« Tcher­no­byl, trente ans après et toujours la peur »

« Tcher­no­byl, trente ans après et toujours la peur » titrait la NR dans son maga­zine dimanche 24 avril 2016

Est-il éton­nant que les hommes aient peur de la mort ?

Non, parce que les radio­nu­cléides (1) échap­pés du réac­teur 4 de Tcher­no­byl, entre autres, sont mortelles. La peur du nucléaire est salu­taire, car elle nous incite à nous battre contre ce risque majeur. Le risque consiste à se trou­ver conta­miné par des pous­sières radio­ac­tives qui peuvent circu­ler dans l’air, dans l’eau des rivières et des océans. La conta­mi­na­tion radio­ac­tive provoque des cancers, des défaillances cardiaques, des malfor­ma­tions congé­ni­tales héré­di­tai­res…etc.

L’ac­ci­dent de Tcher­no­byl a duré envi­ron 9 jours, le temps d’éteindre l’in­cen­die alimenté par le corium (2) et le graphite. Ensuite, pendant des mois,il a fallu tenter de conte­nir la catas­trophe écolo­gique qui en a résulté : pollu­tion de toute l’Eu­rope par le nuage radio­ac­tif, porteur de pous­sières morti­fères. Un premier sarco­phage a été construit, en urgence et dans l’im­pro­vi­sa­tion totale. Ce sarco­phage tombe en ruine : un deuxième est en construc­tion qui devrait « tenir » 100 ans, le temps de déman­te­ler le réac­teur 4, en théo­rie. En pratique le danger d’ir­ra­dia­tion est encore très grand pour ceux qui devraient s’ap­pro­cher du reste de corium toujours présent quelque part sur le site, car tout n’est pas parti dans le nuage. Le calcul ou la mesure de la radio­ac­ti­vité restante et de celle qui s’est répan­due est impos­sible à faire car on ne peut appro­cher du corium restant tant il est radio­ac­tif.

L’ac­ci­dent de Tcher­no­byl est donc bien terminé, mais la catas­trophe écolo­gique et sani­taire qu’il a déclen­ché ne fait que commen­cer : les sols sont conta­mi­nés pour l’éter­nité, les gènes des popu­la­tions humaines animales et végé­tales sont marqués pour toujours. Ceci se mani­feste plus forte­ment près de la centrale, mais aussi dans toute l’Eu­rope, y compris l’est de la France et la Corse, où les doses répu­tées faibles ne sont pas inof­fen­sives.

Quand les physi­ciens nous parlent de demi-vie des radio­nu­cléides, c’est pour mini­mi­ser la durée réelle de la noci­vité de ces radio­nu­cléides qui perdure pendant 10 demi-vies. Par exemple, le pluto­nium avec une demi-vie de 24 000 ans, reste dange­reux pendant 240 000ans.

Et puis il ne faut pas oublier que, comme sur les armoires, les pous­sières s’ac­cu­mulent et circulent sur la Terre depuis 70 ans ; celles des bombes atomiques, opéra­tion­nelles ou essais (plus de 2000 sur toute la planète), celles des acci­dents (Tcher­no­byl, Fuku­shima, Mayak, Simi Valley, pour ne citer que les plus impor­tants…), celles des effluents quoti­diens des centrales.

Didier Godoy, maire d’ Avoine qui vit de la centrale de Chinon, fait une confiance aveugle à la sûreté de la centrale de Chinon et prend pour du courage le fait de ne pas avoir peur de la centrale. Les retom­bées des centrales ne sont pas que radio­ac­tives, elles sont aussi écono­miques et finan­cières. Les maires de Tcher­no­byl et de Fuku­shima parta­geaient certai­ne­ment ce point de vue….

Courage ou incons­cience ?

Le véri­table courage ne serait-il pas de regar­der les problèmes du nucléaire en face (3), sans tabou et en totale objec­ti­vité, de remettre en cause cette indus­trie et de prendre toutes les mesures pour entre­prendre la ferme­ture des réac­teurs ?

Avec le nucléaire, puisque le risque zéro n’existe pas, le danger qui en découle est infini.

Jacques Terra­cher

(1) Radio­nu­cléide = atome issu de la décom­po­si­tion de l’ura­nium au cours de la réac­tion nucléaire. On dit aussi « pous­sières radio­ac­tives »

(2) Corium = magma d’ uranium et de maté­riaux en fusion prove­nant des assem­blages de combus­tible du réac­teur acci­denté. Le corium a une tempé­ra­ture de l’ordre de 3000 °C, il passe donc à travers l’acier de la cuve (qui fond à 1500°C) et peut percer le radier en ciment du bâti­ment réac­teur.

(3) Problèmes = dépen­dance éner­gé­tique pour l’ura­nium (mines épui­sées en France) ; sûreté incer­taine des centrales vieillis­santes; coûts exces­sifs ; trai­te­ment et stockage des déchets ; risque terro­riste ; impact sani­taire sous-estimé et ignoré.

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