Contre le FN, ce parti tota­li­taire: une lutte spéci­fique à réin­ven­ter en cette année nouvelle

Le FN a le vent en poupe, les dernières élec­tions, les régio­nales tout spécia­le­ment, l’ont montré. Les villes admi­nis­trées depuis les dernières élec­tions muni­ci­pales par le FN ou par Ménard à Béziers sont le lieu d’une parole offi­cielle raciste, xéno­phobe et répres­sive à tout crin, ce qui ne nuit en rien à leur l’im­plan­ta­tion.

La démo­cra­tie se meurt en Europe.
L’air du temps est raciste, xéno­phobe, l’am­biance est au rejet de l’Autre. Hollande parade en chef de guerres afri­caines, cultive la peur dans le pays pour ses vœux de nouvel an et accu­mule les déci­sions liber­ti­cides, en conti­nua­teur de Sarkozy. Et le FN pros­père dans ce climat nauséa­bond de ressen­ti­ments. Il devient banal qu’un président socia­liste lâche veuille inscrire dans la Cons­ti­tu­tion qu’il y a deux sortes de Français , que les bina­tio­naux sont une sous caté­go­rie de français, que le FN s’en réjouisse à juste titre.
Avouons le : la pers­pec­tive d’une arri­vée au pouvoir du FN est à envi­sa­ger, au vu des analyses élec­to­rales, de l’évo­lu­tion poli­tique et sociale. Pour les mili­tant.e.s de l’éman­ci­pa­tion sociale, c’est un constat de l’échec actuel, pas défi­ni­tif mais actuel, de nos combats passés, c’est l’abou­tis­se­ment de nos échecs . C’est le résul­tat de l’évo­lu­tion de ce gouver­ne­ment qui trahit les idéaux égali­taires, sans vergogne et conti­nû­ment, de ce PS sans pensée ni morale, et c’est bien sûr le fait de cette droite faite de déma­gogues courant après le FN.
Le FN s’ins­crit dans l’évo­lu­tion auto­ri­taire et répres­sive de la plupart des droites euro­péennes, dans l’évo­lu­tion de cette Union euro­péenne sous direc­tion collé­giale mais à direc­tion alle­mande, qui bafoue la Grèce, son peuple, même les résul­tats de ses élec­tions. La démo­cra­tie n’est vrai­ment pas à la mode, la notion de peuple souve­rain est deve­nue une vieille­rie qui fait rica­ner presque tous les poli­ti­ciens à qui les sondages et des élec­tions à absten­tion massive suffisent. L’évo­lu­tion très auto­ri­taire de la Hongrie de Orban, ce chef d’État au cœur de la droite euro­péenne, ne les scan­da­lise aucu­ne­ment.
Que dire alors de la la spéci­fi­cité main­te­nue du FN? Le FN est-il la droite en pire, ou est-il d’une autre nature? Est-il oppor­tun de le compa­rer aux orga­ni­sa­tions fascistes des années 1920 et suivantes, en Europe?
La vulga­ri­sa­tion du fascisme et du nazisme évoque exclu­si­ve­ment et au mieux à la plupart d’entre nous les crimes de guerre des chefs fascistes et surtout les géno­cides; l »igno­rance de ce que furent ces régimes est grande. Pour­tant, la réfé­rence aux années 1920 et 1930, années de la montée vers le pouvoir des partis fasciste et nazi, est instruc­tive.

Le FN, Musso­lini.

Les fascistes italiens et les nazis alle­mands arri­vèrent au pouvoir dans des alliances avec la droite tradi­tion­nelle. Une ques­tion actuelle est de savoir si c’est le FN va faire des propo­si­tions à des frac­tions de la droite en leur propo­sant de rejoindre ses posi­tions, voire en faisant des compro­mis spec­tacles; ils sont capables de le propo­ser : ils le firent dans les années 1990. A la lumière de l’ex­pé­rience histo­rique, il appa­raît que ce scéna­rio ne serait pas néces­sai­re­ment un signe d’ adou­cis­se­ment du FN…
La violence verbale, voire physique, contre les étran­gers, si elle se diffuse à droite et dans les élites gouver­ne­men­tales, comme dans de larges couches de la popu­la­tion, reste cepen­dant un copy­right de l’ora­teur FN, et le FN ne l’at­té­nue en rien ces derniers mois. Tant est grand le succès de son discours « anti-système » et raciste. La compa­rai­son de ce discours moderne du FN avec les alliages de phra­séo­lo­gies sociale et natio­nale de Musso­lini et d’Hit­ler dans leur ascen­sion vers le pouvoir, comme avec leur indif­fé­rence à toute cohé­rence program­ma­tique sont utiles.
Dans les propos du FN, un autre thème n’a pas changé: les autres partis sont des non-patriotes, des enne­mis en puis­sance d’une nation décrite au bord de l’abîme. En cela aussi, la matrice tota­li­taire du discours du FN est toujours active.
La force du discours du FN a bien sûr des ressorts très modernes : son culte du/de la diri­geant.e est homo­gène au culte du person­nage provi­den­tiel de la Cinquième répu­blique et de l’élec­tion du président au suffrage univer­sel. Le FN se montre prag­ma­tique, Philip­pot se réfère à de Gaulle et à un programme socia­li­sant quand Marion Maré­chal Le Pen se retrouve avec les héri­tiers de l’OAS et les homo­phobes de la Manif pour tous avec un programme écono­mique libé­ral. L’es­sen­tiel, pour le FN, sera la haine centrale qui agglo­mère autour d’elle diverses haines parti­cu­lières: celle des musul­man.e.s, des arabes, des noir.e.s, des roms et des musul­mans. Et il se montre capable de susci­ter des engouems dans des frac­tions du peuple, ce que la droite ne permet plus.

Un danger tota­li­taire moderne.
Face à cette évolu­tion vers le pire, une lutte spéci­fique­ment de type anti­fas­ciste s’im­pose, et plus que jamais ; elle est à réin­ven­ter.
Prenons l’exemple récent de la Grèce. La victoire élec­to­rale de janvier 2015 de Syriza fut due au « programme de Thes­sa­lo­nique », à ses propo­si­tions unitaires publiques et sincères et aussi à une acti­vité anti­na­zie soute­nue. Nous devons en prendre exemple. Nous devons prendre exemple sur ce qui condui­sit aux succès élec­to­raux de Syriza, sur le « programme de Thes­sa­lo­nique », sur le Syriza vivant d’avant le mois de juillet 2015.
Une paren­thèse : ce mois de juillet 2015 lorsque Tsipras signe le dernier memo­ran­dum, il bafoue le « Non » qu’une large majo­rité de grecs, des milieux popu­laires et de la jeunesse surtout, au réfé­ren­dum de juillet..qu’il avait convoqué et auquel il avait appelé à voter « Oxi » . Cet été 2015 fut le moment à partir duquel le leader de la gauche radi­cale grecque porta une poli­tique dictée jusque dans les moindres détails par l’UE… tout en la critiquant. Bref il est devenu une image de plus de l’im­puis­sance poli­tique sous contrôle des agents de l’UE. Cela conti­nue, se précise, s’ac­cen­tue. Autre histoire ?
Non, car les extrême-droites euro­péennes affichent leur volon­ta­risme poli­tique en rupture des poli­ti­ciens du « système » qui n’ont qu’à déci­der ce que les capi­ta­listes leur ordonnent; c’est la loi du néoli­bé­ra­lisme. Un volon­ta­risme haineux et mêlant diverses haines de l’autre, de l’étran­ger, du loin­tain, mais un volon­ta­risme qui, cari­ca­ture de désir de poli­tique, vient tenir lieu de seul désir poli­tique restant. Même si c’est une jouis­sance haineuse qui se substi­tue ici au désir de vie.
La situa­tion écono­mique, donc sociale, est instable et impré­vi­sible à un point tel qu’il serait hasar­deux d’af­fir­mer que demain les capi­ta­listes ne se tour­ne­ront en aucun cas vers le FN et les autres extrême-droites euro­péennes. Le pire est possible, mais cette tendance n’est pas irré­ver­sible.
La venue au pouvoir du FN serait une destruc­tion annon­cée des liber­tés, et une chasse aux migrant.e.s et à tous les dési­gnés « enne­mis de la patrie » ; nous devons en tirer quelques consé­quences immé­diates. Qu’au moins quelques dizaines de milliers parmi ces jeunes Français qui sont oppo­sés aux solu­tions auto­ri­taires se mobi­lisent est un objec­tif à court terme.
C’est une année de combats poli­tiques âpres qui commence.

Pascal Bois­sel, 3–1–2015

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