Lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer en 31 points

Lettre à mon ministre en 31 points.

https://blogs.media­part.fr/samy-johsua/blog/150122/lettre-ouverte-jean-michel-blanquer-en-31-points

Emma­nuelle JOHSUA (Profes­seur en lycée profes­sion­nel. Marseille)

Monsieur, le vendredi 14 janvier 2022, vous avez déclaré « je ne suis pas parfait, je fais des erreurs…  ». En tant que triple vacci­née, et donc faisant encore partie des citoyen.nes selon votre président, mais conta­mi­née en milieu profes­sion­nel et donc ampli­fiant le taux d’ab­sen­téisme selon vos critères,  je note une volonté commu­ni­ca­tion­nelle de contri­tion. Je profite donc de ces quelques heures de bon sens pour vous dres­ser la liste de vos erreurs.

  • Pour avoir sous-estimé l’épui­se­ment des person­nels avant même l’épi­dé­mie, lors du suicide de notre collègue direc­trice d’école Chris­tine RENON, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir accusé les grévistes qui aler­taient sur nos condi­tions de travail,  « d’ins­tru­men­ta­li­ser » le suicide profes­sion­nel de notre collègue Chris­tine RENON, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir fait une réforme du bac, qui a mis nos élèves dans une situa­tion de stress continu, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour, de ce fait, avoir plongé les ensei­gnant.es dans un état de stress perma­nent et dans une surcharge de travail sans précé­dent, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir créé cette folie de « Parcour­sup », dont toutes celles et ceux qui l’ont pratiqué savent que c’est un outil de conso­li­da­tion des injus­tices sociales et scolaires, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir fait une réforme de l’en­sei­gne­ment profes­sion­nel catas­tro­phique, rédui­sant les heures de Français et Histoire/ Géogra­phie à 2.5 heures en Termi­nale, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir soutenu une réforme des retraites qui rédui­sait nos pensions et envi­sa­geait de nous faire travailler au-delà de 65 ans, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir soutenu une poli­tique de répres­sion violente contre les lycéens qui défen­daient leur bac, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour vous être rangé du côté des poli­ciers qui ont laissé des enfants de Mantes-la-Jolie à genoux et mains dans le dos quatre heures durant, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir orga­nisé des réformes, sans jamais vous soucier du terrain, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir rendu depuis deux ans de l’argent à Bercy, alors que l’Ecole de la Répu­blique est exsangue, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir annoncé qu’il n’y aurait pas de ferme­ture des écoles la veille de l’an­nonce de la ferme­ture des écoles, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir laissé les familles de nos élèves des quar­tiers popu­laires dans une situa­tion sociale catas­tro­phique durant le premier confi­ne­ment et sans inter­lo­cu­teurs à qui s’adres­ser, et pour votre inac­tion actuelle, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir expliqué que des enfants souf­fraient des violences intra­fa­mi­liales et du choc psycho­lo­gique durant les confi­ne­ments, et cepen­dant, les avoir fait reprendre sans soutien psycho­lo­gique, sans cellule de crise et surtout sans renfor­ce­ment des services sociaux ou de santé scolaire, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour nous avoir fourni des masques dange­reux d’abord, puis inef­fi­caces ensuite, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir dit que l’école était le lieu le plus sûr, sans jamais relan­cer un service de méde­cine du travail à la hauteur ni amélio­rer le service de santé scolaire, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir jeté l’op­probre sur les salles de profs « gangré­nées par les islamo-gauchistes », alors que nous commé­mo­rions la mort de notre collègue Samuel PATY, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir laissé croire que nous pouvions gérer le distan­ciel, le présen­tiel, alors que nos services étaient « hackés par une cybe-rattaque d’ordre mondial », je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir fait comme si tout était normal sans jamais mesu­rer les impacts de cette pandé­mie mondiale sur notre jeunesse ou sur les person­nels admi­nis­tra­tifs, de vie scolaire, ensei­gnants, agents, etc., je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir sous-entendu que nous étions une profes­sion absen­téiste, alors que nous nous échi­nons jour après jour à main­te­nir debout un service d’édu­ca­tion à genou, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir jeté le discré­dit sur les orga­ni­sa­tions syndi­cales qui vous aler­taient, tout en finançant dans le même temps, aux frais du minis­tère, les petites fêtes de votre syndi­cat lycéen maison, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir annoncé une cinquan­taine de proto­coles sani­taires, dont dix-neuf depuis deux mois, dans la presse plutôt qu’à vos services, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir saboté mon cours d’en­sei­gne­ment civique, avec vos affiches sur la laïcité, annonçant que la laïcité c’est de  « rire aux mêmes blagues » ou de « lire les mêmes livres », alors que c’est exac­te­ment l’in­verse, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir obligé les familles à jongler depuis trois semaines avec les tests et proto­coles, jouant les usagers contre les person­nels, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir réduit le nombre de postes d’en­sei­gnants et d’AED dans mon établis­se­ment (et dans tous les établis­se­ments d’ailleurs), alors que le nombre d’élèves augmen­tait, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir été dans un colloque sur les soi-disant dangers du sépa­ra­tisme, afin de vous pava­ner au milieu de vos cour­ti­sans, alors que les parents faisaient la queue dans les phar­ma­cies, se retrou­vaient avec leurs enfants sur les bras, sans possi­bi­lité de dépo­ser des congés « garde d’en­fants » et que je faisais cours à des élèves malades, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir laissé dans une situa­tion catas­tro­phique la ques­tion de l’en­sei­gne­ment des élèves en situa­tion de handi­cap. Aban­don­nant les ensei­gnant.es et les accom­pa­gnant.es, ainsi que les familles et leurs enfants à des comptes d’apo­thi­caires, se répar­tis­sant les aides à la demi-heure, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir parlé de tenue répu­bli­caine pour nos lycéennes, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir laissé penser à l’opi­nion publique que vous étiez la fermeté et la rigueur alors que nous étions de dange­reux fainéants plain­tifs qui devions signer une charte de la confiance, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir mis en doute notre atta­che­ment aux valeurs répu­bli­caines, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour avoir conti­nué à geler le point d’in­dice, nous lais­sant avec des salaires parmi les plus bas de l’OCDE mais malgré tout un peu meilleurs que ceux de nos collègues contrac­tuel.les, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour tergi­ver­ser encore et encore sur la four­ni­ture de masques chirur­gi­caux, masques FFP2 en nombre, capteurs de CO2, puri­fi­ca­teurs d’air mais aussi sur les allè­ge­ments de programmes ou le report des épreuves de spécia­lité en bac, je vous demande de vous excu­ser.
  • Pour pour­suivre imper­tur­ba­ble­ment votre entre­prise de casse du service public de l’édu­ca­tion, quand tout démontre qu’il faudrait au contraire le déve­lop­per et le renfor­cer, je vous demande de vous excu­ser.

Aujourd’­hui, on vous reproche dans les médias « le ton et la méthode », mais la liste est trop longue des faits concrets que les person­nels vous reprochent. Les excuses, comme les applau­dis­se­ments des soignant.es, ne permettent ni de payer les factures, ni de remettre sur pieds un vrai service public d’édu­ca­tion. Mais je doute que vous ayez été nommé pour cela. Et puisqu’il est de bon ton d’uti­li­ser des gros mots, je pense qu’il est temps « d’ar­rê­ter de nous emmer­der ».

Cordia­le­ment.

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