Gaza, Trump et nous
Donald Trump persiste et signe dans son projet de transformer la bande de Gaza, une fois vidée de sa population palestinienne, en « Riviera du Moyen-Orient ». Non seulement il affirme sa détermination à « prendre possession » de l’enclave palestinienne, mais il précise, après avoir laissé planer le flou, que les habitants n’auront plus le droit d’y retourner. Le président américain met ainsi sur une réalité inhumaine des mots qui ne le sont pas moins.
Que les dirigeants qui s’indignent aujourd’hui des propos de la Maison Blanche se demandent ce qu’ils ont concrètement fait durant plus de seize mois pour éviter que n’advienne cette inhumanité-là. Ne parlons même pas de Joe Biden qui a été incapable d’obtenir un simple cessez-le-feu, tout en alimentant par un véritable pont aérien la machine de guerre israélienne. Où étaient les démocraties occidentales quand les pilonnages et la faim frappaient de plein fouet une population échouée sous une mer de tentes ? Où étaient les pays arabes quand les femmes et les hommes de Gaza les adjuraient d’intervenir pour au moins lever un siège implacable ?(…)
La responsabilité des dirigeants de l’Union européenne (UE) fut immense dans ce déni de démocratie infligé au peuple palestinien, alors même que l’UE reste, et de très loin, le principal bailleur de fonds de l’AP. (…)
Un enjeu existentiel pour l’Europe
Le président américain ne fait qu’énoncer, avec la vulgarité qui est la sienne, l’état dans lequel nous avons tous laissé sombrer Gaza, en laissant durant plus de quinze mois une guerre impitoyable détruire ce territoire et décimer son peuple. Le Hamas ne pouvait que ressurgir aux commandes d’un tel champ de ruines, ce qui sert aujourd’hui d’argument aux dirigeants israéliens et américains pour envisager l’expulsion de la population de l’enclave, et ce au nom de la « victoire totale » contre le mouvement islamiste. Leur raisonnement est simple, voire simpliste, mais il a, là encore, le mérite de la cohérence. Si l’on considère que la priorité absolue doit être accordée à l’éradication du terrorisme plutôt qu’au règlement du contentieux israélo-palestinien, alors on banalise l’idée de vider de sa population un territoire méthodiquement transformé en lieu invivable, avec la complicité active ou passive du monde entier.
Ne nous y trompons pas, la brutalité de Trump a pour elle la tendance lourde des faits accomplis à Gaza. Et ce sont de tels faits accomplis qu’il faut renverser à Gaza pour retrouver non seulement une perspective d’avenir pour les plus de deux millions d’habitants de l’enclave, mais aussi une forme de légitimité pour un ordre multilatéral bien chancelant.
Il y a plus d’un an, je rappelais dans cette chronique que « la probabilité d’un succès russe en Ukraine s’accroît avec chaque jour de prolongation du conflit de Gaza, ne serait-ce que du fait du fossé qu’une telle prolongation creuse entre les démocraties occidentales et le Sud global, bien au-delà du seul monde arabe ». Face au pari de Nétanyahou comme de Poutine sur une réélection de Trump, j’en déduisais que « le destin de l’Europe se jouera à Gaza ». Un an plus tard, nous y voilà, avec une alternative qui a l’indéniable mérite de la clarté entre, d’une part, les diktats de Trump sur Gaza et, d’autre part, le sauvetage à Gaza de ce qui peut l’être du droit international.
Cette alternative est posée à Gaza et nulle part ailleurs. Et c’est à Gaza que l’Europe et ses citoyens choisiront dans quel monde ils vivront durant les décennies à venir.
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