« Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre » Karl Marx
« Pendant quarante-trois ans de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire ; pendant quarante-deux de ces années, j’ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j’avais à recommencer tout, j’essaierais certes d’éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé. Je mourrai révolutionnaire prolétarien, marxiste, matérialiste dialectique, et par conséquent athée intraitable. Ma foi dans l’avenir communiste de l’humanité n’est pas moins ardente, bien au contraire, elle est plus ferme qu’au temps de ma jeunesse.
Natacha vient juste de venir à la fenêtre de la cour et de l’ouvrir plus largement pour que l’air puisse entrer plus librement dans ma chambre. Je peux voir la large bande d’herbe verte le long du mur et le ciel bleu clair au-dessus du mur, et la lumière du soleil sur le tout. La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression et de toute violence et en jouissent pleinement. » Léon Trotsky
Publié dans notre journal local « Prenons Parti » (1), mon texte « Unifier pour reconstruire un nouvel outil politique » (ci-après), sur la nécessité de reconstruire un outil politique à gauche du PS fait débat. En effet, sur le site de l’organisation « Ensemble !86 » (membre du Front de Gauche), Pascal Canaud, militant poitevin, apporte une analyse différente de la mienne, notamment sur les rapports au Parti communiste français.
Le camarade dit rejoindre mon analyse globale de la situation. C’est-à-dire un recule de la conscience de classe, la décomposition du mouvement ouvrier organisé, le retard dans la course de vitesse idéologique engagée avec le FN, l’absence de luttes significatives et la volonté de tout reconstruire. C’est un bon point de départ puisque, de là, la discussion peut se mettre en place. Néanmoins, Pascal C. ne partage pas un point de vue essentiel de mon analyse : celle du Parti communiste mais, plus globalement, des vieux appareils politiques du mouvement ouvrier.
Je vais tâcher, dans ce texte, de polémiquer sur le fond avec Pascal, un camarade avec qui, au quotidien, je milite depuis des années dans moult luttes. Mais, avec qui j’ai, politiquement, des désaccords qui me paraissent radicaux, 1. sur l’analyse des vieux appareils politiques et 2. sur l’approche tactique qu’est l’unité, que l’on nomme dans notre jargon « FUO » (front unique ouvrier).
Avant toute chose, quand même, il est important que je revienne sur quelques affirmations du camarade qui sont erronées, non sur l’analyse, mais sur le sens donné à mes propos. En effet, mon article, publié dans un journal au format papier est confronté à un problème délicat : celui du nombre de signes… C’est la raison pour laquelle je ne fais pas une analyse d’EELV. Mais à la page précédant l’article dont nous discutons là, il y a un autre billet (1), faisant référence à l’expérience « Osons Poitiers » et mettant en avant un certains nombres de « critiques » d’EELV. Certes, celles-ci ne concernent pas une éventuelle bureaucratisation du parti de Cécile Duflot (ce parti est bureaucratisé mais il me semble que la nature d’EELV est totalement différente de celle du PCF, historiquement, numériquement et idéologiquement, je prends note, quand même, du fait qu’il faille analyser la bureaucratie de cette organisation). Mais revenons à nos moutons. L’angle choisit dans l’article de Prenons Parti sur « Osons Poitiers » est celui des désaccords stratégiques sur le rôle de l’État, de la subversion, en quelques sortes, les différences entre « réforme et révolution » même si c’est plus compliqué que cela. Bref. Tout cela pour dire que non, nous ne faisons pas une fixette sur le seul PCF.
Enfin, sur la fin du texte, et l’hypothétique ton prophétique que j’utiliserais en disant « notre heure arrivera ». Là encore, il n’est pas possible de déceler une vision quasi religieuse dans ce que j’écris. D’abord parce que dans la même phrase, il est dit qu’il faut se préparer et agir dès maintenant. Ensuite parce que les militants du NPA sont engagés dans toutes les luttes actuelles, de progrès social et écologique, et que nous refusons la politique du tout ou rien, du gauchisme le plus sectaire. À Poitiers, notre réalisme va même jusqu’à avoir des élues… mais ces élues (avec un e puisque nous n’avons que des femmes élues) jouent un rôle révolutionnaire dans l’Institution, en défendant un programme de rupture et en refusant de gérer des collectivités sans cette perspective de rupture. Je ne rentre pas dans le débat sur le rôle des élus (bien que ce soit lié) mais il faudra l’avoir également. Sur ce, les deux points étant éclaircit, venant en aux deux temps énoncés plus haut qui, il me semble, sont ceux qui font débat entre nous ; sans fausse polémique.
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S’inspirer du meilleur, s’émanciper du pire
En effet, je le répète. La crise politique que nous connaissons aujourd’hui est en grande partie liée à la décomposition politique de la gauche ouvrière. Dire cela nécessite de comprendre les sources de la crise. D’abord, la chute de l’URSS, qui a ouvert une nouvelle période, mettant fin à l’idée qu’une autre société est possible (d’où le TINA de la Dame de fer et le libéralisme triomphant). Cette chute n’est pas sans cause. La contre-révolution stalinienne étant bien évidement la principale responsable dans la mise aux abîmes de la grande révolution d’octobre 1917. En France, le PCF a joué un rôle particulièrement suiviste en défendant et appliquant le pire de la tradition stalinienne. Cela a eu pour effet de faire de ce parti une organisation bureaucratisée, avec un centralisme loin d’être démocratique.
De plus, l’utilisation du terme communiste par les staliniens rend la tâche difficile pour faire émerger une vraie force éco-communiste aujourd’hui. Une société utopique, de bon sens, planifiée démocratiquement.
Dire cela ne veut pas dire que les centaines de milliers de militants communistes étaient de fourbes staliniens, rêvant de goulags ou autres procès politiques. Non. C’est vouloir démontrer qu’un appareil politique ayant joué un rôle funeste dans l’Histoire ne peut être le cadre de l’émancipation humaine.
En revanche, le PCF, et ses militants, ont su porter l’espoir d’un monde meilleur, à travers le monde entier, et particulièrement en France. C’est pourquoi il est évident qu’il ne faut pas balayer d’un revers de la main ce parti, son histoire et encore moins ses militants. Mais il ne faut pas se mentir non-plus. Oui, nous pouvons mener des tonnes de luttes ensemble, mais nous ne pourrons le faire qu’en s’émancipant des cadres institutionnels, comme celui du PCF, devenu une énorme machine électorale ; plus exactement ce parti ne vit plus que pour survivre, d’où ses compromissions avec la bourgeoisie incarnée par le PS.
Ma critique n’est néanmoins pas réservée au PCF. Les Trotskystes, par exemple, n’ont pas toujours eu des positions excellentes. Et nombre de comportements hérités du trotskysme aujourd’hui sclérosent le NPA, comme la LCR en son temps. En effet, la 4ème Internationale a été extrêmement utile pour maintenir un courant communiste démocratique. Ernest Mandel, cité par Pascal, a effectivement préconisé différentes attitudes à adopter dans un parti pour éviter la bureaucratisation. Mais ces préconisations sont directement liées aux attitudes staliniennes, puisque toutes les organisations politiques de l’époque étaient issues du PCF, ou, du moins, se comparaient à lui ! Aujourd’hui, le droit de fraction dans des organisations comptant moins de 3000 militants est relativement ridicule. Pire, ce modèle de démocratie devient une formalité et bloque tout processus de construction. Mais rien de mieux existe, donc cette méthode reste la moins pire. Par ailleurs, la démocratie fait directement partie du meilleur du mouvement ouvrier, dont il faut s’inspirer. Mais, une des autres valeurs dont il faut s’inspirer, c’est l’utopie et la création. C’est là que le bas blesse. Effectivement, comme le dit Pascal, en Espagne, Podemos est une organisation bureaucratisée, une forme de néo-réformisme. Mais, le fait que des milliers de personnes s’emparent de cet instrument démontre que ce type d’organisation a un sens. La bureaucratie de Podemos est dépassée, dans de nombreuses villes, par des militants qui ne demandent pas l’avis des chefs et parfois sur des bases très clairement anticapitalistes. Or, cela n’est pas possible dans un parti d’origine stalinienne puisque, justement, le rôle de parti est semblable à celui de patrie. Le Parti est ce qui rassemble, plus que les idées défendues par le Parti. L’intérêt du Parti passe avant tout. C’est pour cela que des « pans entiers » du PCF n’ont jamais rejoints les trotskystes et qu’ils ne le feront sans doute jamais. Coller aux baskets du PCF en disant « on veut l’unité, on critique de temps en temps mais on veut la même chose, et on est vachement démocratiques » ne marche pas. Vouloir faire pareil, en mieux, ne marche pas. D’abord et avant tout car l’Histoire ne se répète jamais deux fois à l’identique. Ou alors, l’événement arrive sous la forme d’une tragédie, puis se répète sous celle d’une farce, pour paraphraser Marx.
Non. Il faut construire autre chose, à côté, par en bas, et les militants communistes ont bien entendu un rôle à y jouer, s’ils le souhaitent. En attendant, nous continuons, bien sûr, et nous ne l’avons à aucun moment remis en cause, de lutter avec les militants communistes, contre le fascisme, pour les droits des réfugiés et des sans-papiers… mais malheureusement pas pour la sortie du nucléaire ou, plus globalement, pour une politique d’objection de croissance puisque le PCF ne partage pas ces revendications.
Au-delà des désaccords organisationnels, des désaccords politiques
Pascal passe rapidement sur un point essentiel de la période en disant que ma critique de l’orientation politique du PCF se limite à Poitiers. Camarade, le PCF ne s’est pas allié aux Municipales avec le PS qu’à Poitiers. A titre d’exemple, et pas des moindres, il l’a fait à Paris, capitale du pays, où l’enjeu était sans doute le plus important ! Mais il l’a aussi fait à Toulouse, et dans la réalité, il l’a fait dans une majorité de grandes villes ! Pas besoin d’être au NPA pour dire cela. À l’époque, le FDG a failli exploser puisque les camarades du PG étaient furieux, cette stratégie mettant la dynamique FDG à mal. À dire vrai, ils avaient mille fois raison ! Ne pas assumer pleinement la rupture avec le PS aujourd’hui est suicidaire ! Or, le PCF ne rompt pas avec le PS. Par ailleurs, à titre informatif, le PCF refuse toujours de se dire opposé au gouvernement quand Mélenchon et le PG l’assument totalement. Enfin, camarade Pascal, comme tu nous le dis le PCF est politiquement opposé au PS au niveau européen, et c’est vrai. Mais que penser de sa position vis-à-vis de Tsipras aujourd’hui ? Tsipras est en train de faire la démonstration que la gauche radicale au pouvoir est impuissante, et le PCF le soutient… Alors que le PG soutient l’Unité Populaire. Pourquoi Ensemble ne tranche-t-il pas clairement ses rapports en privilégiant des alliances avec le PG et le NPA, alors que politiquement ces trois organisations se retrouvent ? Au même titre, pourquoi le PG fait du pied à EELV au moment où ce parti se vautre sur la scène européenne, en refusant de dénoncer très clairement des Institutions anti-démocratiques, et en refusant, dans le même temps, de s’opposer au PS, en disant toujours être dans la « majorité présidentielle » ? En fait, le problème, il est que les accords d’appareils priment sur le reste puisque tout ce beau monde mise sur une émancipation légaliste, dans le cadre des Institutions actuelles. Tout prouve pourtant qu’une rupture anticapitaliste est nécessaire. À vrai dire, il n’est pas possible d’être réformistes à gauche… puisque le développement anti-démocratique de l’UE a pris une telle ampleur que les États ne sont pas souverains… alors comment les peuples pourraient-ils l’être en se cantonnant à vouloir exercer le pouvoir d’État ?
Bien sûr nous n’allons pas décréter des rassemblements citoyens. C’est ridicule. De fait, si un parti appelle à un mouvement citoyen, alors celui-ci, dépourvu de la fibre spontanée, perd toutes visions subversives. Mais nous pouvons faire des choses ensemble. PG, NPA, Ensemble, AL, OCL, MOC, LO, écologistes de gauche… nous pouvons nous rassembler et porter un message : oui, une autre politique est possible. Et ce message, nous pouvons le porter si et seulement si nous sommes totalement indépendants du PS. Mais cela n’est pas suffisant. L’indépendance, bien que nécessaire, n’a de sens que si la notion de rupture y est associée. La proposition portée par le PG pour un sommet internationaliste du Plan B , ou encore celle portée par Olivier Besancenot du NPA, un député européen de Podemos et un dirigeant de l’Unité populaire en Grèce pour un Austerexit sont des moyens de nous retrouver pour élaborer une nouvelle offre politique. Sans démagogie, nous ne décréterons pas à nous seuls la forme que doit prendre une organisation nouvelle. Mais avec humilité, nous pouvons dire clairement que, oui, l’utopie d’un monde meilleur à mettre en place existe, loin des accords électoralistes et des recompositions parlementaires. Dans la rue, dans la lutte et dans les élections, redonnons l’espoir.
Alexandre Raguet
(1) : Chacune ou chacun peut acheter notre journal le samedi après-midi en centre-ville de Poitiers, ou bien en le demandant à un militant du NPA86. Le Prix est libre.
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Le texte de la revue « Prenons Parti »
Unifier pour reconstruire un nouvel outil politique
“Dans la continuité du texte sur l’expérience poitevine « Osons Poitiers », cette contribution a pour but d’approfondir la discussion sur la crise politique et démocratique que nous vivons, la crise de représentation des structures militantes, et les enjeux pour les anticapitalistes aujourd’hui.”
Nous vivons un de ces temps politiques où les textes d’analyses les plus poussés, les plus justes, les plus intéressants, se trouvent en quelques instants dépassés et inaudibles. Le bras de fer entre le peuple grec et les institutions européennes évolue chaque jour. Or, de cette expérience, bien des choses découleront. C’est pour cela que ce texte tentera de ne pas parler directement des derniers événements. Ce n’est pas son but. Le temps politique étant multiplié par 3 en période de crise, je ne souhaite pas que la lecture actuelle de l’article soit dénuée d’intérêt pratique, le papier encore chaud et l’encre toute fraîche. Mais il est, dans le même temps, impossible de faire sans la Grèce, sans l’Espagne…
En effet, nos regards sont tournés vers ces deux pays du sud de l’Europe qui, alors que la majorité des nations européennes tombe dans la résignation et l’extrême- droite, voient des forces jeunes au caractère anti-austérité émerger. Il ne sert néanmoins strictement à rien de vouloir copier-coller des événements, des constructions. Cela ne marche pas. Syriza en Grèce et Podemos en Espagne, bien qu’ayant de nombreux points en commun, ne se sont pas fait de la même manière. Nous devons les étudier, afin d’avoir une ligne politique et tactique adéquate ici, en France.
Une approche globale de la situation
Dans un billet publié sur mon blog Mediapart*, intitulé « Changer le monde qui nous change autant que nous le changeons », je tentais, à l’aide d’analyses de Daniel Bensaïd, d’avoir une approche de la crise des partis en trois temps qui peut se résumer ainsi :
Nous vivons une crise du capitalisme sans précédent, la société en est le reflet, elle se fracture. Les partis révolutionnaires ne sont pas adaptés à cette crise de société, leur fonctionnement « minoritaire » mettant de larges masses à l’écart. Cela a pour conséquence un affaiblissement généralisé du « mouvement ouvrier », de la gauche, qui, dans le même temps, est totalement divisé. Il faut alors recomposer à gauche du PS, pour reconstruire un nouvel outil.
L’unité est utile mais ne doit pas amener à la compromission puisque, justement, la crise politique et de représentation est le fruit des diverses trahisons de la gauche traditionnelle. La rupture avec le PS et ses alliés est un préalable indiscutable. Avec cette base, il faut créer du neuf, en s’inspirant du « meilleur du mouvement ouvrier », communiste, socialiste, écologiste, libertaire, révolutionnaire. Il faut paraître rassembleurs et surtout pas « politiciens ». Or, de nos jours, seule une fraction des travailleurs et de la jeunesse, très politisée, voit d’un bon œil l’unité « gauche de gauche ». Les autres perçoivent des « arrangements » par en haut.
Enfin la crise des partis est aussi une crise de perte de crédibilité idéologique. Nous sommes incapables d’imposer notre vocabulaire dans le débat public. Incapables d’être « hégémoniques » au sens gramscien(1) du terme, c’est-à-dire, pas de manière autoritaire, mais idéologique. Aujourd’hui, l’idéologie néo-libérale est ultra-hégémonique, dans les médias et, aussi, dans les comportements des opprimés qui ont intégré ces discours culpabilisants des dirigeants (les pauvres coûteraient chers, pollueraient, seraient dangereux…). Il nous faut alors ré-inventer des idées, un programme, un vocabulaire « de classe ». Reprendre l’offensive sur notre terrain.
« Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! »
Nul ne peut nier qu’il y a, dans ces problèmes de reconstruction d’un nouveau « parti », ou « parti-mouvement » (mais nous n’avons pas de mouvements spontanés pour l’heure), une divergence d’appréciation entre un vieux mouvement ouvrier encore fort – bien que « mort-vivant », à l’image du PCF avec lequel il est nécessaire de travailler dans les mouvements vu son poids, mais avec lequel il est impossible d’aller très loin à cause de ses comportements « bureaucratiques » et des rapports au PS qu’il continue d’avoir. Et, de l’autre côté, l’émergence d’une nouvelle génération militante.
Syriza et Podemos, à la différence du Front de Gauche en France, sont des « partis » qui n’intègrent pas les partis communistes grecs et espagnols. L’autre grande différence est que l’austérité dans le sud de l’Europe a été beaucoup plus forte qu’ici et cela a forcé à réagir vite. De grandes mobilisations ont eu lieu, notamment en Espagne, avec les Indignés ou les « Mareas », qui ont rassemblé des millions de personnes pendant de longs mois… Aujourd’hui, Podemos est une ex-croissance des luttes, qui compte plus de 100.000 adhérents (les chiffres montent même à 350.000 adhérents selon les sources !) dans environ 2000 comités locaux.
En France, il n’y a pas de lutte massive à l’échelle nationale. L’austérité, pourtant, est bien là. Mais elle arrive lentement. La grenouille cuit petit à petit, dans l’eau froide d’abord, puis, lorsque l’eau est bouillante, il est trop tard. Il y a donc un pourrissement de la situation, pas une explosion, c’est une des raisons qui fait que le FN grimpe et qu’il se mute en parti respectable, légaliste, à la différence d’Aube Dorée en Grèce, parti néo-nazi de type « nationaliste révolutionnaire », sensible au coup d’État. Dans les deux cas, il s’agit de l’extrême-droite, mais dans des situations sociales différentes, l’une explosive, l’autre calme. Mais à la différence de la Grèce, nous sommes en retard sur les forces de la réaction. C’est bien le FN qui apparaît comme la force « alternative » pour la masse des gens. Nous avons donc du pain sur la planche, pour construire un nouvel outil politique ; redoubler d’énergie dans la solidarité internationale, et tisser des liens avec la Grèce, l’Espagne, et tous les autres pays ; être présents sur le terrain des luttes, mais aussi dans les quartiers, les villages, pour faire de la politique, parler de nos idées.
Notre heure arrivera, nous devons être prêts en élaborant et en agissant dès maintenant.
* http://blogs.mediapart.fr/blog/alex…
(1) : Vient de la pensée d’Antonio Gramsci, marxiste italien du Xxème siècle, connu notamment pour sa théorie de l’hégémonie culturelle, qui explique que le maintient au pouvoir des capitalistes n’est pas le seul fruit de l’économie, mais aussi de la culture des mots, des comportements, de l’Histoire, du « réel », des sciences… Il démontre que rien est neutre et que la lutte économiste n’est pas suffisante pour gagner le pouvoir ; il faut être sur tous les fronts, pour gagner l’hégémonie des possibles face à celle expliquant « qu’il n’y a pas d’alternative ».
Alexandre Raguet
Nous avons un constat commun: le réformisme n’a plus de place à l’époque de ce capitalisme néolibéral planétaire qui ne veut qu’une atomisation des salarié.e.s, la destruction de leurs organisations.
Nous avons un objectif commun : construite une hégémonie politique où la démocratie est réinventée, poussée jusque dans ses conséquences, s’imposant dans le monde du travail, pour un monde solidaire et égalitaire.
Nous sommes d’accord pour une confluence des propositions concernant la Grèce pour faire vivre la solidarité internationaliste avec le mouvement populaire qui s’est exprimé massivement par un non au référendum en Grèce en juillet, comme tu le proposes à la fin de ton texte.
Ce sont des convergences importantes qui devraient être approfondies.
Venons en aux divergences.
Nous pensons que le Front de gauche est la seule réponse existante sur la voie d’une conquête de l’hégémonie. J’ai (beaucoup de débats sont en cours, je ne peux pas engager Ensemble! ici) des divergences avec le PCF, et aussi avec le PG.
Ici, il est question du PCF. Je ne dirai qu’en passant que j’ai publié sur ce site un texte, assez critique, sur le dernier livre de JL Mélenchon qui n’est plus président du PG mais qui intervient cependant dans les médias comme s’il l’était.
Concernant le PCF, l’histoire explique des pesanteurs de son appareil (le PCF contrairement au PG ou à Ensemble a beaucoup d’élus et de permanents à perdre à rompre tout lien avec le PS), mais elle n’explique pas tout. Le PCF rompt avec le PS de fait et sur la durée, d’autant plus que le PS se rétracte en une machine électorale dirigée par des énarques sans conviction, gouvernant comme un néolibéral vulgaire.
Ce n’est pas le cas partout et au mieux, certes. Mais cela même montre la diversité des courants dans le PCF, même si les expressions publiques et explicites de ces désaccords sont rares. Il y a des PCFs, il y a des contradictions au sein du PCF; et il y a une évolution certaine et positive ces dernières années du PCF.
Tu parles des Municipales à Paris où le PCF a été le porte-fligue du PS, avec Ian Brossat, ce à juste titre. Mais JL Mélenchon vient de proposer que le Pierre Laurent qui fut alors à la manœuvre soit tête de liste en Ile de France d’une liste FdG. Mélenchon grand seigneur jette la rancune à la rivière, …et prépare l’élection présidentielle comme chacun.e. sait.
Il y a un fait massif: la participation aux manifestations comme l’organisation de la fête de l’Humanité montre une vitalité du PCF encore grande. Nous devons donc articuler une alliance avec le PCF avec l’expression propre et sans concession de nos positions.
De même avec le PG duquel nous sommes très très proches dans beaucoup de villes et beaucoup moins ailleurs. Idem avec EE-LV dont une fraction est de gauche et l’autre à qualifier plus tard.
Nous faisons le pari que seule une force audible et pluraliste peut répondre aux exigences d’un anticapitalisme. Que seul le Front de gauche, malgré son état dégradé, est un outil politique pour ce faire.
Il reste à Ensemble d’affirmer ses positions, de cesser de tenter interminablement et trop exclusivement de jouer les bons offices entre PCF et PG. Ce que nous faisons depuis quelques mois.
Un dernier mot concernant Tsipras. Pierre Laurent, président du PGE, et le PCF soutiennent que Tsipras a limité les dégâts, il le soutient. Le PG et je crois la majorité d’ensemble soutiennent la logne défendue par Unité populaire. C’est une divergence à expliciter, à étudier. Ce n’est pas pour autant un motif pour dénoncer le PCF sur ce point, actuellement, selon moi. C’est le moment de relancer le mouvement de solidarité avec le peuple grec puisque les un.e.s t les autres nous sommes en accord pour en dire l’urgente nécessité.
Pascal Boissel
Merci Pascal pour ta réponse.
Comme tu le sais, je partage tes remarques sur JL Mélenchon. Par ailleurs, le spectacle offert aux régionales par le FG et EELV est assez pitoyable.
J’ai publié plusieurs textes sur JLM, et j’ai les mêmes réticences que toi sur le personnage, qui se donne aujourd’hui une image de grand seigneur vis-à-vis du PC et de EELV afin d’assurer le soutien le plus large autour de sa candidature en 2017.
Je rappelle juste une chose. Mes deux textes parlent de la construction d’une nouvelle force politique, organisée… pas d’un front électoral ou d’un front de luttes, ni même du front unique. Or, je suis pour le front unique avec le PC. Mais pas pour construire une organisation avec lui. Parfois, et je le pense en ce moment, il faut se couper du PC à cause de ces comportements bureaucratiques (comme PL en Ile de France) et de ses liens au PS. Il y a une forme de contradiction, et c’est ce que je dis dans mon texte initial, il faut travailler avec le PC vu son poids dans la vieille classe ouvrière, mais il faut se démarquer de lui vu son pouvoir de nuisance vis-à-vis de la jeunesse militante, pour qui « les vieux appareils » sont un repoussoir.
Alexandre, je ne sais pas si le spectacle présenté par le FdG et EE-LV et le NPA et LO pour les régionales est « pitoyable », attendons la fin des négociations et la publication des listes, puis les résultats pour voir. Pour l’instant, il n’ y a pas un intérêt majeur de beaucoup de monde pour cette élection proche.
Si ton article visait à dire que les marxistes révolutionnaires n’envisagent pas de rentrer au PCF comme viennent de le faire Christian Piquet (un des fondateurs de feue la Gauche unitaire) et plusieurs de ses proches, la cause est entendue.
Dans Ensemble nous avons fédéré des forces venant de la LCR puis NPA, de la Gauche unitaire (ex lcr aussi), des Alternatifs, des Communistes unitaires et d’autres. Ce mouvement a à se développer, pas nécessairement sous le seul périmètre politique actuel mais à se développer comme courant anticapitaliste et écologiste. Cette tâche est suffisamment ardue pour l’instant.
Que d’autres courants issus du NPA nous rejoignent serait bien, par ailleurs.