Je suis allé aujourd’hui à la discrète manif pour Gaza et j’irai à celle de demain pour Charlie. Mais je ne suis pas Charlie. Plus exactement, je ne suis plus le Charlie que j’aimais lire il y a maintenant bien longtemps. Je ne souhaite pas cautionner sa dérive islamophobe. Charlie me semblait être devenu le héraut du choc des civilisations en jetant de l’huile sur le feu, préférant l’entre-soi, et prenant plaisir à mépriser, blesser, stigmatiser une communauté paisible de 5 millions de personnes (moins une poignée d’allumés) non- représentée dans les lieux de pouvoir ou dans la presse.
Mais la liberté d’expression est au-dessus de tout. Je vais donc y aller demain, même si cela va me faire mal de manifester contre le « terrorisme » avec des terroristes économiques comme Valls, Hollande,Cameron, Merkel ou Rajoy…
Je crois que nous avons manifesté non pas pour affirmer des certitudes mais pour laisser affleurer des questions :
* Par qui sont allumés ces allumés ? Qui entretient leur délire ? De qui ont-ils hérité leur violence ? – de notre société bien plus que de l’islam ! ils sont nés et ils ont grandi en occident, ils jouent aux jeux vidéo de toute une génération !
* Comment se fait-il qu’il n’y ait eu personne dans leur entourage proche pour les rattacher à de simples plaisirs, à la compréhension modeste de ce qui se passe en nous et autour de nous ? Le climat est-il devenu insalubre au point de ne plus laisser fleurir la bienveillance ? – la responsabilité de proximité ne joue plus.
* Et qui pousse à la guerre ? Qui vend des armes ? – autre dimension des responsabilités à chercher au sommet de nos Etats.
On se demande avec Yves : qu’est-ce qui transforme trois jeunes qui vivent à nos côtés en tueurs fous ? – les causes sont profondes, proches et lointaines comme la contamination capitaliste. Elle a inoculé, du niveau individuel au niveau planétaire, l’infantilisme joint à la violence, et la société que nous formons n’a pas trouvé de parade…
A moins que… Peut-être que la vague de dégoût qui nous submerge nous portera à repousser enfin l’insatiable et meurtrière Hybris qui nous pousse vers le toujours plus !
Peut-être que Bertrand a raison de mettre un espoir dans « cet étrange sentiment d’être habités par quelque chose que nous ne connaissons pas encore ».
Peut-être le sentiment qu’on ne va plus pouvoir reporter à plus tard le moment de repenser et reconstruire les bases totalement défaillantes de notre vivre ensemble…
Allez, on s’y met ? avec lucidité et détermination !
Françoise, Emmanuel et Pierre Chanial