouvre des perspectives véritablement terrifiantes.
A ce sujet, lire l’interview de Gaëtan Gorce, sénateur socialiste de la Nièvre et commissaire de la CNIL, dans Libération du 31 octobre : Fichier des pièces d’identité : « Ce décret crée un monstre » ; ou encore ces articles dans Numerama L’identité biométrique de 60 millions de Français réunie dans un seul fichier. ou NextImpact Au Journal officiel, un fichier biométrique de 60 millions de « gens honnêtes ». Écouter aussi, le débat Michel Tubiana de la Ligue des droits de l’homme et Philippe Goujon député LR (qui évidemment pousse à retrouver la lettre du « fichier des gens honnêtes ») sur RTL ce matin.