‘(L’illustration de l’article est un pastiche de la presse réalisé par des membres du comité de soutien placé sur leur blog)
Les faits, le contexte:
Une manifestation intersyndicale contre la loi El Kohmry a lieu le 19 mai 2016 à Poitiers comme dans toute la France. La lutte contre la Loi travail dure alors depuis deux mois. La répression bat son plein, comme le rappela Pierre Lhomme, syndicaliste Solidaires, un manifestant avait perdu un œil à Rennes du fait d’un projectile policier.
Malgré ce contexte, cette manifestation eut lieu dans un climat calme. Selon le trajet prévu et annoncé, la manifestation arriva devant la gare ; un portail d’accès aux voies ferrées était ouvert en ce jour de grève des cheminots, des policiers, non loin ne bougeaient pas. Environ 400 manifestants envahissent alors les voies ferrées, puis, à l’appel des dirigeant.e.s de la CGT et de Solidaires, ils évacuent les voies.
Plainte est posée par la SNCF : pour préjudice de retard.
La justice reproche aux prévenu.e.s aussi de ne pas avoir accepté, sauf pour deux, le prélèvement d’ADN. Et aussi de ne pas avoir répondu aux questions de la police lors de leurs garde à vue.
Les prévenu.e.s revendiquent cette action.
L’une lit à l’audience un texte collectif de revendication (cf le blog des neuf prévenu.e.s) (1). Ce qui leur est reproché, c’est d’appartenir selon le rapport d’un policier, à la mouvance d’extrême-gauche locale ».
L’avocat de 8 des prévenu.e.s soulignera que les rapports de police ont identifié sur les vidéos de l’action une vingtaine de personnes et s’étonnera de ce choix de la moitié pour poursuites judiciaires. Pour les prévenu.e.s le ciblage est politique, c’est la raison de leur refus de parler à la police. Les liens anciens avec le comité antirep de Poitiers (2) étaient manifestement une cause du choix policier. Des libertaires qui se revendiquent comme tels. « Anarchiste » précisera l’un d’eux à l’audience »
Deux responsables de Solidaires , un de SUD-PTT et un de SUD Éducation furent aussi inculpés.
La solidarité entre les libertaires et les syndicalistes radicaux a tenu bon. La CNT participe au comité de soutien.
La solidarité de la CGT et de la FSU avec les inculpé.e.s s’est manifestée ce jour-là. Du point de vue du pouvoir répressif, l’enjeu est de criminaliser des syndicalistes et autres activistes, ce depuis des années ; d’isoler une frange combative des autres et de la briser. La participation au soutien aux 10, ce jour-là a montré un échec de cette tentative de division.
L’audience a permis de préciser :
Occupations des voies ferrées ? Elles furent multiples lors des manifestations anti CPE dix ans auparavant, et le maire de Chatellerault, homme de droite et de bonne famille, a dirigé une telle occupation des voies ferrées en sa ville au mois de mars précédant (cf vidéo de NR-CP)
Le climat d’alors ? Violences policières, violence du 49.3.
Insécurité des manifestant.e.s sur les voies ferrées? Du fait que la police était avertie de l’action prévue, du fait que les cheminots en étaient avertis, quelle mise en danger restait telle possible ?
Benoit Sauvage, responsable Solidaires, note sarcastiquement que les cortèges de Solidaires sont « super-encadrés » par la police … et que les autres cortèges syndicaux ne sont pas aussi « sécurisés » que les leurs.
L’avocat de la SNCF dit juste qu’il y a eu retard de trains, que ça a un coût, que ce coût est chiffrable selon un protocole entre SNCF et Assureurs, que le calcul a été fait, e que ça coûte 6755, 52 euros.
Le procureur a tenté de désigner un chef : le plus vieux, l’anarchiste. Mais celui-ci est resté calme.
Il a ensuite insisté sur un point : c’est la sécurité des personnes qui était en jeu ce jour-là, du fait de cette occupation des voies ferrées. Et lui procureur en garant de toutes les libertés publiques ne peut que se saisir de cette infraction caractérisée. La peine demandée est 1000 euros pour chaque prévenu.e et 1500 pour les deux qui ont des mentions sur leur casiers judiciaires.
L’avocat de huit des dix , maitre Gouache, du barreau de Nantes, en préalable rappelle que que toute manifestation perturbe la circulation des gens , le bon fonctionnement des choses ; ainsi de la grève récente, justifiée des greffiers dans les Palais de Justice. Que le droit de manifester est une des libertés publiques.
Il s’interroge sur la qualité de l’enquête qui a abouti à ce procès. Il cite des questions sans réponse : qui a ouvert le portail qui a permis à la manifestation de parvenir sue les voies ? qui a coupé l’électricité-de façon très adapté- sur les voies ferrées ce jour-là? Qui sont les autres manifestants reconnus par la police sur les vidéos, outre les 10?
Les 10 seraient parmi les derniers à avoir quitté les voies ferrées, ce qui aurait attiré l’attention de la hiérarchie policière. Mais « l’infraction ne dépend pas de la durée d’occupation ». « Nous y étions tou.te.s » est bien le cri de ralliement du collectif de soutien.
Et puis 20 minutes pour évacuer à 400, tranquillement, les voies ferrées, ce n’est pas inconcevable ; et cela amène à la question : « qui est plus coupable que les autres ? » et selon quels critères ?
La police dans son rapport dit que ce sont des militant.e.s « bien connus », mais pour quelles actions sont-ils connus ? Le rapport ne le dit pas.
Maitre Gouache considère donc qu’il y a délit d’opinion politique, que cela va à l’encontre du principe d’égalité de tous devant la loi. Il souligne par ailleurs que la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que les prélèvements ADN effectués systématiquement en France contrevenaient à la liberté individuelle.
Puis Maitre Artur, avocate au barreau de Poitiers, défenseure des deuix syndicalistes Solidaires a pris la parole. Elle a dit que ses clients faisaient partie de ceux « qui sont restés debout » face à la Loi Travail, cette « déconstruction des droits ». Elle fit référence au maire de Châtellerault et autres élus présents sur les voies ferrées de sa ville pour une cause juste, quelques mois auparavant. Il ne fut pas poursuivi et ce fut bien qu’il en fut ainsi.
« C’est donc autre chose que les faits qui a enclenché les poursuites »
Elle s’interroge : « le retard des trains est-il un trouble exceptionnel ? » Elle critique les approximations du rapport de l’huissier venu à l’appel de la direction de la SNCF, pour un calcul aboutissant à la somme si précise de 6755,52 euros.
Elle affirme alors : « ils sont poursuivis pour ce qu’ils sont » non pour ce qu »’ils ont fait. C’est un « procès pas juste ».
Elle conclut sur les dangers qui pèsent sur l’exercice de la justice en cette périoide où depuis la loi du 30–10–2017 nous sommes passés d’un État de droit à un État de surveillance.
La relaxe est demandée par les deux avocats.
La Cour donnera sa décision le 21 décembre à 14 heures.
Le journaliste Xavier Benoit dans son article du 18 novembre expolique ce que signifie cette « opportunité des poursuites » auquel il fut fait référence à plusieurs reprises pendant l’audience.
Plainte ayant été déposée par la SNCF, il revient au ministère public de décider de la suite à donner.
« Lors des précédentes occupations de la gare, en 1995 (plan Juppé) ou 2006(Contrat première embuche), le parquet n’avait alors pas jugé « opportun » de poursuivre » des manifestabnt.e.s.
Cette fois il l’a jugé opportun. Pourquoi ?
Pascal Boissel, 26–11–2017
1)https://soutienpoursuiviespoitiers.noblogs.org/
2) https://antirep86.fr/category/criminalisation/
Les articles de reve86 :
https://reve86.org/17-novembre-jour-du-proces-des-manifestants-contre-la-loi-travail/
https://reve86.org/communique-du-comite-de-soutien-aux-9–10-inculpe-e-s/
https://reve86.org/2-tracts-en-defense-des-9-inculpe-e-s-de-poitiers-mise-en-perspective/
Comment les médias locaux ont traité le sujet ?